Les habitants de Roura et de Régina à la rencontre d’un patrimoine d’exception. Du 26 août au 1er septembre 2013 la Réserve Naturelle des Nouragues et la station du CNRS présente au sein de la Réserve ont ouvert leurs portes aux habitants de Roura et de Régina. Une action très attendue par les habitants désireux de découvrir le site et les études qui y sont menées.

Jour 1 

8h00 : Rendez-vous au dégrad de Régina. Les piroguiers, eux sont déjà là et attendent dans les embarcations. Une garde de la réserve des Nouragues accueille les participants. L’excitation du départ et de la découverte anime déjà le groupe. Tout le monde est là ? oui ! enfin presque…on attend encore un retardataire… Une heure après William arrive. Il était temps, la pirogue démarrait déjà! « William, tu seras de corvée vaisselle ce soir ! »

9h00 : Les deux pirogues s’élancent sur l’Approuague sous un soleil  déjà perçant pour remonter le fleuve et ses sauts. Quelques jolies rencontres ponctuent la remontée, on aperçoit un balbuzar pêcheur qui a attrapé un Coumarou. Il s’envole sur notre passage pour déguster son butin un peu plus loin. Trois heures plus tard, on quitte l’Approuague pour emprunter un affluent : la rivière Arataye. Suspendu sur un câble d’acier qui traverse la rivière, un panneau nous indique l’entrée de la réserve et sa règlementation.

12h00 : Arrêt sur l’ancien camp d’accueil touristique. Ce camp accueillait des touristes et des scolaires désireux de découvrir la faune et la flore de la réserve. Mais en 2006, suite aux meurtres des deux guides-piroguiers de la réserve, le camp n’a jamais été réouvert et est resté abandonné. Nous adressons une pensée émue à Capi et Domingo. Hommage qui suscite une forte émotion parmi les participants. Cet arrêt est aussi l’occasion de parler du projet de la réserve : rouvrir le camp ! Un projet difficile à mettre en place mais que la réserve souhaite voir aboutir. Il fait chaud, le soleil devient brûlant. Il est temps de faire une pause rafraichissante sur la crique Kwata, à 10 minutes de marche derrière le camp Arataï.  Les pieds dans l’eau, les participants découvrent les polissoirs qui jonchent les roches de la crique. La réserve tient son nom  des amérindiens « Noraks » qui occupaient ce territoire.

13h00 : On reprend la pirogue jusqu’au camp Pararé, l’un des deux sites de la station scientifique du CNRS. On se retrouve tous dans le carbet cuisine, accueilli par le deuxième garde de la réserve, Stéphan Icho, et par l’équipe du CNRS. Découverte, échanges et satisfaction d’être enfin arrivés animent le déjeuner. Mais la pause est de courte durée. Après s’être réparti entre les différents carbets couchage, et après avoir accroché son hamac, il est temps de prendre de la hauteur ! Voilà le groupe qui repart, mais à pied cette fois ! Dix minutes de marche suffisent pour rejoindre l’une des tours du COPAS*. Trois tours métalliques disposées dans la forêt permettent d’atteindre la canopée, à 45 m de hauteur. Ce projet ambitieux du CNRS est toujours en travaux, dans l’espoir de bientôt permettre aux chercheurs de réaliser des échantillons (botaniques, entomologiques …) directement aux sommets des arbres. C’est bien harnachés que les participants s’élancent sur la petite échelle d’une des tours du COPAS. Grisés par la hauteur, certains rebroussent chemin avant d’avoir atteint la plateforme. Les autres se félicitent du challenge d’y être arrivé et de découvrir la canopée des Nouragues ! Les derniers à monter ont même la chance de voir une famille de singes hurleurs rejoindre leur arbre dortoir pour la nuit ! Le soir, les jambes flageolent, mais un ti punch réconfortant attend les hôtes au carbet cuisine ! Phillipe Gaucher (CNRS) et Jennifer Devillechabrolle (Réserve) ont même préparé des mini-conférences sur grand écran pour échanger sur l’historique de la station scientifique, de la réserve naturelle et de ses missions. Le chant des grenouilles et grillons se mêlent aux questions, aux rires et bientôt  aux bercements des hamacs. Demain, la route est longue !

