Sans palmiers, que serait vraiment l’Amazonie ? Omniprésents dans le sous-bois comme en canopée, influents sur les autres plantes, indispensables à la faune comme aux hommes, leur importance est impondérable… mais considérable.

Cette année, des scientifiques de Guyane et de toute l’Amazonie ont tenté de savoir combien d’arbres poussent dans la plus grande forêt tropicale du monde… 390 milliards, ont-ils estimé. Mais, surprise, parmi ces arbres, le plus commun n’en est pas vraiment un : c’est un palmier, tout comme cinq des dix espèces arborescentes les plus abondantes en Amazonie…
Cette abondance n’est pas un hasard : les palmiers sont l’une des familles apparues le plus tôt au sein des première forêts tropicales modernes. Ils partagent avec ces dernières plus de 100 millions d’années d’histoire évolutive. Ils forment aujourd’hui une des familles végétales les mieux adaptées à ces forêts dont ils ont colonisé toutes les strates. Ce succès des palmiers au royaume des arbres est d’ailleurs singulier tant leur stratégie de développement est différente. Les arbres investissent dans leur bois, les palmiers dans leurs feuilles. Celles-ci sont emblématiques de cette famille : elles sont souvent complexes et gigantesques. Elles peuvent durer plusieurs années et une fois mortes, mettent très longtemps à se décomposer. Cette durabilité est le fruit d’une patiente fabrication. Il faut d’ailleurs plusieurs mois, parfois plus d’un an, avant qu’un grand palmier ne produise une nouvelle feuille. Avis aux sabreurs de tous poils qui ouvrent leurs layons en forêt ! Ces feuilles cependant prennent des formes très différentes suivant la strate qu’occupe chaque espèce de palmiers.
Dans la pénombre du sous-bois, les plantes luttent pour un peu de lumière. Pour mieux capter celle-ci, les way, de petits palmiers, fabriquent des feuilles au limbe souvent horizontal et non divisé (dit entier). Le peu d’énergie du soleil disponible n’incitant pas à la gaspiller, beaucoup de palmiers de cette strate se passent par ailleurs de tronc, coûteux à produire. Ou bien en produisent plusieurs pour augmenter leur feuillage, comme le font les arbres en déployant leurs branches. On pourrait ainsi dire que l’arbre produit des branches en hauteur tandis que celles du palmier partent du sol. Ces rejets multiplient en outre les chances de survie des palmiers, car le sous-bois n’est pas un endroit sûr : les arbres et les branches tombent à tout moment, les voisins sont parfois envahissants et les pécaris rôdent, prêts à croquer les cœurs de palmier quand il n’y a rien d’autre à se mettre sous la dent.
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