En quoi consiste exactement l’exobiologie ?

L’exobiologie est une discipline scientifique qui recherche des traces, des manifestations ou des preuves de l’existence d’une vie sur un autre corps du système solaire ou au-delà sur une planète en orbite autour d’un autre soleil. Elle s’intéresse aussi, puisque c’est le seul modèle dont nous disposons, à l’émergence de la vie sur Terre. Les exobiologistes essayent aussi de comprendre si les substances chimiques qui se fabriquent dans l’espace interplanétaire ou interstellaire ont joué un rôle dans l’apparition de la vie sur notre planète.

 Mars pourrait-elle être le vestige d’une planète vivante ? Peut on imaginer qu’une vie intelligente se soit développée sur Mars lorsque l’atmosphère existait ?

Mars a été une planète active avec des volcans et probablement un atmosphère dense essentiellement composée de gaz carbonique et de très faibles quantités de gaz comme l’azote ou l’Argon et de traces de quelques autres composés. La composition de l’atmosphère primitive n’est pas parfaitement définie. Elle devait aussi comporter un peu de vapeur d’eau. Il est pratiquement certain qu’il n’y a jamais eu de teneur importante en oxygène. D’après les résultats les plus récents de l’exploration de Mars par les sondes américaines et européennes, il n’y a eu de l’eau liquide à la surface de Mars que pendant une période assez brève à l’échelle géologique, dans les premiers millions d’années après sa formation. Une vie sous forme de microorganismes a peut-être émergé à cette époque. C’est ce que cherchent à découvrir les exobiologistes. Avec les connaissances actuelles, il n’est pas envisageable qu’une vie avec des organismes très développés ait pu se développer en aussi peu de temps. Il est encore moins envisageable que des organismes « intelligents » aient pu exister sur Mars.

Ne risque t on pas de contaminer Mars avec les bactéries vivants sur les engins d’exploration? Pourrait-on distinguer dans ce cas la vie terrestre de la vie martienne ?

Les pays qui lancent des missions interplanétaires et notamment à destination de Mars appliquent les recommandations, établies par un organisme international pour la « Protection planétaire ». Ces recommandations découlent du Traité de l’Espace ratifié par plus de 100 pays. Les engins, sondes et véhicules sont soumis à un nettoyage drastique et des règles de décontamination strictes. De plus, une bactérie terrestre trouverait sur Mars des conditions très défavorables : des températures très basses, des radiations importantes et surtout pas d’eau liquide et pas de matière organique en quantité suffisante pour se développer. Si des traces d’une vie passée ou présente sur Mars sont découvertes, selon ce qui sera découvert, la distinction entre une vie d’origine martienne et de la vie éventuellement importée depuis la Terre sera plus ou moins difficile. Si l’on trouve des micro fossiles  âgés de plusieurs millions ou milliards d’années il n’y aura pas de doute. Si les robots découvrent des microorganismes vivants ou dormants il faudra faire des analyses beaucoup plus poussées. Si la vie éventuellement découverte sur Mars et la vie terrestre avaient une origine commune, le développement séparé pendant plusieurs milliards d’années se traduirait par des différences chimiques et biologiques détectables. Il faudra certainement rapporter sur Terre des échantillons pour répondre de façon définitive aux doutes qui pourraient naître.

 Ne devrait on pas se poser la question de la responsabilité de l’homme dans ses actions d’exploration planétaires, et des risques (si il y en a) qu’elles pourraient engendrer pour le cosmos, et pour Mars en particulier ?

Ces questions ont été posées dans le traité de l’Espace en 1967. Les raisons présentées sont plutôt scientifiques avec probablement des arrière pensées militaires. Lorsque ce traité a été signé, il fallait éviter d’étendre à l’Espace les tensions politiques et militaires terrestres. Les signataires voulaient éviter qu’un pays ne transforme un corps céleste en lieu de stockage de déchets chimiques, biologiques ou nucléaire ou le rende définitivement inhospitalier.

