À quelque 300 km au nord de Macapá, les planteurs d’eucalyptus et fabricants de cellulose de la société forestière Amcel sont dans le collimateur des agriculteurs. En mai un reporter d’Eco, média de l’environnement et du développement durable, a rencontré ces derniers. Silvino, éleveur établi sur ses terres depuis deux ans, est propriétaire de 1000 hectares acquis légalement ; pourtant Amcel lui réclame ses biens. Jorge, qui vivait de sa production de farine de manioc, a été contraint au départ avec une indemnité de 2000 reais1. Il vit désormais en ville, persuadé que les titres de propriété d’Amcel sont des faux, l’œuvre de grileiros2. Fin 2011, citant le cas édifiant de Maria Jucilene, une équipe de la Commission pastorale de la terre (CPT) avait dénoncé la “mafia foncière”. Sans titre de propriété, mais jouissant d’un droit d’usage, cette agricultrice fut sommée de quitter sa plantation de parépou et de wassaï pour laisser place à Amcel, un simple récépissé de demande de régularisation ayant convaincu la justice ! «Incompétence et/ou connivence des juges», s’était insurgée la CPT. Créée en 1976, la filiale Amcel a appartenu notamment au milliardaire Bill Gates jusqu’en 2004. En 2006, elle a été rachetée par les géants japonais de la cellulose Marubeni et Nippon Paper, peu après la publication d’un rapport d’une commission d’enquête parlementaire révélant des irrégularités lors des transactions foncières. Les exemples sont légion et les terres redistribuées dans le cadre de la réforme agraire n’échappent pas à la convoitise de l’agro-industrie. Réunis en collectif, les agriculteurs lésés ont intenté une action en justice pour faux et usage de faux. Aujourd’hui, Amcel déclare détenir des droits d’exploitation sur 300 000 hectares ! Située en plein cerrado3, reliée au port de Santana via la voie ferrée ou la BR 156 fraîchement asphaltée, cette région amazonienne est considérée comme le nouveau front de l’expansion agricole au Brésil. [1] 800 euros. [2] Vendeurs de terres aux titres de propriété très douteux. [3] Savane arborée.

Photo de Atelier Aymara