Jour 2 :

 6h00 : La brume opaque couvre encore le camp Pararé. Elle se dissipe peu à peu avec le chant des oiseaux et les premiers rayons du soleil. Au carbet cuisine, le bruit des bols et de la poêle à pain accompagne le café chaud. Une longue marche attend le groupe : il faut rejoindre le camp Inselberg, le second site de la station scientifique.

8h00 : Les sacs à dos sont soupesés par Philippe. « Ne vous chargez pas trop ! ». Les bottes sont enfilées. Il est temps de se mettre en route. Au bout de 5 minutes, la sueur arrive déjà sur les fronts. Le chemin est ponctuée de traversées dans une pinotière, puis dans une forêt de liane. Les grenouilles sont au rendez-vous, un atelope et une dendrobate aux multiples couleurs croisent notre route, et se laissent observer. Au bout de 3 heures, la fatigue se fait ressentir… mais la crique cascade n’est pas loin. L’eau cours sur la roche de granite blanchâtre : l’inselberg n’est plus très loin. Mais une baignade salvatrice s’impose avant de repartir ! Encore 20 minutes de marche et une dernière montée, et enfin la DZ* du camp Inselberg apparaît au cœur de la forêt. La sueur aux tempes et le mal de dos se font finalement vite oublier lorsque la canopée se laisse entrevoir, ainsi qu’une vue sur l’Inselberg depuis le carbet cuisine.

12h00 :Ici la station n’est ravitaillée que par hélicoptère. Le frais manque un peu… Le déjeuner sera composé de raviolis en boite à la cannelle ! Mais à peine le café avalé, il faut déjà repartir : le sommet de l’Inselberg nous attend. C’est donc reparti pour une heure de marche. En pente raide ! La montée est longue, les jambes sont lourdes, mais la motivation reste. Il parait que la récompense est belle. Et de fait ! Arrivés au sommet, la vue apparait, lointaine. Assis au bout du monde, nous sommes entourés de forêt primaire. Aucune habitation, aucune trace humaine, excepté le camp en contre bas. L’émotion est palpable. L’objectif est atteint ! Certains prospectent la savane roche à la recherche d’orchidées en fleur, d’autres s’isolent discrètement pour méditer, tandis que d’autres encore partagent le spectacle en refaisant le monde.

18h00 : Le jour décline doucement, les nuages noirs chargés de pluie arrivent sur l’horizon. Il est temps de redescendre de l’Inselberg et de rejoindre le camp. Les arcs en ciels sourient aux privilégiés qui prennent le chemin du retour.

18h30 : La pluie arrive vite précipitant la tombée de la nuit. Le groupe revient en hâte au camp, trempé mais heureux ! Dans la précipitation, Régis a cependant disparu ! Au milieu du groupe, il a pris un mauvais layon. Il n’a pas entendu les 7 autres personnes passer derrière lui, et a fini par attendre entre deux rubalises, pensant être sur le bon chemin.

19h-22h : « Mais où s’est perdu Régis ? » , « il était avec nous au début, mais je pensais qu’il était finalement allé avec Michel », « qui l’a vu en dernier ? » les croisement d’informations fusent sur toutes les lèvres. Au carbet cuisine, on prend l’apéritif en restant pendu au talkie-walkie, attendant des nouvelles de Philippe et Cédric partis à sa recherche. A Pararé, Stéphan et Catherine, qui étaient restés au camp, entendent les échanges radio, et vivent l’aventure en même temps que nous. A table, les équipes de chercheurs présents sur la station échangent avec nous. Des chercheurs tchèques sont ici pour travailler sur la pollinisation d’une fleur endémique de l’Inselberg des Nouragues. Une autre équipe anglaise est ici pour travailler quant à elle sur la faune du sol. Pour détendre l’atmosphère, une bouteille d’eau de vie de prune tchèque est même partagée ! Ça tombe bien, l’appel du talkie nous fait tressaillir, « On l’a ! » nous indique Philippe.  La détente est alors totale, les rires et les échanges reprennent ! Régis rentre finalement au camp. Heureux de ne pas avoir dû passer la nuit sous la pluie. Les hamacs sont ensuite vite occupés pour une nuit bien méritée au pied de l’Inselberg. De la fatigue, des émotions et de l’aventure, la forêt est pleine de surprises !

