En 2002, à 32 ans, Xie Da a quitté son foyer dans la province chinoise du Fujian pour rejoindre le Suriname. Un ami lui avait parlé de bonnes affaires à saisir dans ce pays néerlandophone. Au début, ce fut très difficile de trouver un emploi, et les postes proposés étaient très mal payés. Xie a débuté dans un supermarché.

« J’ai travaillé très dur, ne gagnant que 80 dollars américains par mois, juste de quoi m’en tirer et payer mes appels téléphoniques en Chine. » Rêvant d’une vie meilleure, Xie ne s’est pas laissé abattre pour autant, il a alors quitté son emploi, et tenu tour à tour trois petits restaurants, ne connaissant le succès qu’avec le dernier. Puis il a lancé son propre supermarché. Persuadé que la vie au Suriname lui sourirait un jour ou l’autre ainsi qu’à sa famille, Xie n’a jamais cessé de prendre des risques.

« Qui n’a jamais souhaité une vie meilleure », s’interroge Stephen Tsang, secrétaire de l’Association Unie des Chinois du Suriname, créée en 2009. Chaque jour, Tsang se consacre aux migrants chinois qui, comme Xie, sont prêts à risquer leur épargne, contracter des prêts importants en Chine, et tout quitter pour chercher travail, bien-être et prospérité au Suriname. « La présence chinoise au Suriname remonte à la période post-esclavagiste avec le recrutement de travailleurs engagés, une histoire commune aux pays du plateau des Guyanes », explique le sinologue Paul Tjon Sie Fat. Au terme de leur contrat, plutôt que de retourner en Chine, de nombreux Chinois ont par commodité privilégié les destinations proches, en quête de meilleurs emplois.

Dans les années 1960, les migrants en quête de travail transitaient via Hong Kong, tandis qu’à partir des années 1990, les nouvelles cohortes sont arrivées après que la République populaire de Chine ait engagé des réformes économiques et assoupli les règles en matière d’émigration. Selon Tjon Sie Fat, après une interruption de quarante ans, le mouvement migratoire de masse des « nouveaux » Chinois représente un modèle spécifique de migration de main d’œuvre [migration en chaîne] avec une stratégie économique spécifique (le commerce d’articles bon marché, en général de mauvaise qualité) dans un environnement étranger spécifique (généralement un État fragile sur le plan institutionnel) et propice pour écouler les produits. « Leurs produits bon marché les ont rendus impopulaires auprès des commerçants locaux. Prenons l’exemple des Libanais, ils avaient traditionnellement la mainmise sur le textile, mais ils n’ont pas pu rivaliser avec les vêtements bon marché. »

Les nouveaux Chinois sont également associés à la clandestinité, en particulier à la migration illégale, « une image renforcée par le cliché du ’péril jaune’ mettant en scène des hordes de Chinois envahissant le monde », explique le sinologue. « C’était en partie dû à la procédure bureaucratique pour obtenir le permis de résidence au Suriname, mais ici l’immigration irrégulière est un vrai problème, et continue de l’être. » Selon Tsang, les Chinois entrent au Suriname en toute légalité et se retrouvent par la suite en situation irrégulière : « La plupart d’entre eux voyagent avec un visa de touriste et décident par la suite de rester pour travailler. »
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