Augmentation des températures, modifications des précipitations, hausse du niveau des mers, multiplication des événements extrêmes… Tout le monde a déjà entendu parler du changement climatique et de ses nombreuses conséquences sur l’ensemble de la planète. Il est plus rare qu’on se penche sur son impact régional. Focus sur la Guyane.

Dans une trentaine d’années. La ville de Kourou sera-t-elle submergée par la montée des eaux ? La forêt, aujourd’hui luxuriante et impénétrable, sera-t-elle la proie des flammes ? Le changement climatique prête à imaginer des scénarios plus catastrophiques les uns que les autres. Cependant, prévoir l’avenir est impossible. « Nous pouvons faire des projections mais aucune prédiction. Je peux vous donner une tendance mais elle sera au conditionnel », explique Yves Clémenceau, le directeur régional de Météo France. Une étude, basée sur un modèle climatique informatique, indique une hausse des températures dans les prochaines années.
« Depuis la fin des années 1940 à aujourd’hui, nous constatons une augmentation de la température moyenne d’environ 1 °C. Et, selon l’étude, nous pouvons nous attendre à une hausse de cette température dans les années à venir ainsi qu’une saison sèche encore plus sèche », résume-t-il. Yves Clémenceau reste prudent, cette étude n’est pas « robuste » il faudrait comparer les résultats obtenus avec d’autres modèles. « Prédire exactement ce qui va se passer est très difficile, le changement climatique est un phénomène global qui dépend de paramètres mondiaux. De plus, les activités humaines à l’échelle de la région peuvent l’accentuer d’où l’importance d’une urbanisation réfléchie », confirme Laure Verneyre, directrice du Bureau de recherches géologiques et minières (BRGM) en Guyane.
Les modifications climatiques impacteront l’environnement guyanais. Un rallongement de la saison sèche pourrait avoir des conséquences sur le couvert forestier par exemple.  Le stress hydrique (le manque d’eau) serait beaucoup plus important. L’effet le plus à craindre est l’augmentation des incendies de forêt.« Aujourd’hui les forêts naturelles, humides, sont rarement en feu, explique Laurent Descroix de l’Office national des forêts de Guyane (ONF). L’impact du changement climatique sur les forêts n’est pas vraiment observable actuellement mais lorsqu’on regarde l’ensemble du bassin amazonien, ces 15 dernières années montrent bien une augmentation des sécheresses. »
L’augmentation du niveau des mers, observable dans le monde entier, pourrait quant à elle accentuer le risque de submersion marine. « On le constate déjà lors d’épisodes de tempête à Kourou », remarque Laure Verneyre. Les dynamiques du littoral, particulières en Guyane avec les déplacements des bancs de vase et des mangroves associées, pourraient elles-aussi être impactées. « Il y a une accélération de la migration des bancs de vase. Dans les années 1970, elle était d’un kilomètre par an, aujourd’hui plusieurs travaux convergent plutôt vers deux kilomètres, explique Antoine Gardel du Laboratoire écologie, évolution et interactions des systèmes amazoniens du CNRS. Cette accélération pourrait être imputable au changement climatique mais nous n’avons pas assez de recul aujourd’hui pour avoir des certitudes. Actuellement, on constate aussi une augmentation de 3, 5mm/an du niveau de la mer. Sur les 60 dernières années, on a mesuré une élévation de 15 cm. Vous imaginez bien que sur un littoral bas comme en Guyane c’est problématique. »
L’avenir reste donc bien mystérieux mais la recherche continue d’approfondir ces sujets afin de mieux comprendre les mécanismes complexes qui entrent en jeu. Laurent Descroix conclut : « On ne va pas revenir en arrière d’un coup de baguette magique, ces phénomènes vont s’accentuer. On essaye de ‘’prévoir’’ les impacts du changement climatique mais on ne peut pas dire s’ils vont être observables demain, dans 10 ans… Le vivant est complexe, il y a de nombreuses interactions à prendre en compte. »

Texte de Sylvie Nadin
Illustrations de Marie Verwaerde