Jour 3 :

6h00 : Les cris des singes hurleurs s’entendent au loin. La forêt s’éveille. Il est déjà temps de reprendre le chemin retour vers Pararé.

12h00 : Stéphan et Catherine nous attendent au camp autour d’un bon repas. On profite des derniers moments en se baignant dans la rivière Arataï. Pendant le déjeuner, Mme Catherine nous lit son journal où elle a retranscrit son aventure aux Nouragues. Emotions et rires sont au rendez-vous !

14h00 : Il est temps de reprendre la pirogue. Quelques aras en vol nous saluent avant de quitter la réserve.  Sur le retour, on dépose certains sur leur abatti sur le fleuve.

18h00 : Arrivés à Régina, on se dit qu’on n’en restera pas là. Et que l’aventure doit continuer ! A suivre…

Un observatoire de la biodiversité de renommée internationale.

Située au cœur de la forêt guyanaise entre le fleuve Approuague et la Comté, la réserve naturelle des Nouragues, créée en 1995, s’étend sur plus de 105 000 ha de forêt tropicale. De par sa superficie, c’est la deuxième plus grande réserve de France. Isolée, la réserve n’est accessible que par pirogue en remontant le fleuve Approuague, puis son affluent, la rivière Arataye. Le voyage nécessite entre 3 et 5 heures de pirogue depuis le bourg de Régina. La réserve s’étend à fois sur la commune de Roura dans sa partie Nord (25% de sa superficie) et sur la commune de Régina dans ses parties centrales et méridionales (75 % de sa superficie).

Protégeant un vaste secteur de forêt tropicale et les espèces qui l’occupent, la Réserve des Nouragues est une référence au niveau mondiale pour l’étude des forêts tropicales humides. La faune, la flore et les différents milieux qu’elle protège en font un site exceptionnel, considéré comme haut lieu de biodiversité.

Le principal atout de la réserve est le partenariat étroit engagé entre les gestionnaires et les organismes de recherche. La présence de la station de recherche gérée par le CNRS, et 30 années d’études scientifiques ont permis de collecter une masse phénoménale de données sur le faune, la flore et le fonctionnement de la forêt tropicale. Cette plateforme, située au cœur de la réserve, accueille chaque année des équipes de scientifiques du monde entier. Ces recherches participent à l’amélioration des connaissances du vivant et aussi à la compréhension du fonctionnement des écosystèmes. Ce partenariat entre la Réserve et le CNRS est un véritable pont entre gestion de la biodiversité et la recherche scientifique.

Depuis sa création la réserve a effectué des successions d’inventaires faunistiques et floristiques permettant d’avoir un bon état des lieux de la biodiversité. La Réserve s’est aussi engagée dans l’inventaire de groupes taxonomiques peu connus en Guyane tels que les insectes.
Grâce à cet état des lieux de la biodiversité, la Réserve est devenue un site de référence et un site pilote pour la mise en place de suivis à long terme sur plusieurs peuplements. La réserve se positionne donc comme un observatoire permanent de l’impact des changements globaux sur la biodiversité. Ainsi plusieurs suivis (amphibiens, oiseaux communs, chauves-souris, placettes botaniques permanentes) sont entrepris.

Les habitants à la découverte de ce site exceptionnel.

La réserve des Nouragues est difficile d’accès. Pourtant, jusqu’en 2006, le camp Arataï, situé à l’entrée de la réserve permettait l’accueil et la sensibilisation du public à la protection de l’environnement. Mais depuis sa fermeture, l’accès à la réserve est devenu interdit sans autorisation.

Consciente de la nécessité de partage des connaissances et de l’importance de faire découvrir ce patrimoine au public, la réserve a monté un projet pour faire venir, en son cœur, des habitants du territoire guyanais et plus particulièrement des habitants des communes dont elle dépend. Financé par le programme TEMEUM* et soutenu par le CEN* ce projet a pu aboutir grâce au fort partenariat établi entre les gestionnaires de la réserve (ONF et AGEP) et le CNRS.

