« U yei ! » L’Association coutumière saamaka (Association of Saamaka Authorities, ASA) parle d’une seule voix, ce mercredi 10 avril 2013 ! Dans la moiteur de Pikiseei, principal village au cœur de la nation saamaka, sur les rives du fleuve Suriname, ses principaux chefs sont rassemblés pour une réunion determinante. Celle-ci doit conduire l’ensemble des clans (les ) à affirmer une position commune, afin, une nouvelle fois, de contraindre le gouvernement du Suriname à prendre en compte leurs revendications. L’enjeu de ce « Gaan Kuutu » ? La preservation du territoire coutumier saamaka, fait de forêt équatoriale et de fleuves puissants, sans cesse grignoté par les concessions forestières, minières, ou des infrastructures pharaoniques, dont la plus grande d’entre elles : le projet hydroélectrique Tapajaï.

A moins de deux ans des élections présidentielles au Suriname, cette réunion au sommet des autorités coutumières saamaka est filmée et donnera lieu à un manifeste à l’attention de la population. « Les habitants saamaka ne sont ni informés ni consultés » fulmine Hugo Jabini. « Pourtant, des chantiers sont en cours au cœur de notre territoire traditionnel » poursuit ce membre du Parlement de Sipaliwini, le grand district de l’intérieur du Suriname. Dans les années 60, lors de la mise en eau du barrage de Brokopondo et l’inondation de dizaines de villages saamaka, les habitants ont dû migrer à Paramaribo, s’installer sur le bord de la route ou encore plus en amont du fleuve. Ironie du sort, ces derniers, les plus proches du barrage d’Afobaka, n’ont toujours pas d’électricité ; l’énergie tirée du fleuve Suriname profite essentiellement au producteur d’aluminium Suralco, filiale de la multinationale Alcoa. Le goût amer du développement du pays reste en travers de la gorge des saamaka. « En Hollande, on construit des digues pour protéger la population de la mer. Mais au Suriname, on contruit des digues pour inonder des villages » ironise Stephen, membre de l’association et logisticien pour la communauté. Et l’homme d’avertir, fort de ce passé douloureux : « nous n’oublierons pas ce qu’ils ont fait avec le lac de Brokopondo ; nous ne les laisserons pas faire une seconde fois ».

Tapajaï, le retour de Brokopondo
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