Le retour d’échantillons sur Terre est aussi soumis à des recommandations de prudence et de sécurité. Des précautions d’isolation, et de traitement sont requises et établies au cas par cas. Les astronautes revenant de la Lune lors des trois premières missions Apollo, comme les échantillons qu’ils rapportaient, ont été placés en quarantaines. La Lune a ensuite été déclarée stérile. Ce qui en a été rapporté ne présente pas de risque de contamination pour la Terre. Les risques de contaminations des corps célestes par les microorganismes terrestres sont faibles. Ils ne sont cependant pas nuls et c’est pourquoi la protection planétaire préconise des mesures de précautions. Les sondes à destination des corps ou de l’eau liquide (sous une épaisse croute de glace) a été détectée, comme Europe (satellite de Jupiter) ou Titan (satellite de Saturne) font l’objet de mesures pour les rendre le plus propres possible et surtout éviter qu’elles n’entrent en contact avec l’eau liquide. C’est ainsi que la sonde Galileo a été volontairement plongée dans l’atmosphère de Jupiter en fin de vie, pour qu’elle ne risque pas, dans le futur, de s’écraser sur Europe. Quant aux  sondes et autres engins que nous avons envoyé dans l’Espace et qui ne risque pas de rencontrer de corps célestes avant plusieurs dizaines de milliers d’années, ils sont si infinitésimaux à l’échelle du Système Solaire, de la Galaxie ou du Cosmos qu’ils ne présentent aucun risque pour quoi que ce soit.

De nombreuses exoplanètes ont été découvertes dernièrement ? Comment procède t-on alors qu’elles se situent à des dizaines d’années lumières ? Pourrait-on identifier la présence de vie sur ces planètes depuis la Terre ?

Il existe actuellement 5 méthodes de détection des exoplanètes. La plupart mesurent des effets des planètes (souvent invisibles) sur la lumière émise par leur étoile (facilement mesurable). Actuellement sur les 900 exoplanètes identifiées, une trentaine a été détectée par imagerie directe. Ces planètes sont très massives et loin de leur soleil. La détection de traces de vie ne pourrait se faire que par analyse de la lumière filtrée par l’atmosphère de la planète pour y détecter des substances chimiques favorables à la vie (vapeur d’eau) ou produit par des activités biologiques (dioxygène, méthane etc…). Si une planète est habitée par une forme de vie qui ne modifie pas la composition de son atmosphère (si elle en a une) elle ne sera pas détectable. Les instruments de mesures qui équiperont les télescopes devront être particulièrement sensibles et performants. Les mesures se feront probablement avec des télescope spatiaux. Le projet ECHO soumis a l’ESA ou le télescope international James Webb qui sera lancé en 2018 traceront la voie à des instruments plus ambitieux.

Pensez vous que la vie sur Terre soit d’origine extraterrestre?

Il faut distinguer l’importation sur la Terre primitive d’entités vivantes qui se seraient développées, de l’utilisation des composés chimiques issus de l’espace comme brique du vivant.

L’hypothèse du transfert de microorganismes à travers l’espace a été étudiée. Elles semble assez peu probable même si certains scientifiques ont démontré qu’elle était matériellement possible entre Mars et la Terre. Près d’une centaine de météorites martiennes a été trouvée sur Terre. Si une éventuelle vie martienne a précédé l’apparition de la vie sur Terre, alors la « panspermie » n’est pas exclue. Cependant les effets de l’impact qui propulse la météorite dans l’espace et  un long trajet dans l’espace interplanétaire peuvent la stériliser. Tout dépend de la nature de la roche projetée, de sa taille et de la durée du trajet.