Deux groupes de 13 personnes chacun sont ainsi venu aux Nouragues entre le 26 août et le premier septembre, accompagné des gardes de la Réserve ainsi que des agents du CNRS.
Après 3 heures de pirogue au départ de Régina, un arrêt a été effectué sur l’ancien camp Arataï, en mémoire à Capi et Domingo, assassinés en 2006 sur la réserve.
Un bref historique puis la découverte de polissoirs amérindiens sur la crique Kwata a permis de rappeler l’origine du nom de la réserve « Nouragues » en hommage à ses premiers habitants : les amérindiens « Noraks ».
Après une heure de pirogue les visiteurs ont rejoint l’un des 2 sites scientifiques du CNRS : Pararé. Ils ont pu découvrir le système du COPAS*, tours métalliques de 45 m de hauteur, au niveau de la canopée. Ce projet ambitieux du CNRS est toujours en travaux, dans l’espoir de bientôt permettre aux chercheurs de réaliser des échantillons (botaniques, entomologiques …) directement aux sommets des arbres.
Avant le diner, deux conférences dans le carbet cuisine ont abouti à des échanges entre habitants et professionnels sur les missions de la réserve, les études menées, et l’historique de la station scientifique.
Après une nuit en hamac, les visiteurs sont partis pour 4 heures de marche en forêt pour rejoindre le site Inselberg. Ils sont ensuite montés en haut du mont granitique culminant à plus de 400 m : l’inselberg des Nouragues. Assis sur ce sommet au bout du monde, l’émotion d’un tel spectacle fut très grande. Impossible de rester indifférent face à cette forêt qui s’étend à perte de vue depuis ce promontoire.
Après une deuxième nuit passée au cœur de la forêt, bercée par les cris des singes hurleurs, tout le monde est reparti à pied jusqu’à Pararé afin de reprendre la pirogue jusqu’à Régina.

Sur le chemin du retour, quelques Aras en vol sont venus saluer les visiteurs avant de sortir de la réserve. Le sourire affiché sur tous les visages lors du retour en pirogue vers Régina laisse deviner le succès de cette opération. La forêt se vit et le partage semble indispensable pour prendre conscience de l’importance de la protection de l’environnement sur notre territoire. La réouverture d’un camp d’accueil du public parait aujourd’hui nécessaire et voulu par la population pour valoriser cette réserve, et le patrimoine naturel exceptionnel qui fait la Guyane.
En attendant, la Réserve œuvre afin de faire découvrir à la population vivant sur le territoire un espace naturel protégé auquel elle n’a pas accès et pour favoriser et améliorer les échanges entre habitants, gestionnaires et scientifiques.
Depuis 2011, la Réserve a d’ailleurs établi des liens très forts avec le CNRS et l’Ecomusée Approuague-Kaw (EMAK) de Régina afin de valoriser la biodiversité des Nouragues, vulgariser les missions scientifiques menées in situ et sensibiliser le public à la protection de l’environnement via des conférences grand public et des animations dans les écoles.

Plus d’infos : www.nouragues.fr et www.nouragues-cnrs.fr
A voir  aussi sur notre site http://www.une-saison-en-guyane.com/article/biodiversite/nouragues-une-sentinelle-face-aux-changements-du-climat/

Page facebook : www.facebook.com/RN.nouragues
Mail : infos@nouragues.fr

*TEMEUM : Programme « Terres et Mers Ultramarins » qui aide financièrement les gestionnaires d’espaces protégés en Outre-Mers.
*CEN : Conservatoire des Espaces Naturels
*ONF : Office National de la Forêt
*AGEP : Association de Gestion des Espaces Protégés
*CNRS : Centre National de la Recherche Scientifique
*COPAS : Canopy Operating Permanent Access System. Système d’accès permanent à la canopée. Un système de 3 tours métalliques de 45 m de haut permet de surplomber la canopée.

Marguerite Delaval et Jennifer Devillechabrolle