Dans des météorites particulières (les chondrites carbonées) comme dans des micrométéorites collectées en antarctique des molécules constituées de carbone, d’hydrogène, d’azote et d’oxygène ont été découvertes. Certaines sont semblables ou identiques aux  briques chimiques qui constituent les êtres vivants. Rien ne montre cependant que ces éléments aient joué un rôle dans l’émergence de la vie sur Terre ; rien ne prouve le contraire non plus. C’est justement un des sujets qui est traité par l’exobiologie. La science avance en confirmant ou infirmant des hypothèses. Pour l’instant aucune hypothèse n’a été exclue par les observations, les calculs ou les mesures. L’origine purement terrienne de la vie terrestre demeure la plus probable à l’aune de nos connaissances actuelles.

Qu’est ce que l’équation de Drake ? Etes vous plutôt optimiste ou pessimiste sur nos chances de rencontrer une vie intelligente durant notre existence ?

L’équation de Drake se propose de donner une valeur à la probabilité d’existence d’une civilisation communiquant avec des moyens radio dans notre Galaxie. Francis Drake, un astrophysicien, a ainsi décrit 7 paramètres qu’il multiplie pour obtenir ce nombre. Certains de ses paramètres ont des valeurs estimées observables ou qu’il est possible de calculer comme le nombre de soleils qui apparaissent par an dans la voie lactée. D’autres sont totalement inconnus telle la probabilité d’apparition de la vie sur une planète ayant de l’eau liquide. Le résultat de l’équation ne peut pas être nul puisque nous sommes là avec nos systèmes de télécommunication par radio, nos télévisions et nos téléphones portables. L’analyse de cette équation avec les connaissances actuelles ne la restreint pas à cette valeur. Différentes études ont proposé des valeurs entre 1 et quelques milliers ou dizaines de milliers. Dans la Galaxie, les distances sont si grandes, les informations circulant à la vitesse de la lumière mettent cent mille ans à la traverser d’un bord à l’autre. Les signaux optiques ou radio perdent en puissance très vite en s’éloignant de leur source. La probabilité de détecter un signal cohérent émis par des instruments manufacturés est donc extrêmement faible, celle d’identifier précisément la source, encore plus faible quant à en déterminer a distance, l’origine intelligente, cela semble totalement improbable. Il existe peut être une forme de vie extraterrestre dans la Galaxie, pour l’instant rien n’a été trouvé, cependant  les chances de la détecter par analyse des ondes radio sont proches de zéro. C’est malgré tout le seul moyen disponible pour ce type de recherche.

 Comment devient t-on exobiologiste, y a-t-il des perspectives pour ce métier dans les prochaines années ?

Il n’y a pas d’école d’exobiologistes. Tous les scientifiques qui participent à ces recherches ont suivi des études de géologie, de biochimie, de chimie, d’astrophysique, d’astronomie ou de planétologie. L’intérêt pour l’exobiologie est venu au cours de leur maturation universitaire et professionnelle. Les moyens d’études sont ceux classiques des sciences établies et connues, c’est la combinaison de ces moyens dans le but de répondre à une des questions de l’exobiologie qui fait de vous un exobiologiste. C’est l’angle de vue, la perspective qui confère cette dénomination. Le métier, c’est d’être chercheur, pour l’exobiologie, probablement dans une institution publique comme le CNRS ou le CEA. A partir de là les thèmes de formation puis de thèse rapprocheront de l’exobiologie. Le laboratoire qui accueillera le chercheur et les opportunités expérimentales confirmeront son appartenance à cette discipline. C’est en faisant de l’exobiologie que l’on devient exobiologiste. Le thème reste ouvert, enthousiasmant et les recherches à mener dans les années qui viennent sont passionnantes. Cependant il est impossible de prédire aujourd’hui les postes disponibles dans la recherche publique dans les dix ans qui viennent.

 Quelle découverte scientifique comblerait vos attentes d’exobiologiste ?

 La preuve irréfutable de l’existence d’une vie passée ou présente sur Mars serait pour moi la plus importante découverte du siècle. Si en plus cette découverte ou cette preuve était apportée par un des instruments conçus et fabriqués dans les laboratoires français avec le CNES, j’aurais le sentiment d’avoir contribué à une aventure importante pour l’humanité.