Dans une interview au magazine Carta Capital (10/05), la députée amapéenne Janete Capiberibe a accusé le très puissant bloc ruraliste1 de privilégier les intérêts de l’agrobusiness et de l’industrie minière aux dépens des populations traditionnelles et de la forêt amazonienne. Au cœur de la polémique, une proposition d’amendement à la Constitution sur la démarcation des terres indigènes donnant au Congrès national le pouvoir de faire et défaire les « réserves » au détriment de l’exécutif.
Exclus du débat et troublés par l’empressement parlementaire, les Amérindiens ont pris les devants. Lundi 16 avril, des centaines de « guerriers » représentant plus de 70 ethnies² ont occupé pacifiquement la Chambre des députés réunie en plénière. Ce coup d’éclat a débouché sur la création d’une commission paritaire des affaires indigènes et le report de la commission spéciale chargée d’examiner le dossier. Et contrarié le bloc ruraliste qui, en représailles, a menacé de s’opposer aux projets du gouvernement ! Le 29 avril, un millier d’agriculteurs revanchards ont bruyamment interrompu le discours de la présidente Dilma Rousseff dans le Mato Grosso do Sul aux cris de : « Pas de démarcation. Oui au rendement ! »
Il existe d’autres lignes de fracture : un projet de loi donnant le feu vert à l’exploitation minière dans les territoires indigènes contre le versement de royalties. Et aussi une proposition d’amendement prévoyant la location de parcelles indigènes pour l’agrobusiness. Disputés sur leurs terres ancestrales, les Amérindiens seraient alors contraints à l’exode. « Rien que dans l’Amapá, 14 communautés pourraient pâtir de ces projets, précise J. Capiberibe. Dans une société capitaliste, la terre n’est rien d’autre qu’une marchandise. Chez les peuples autochtones, le territoire est une notion qui va bien au delà du simple espace géographique… »
Début mai, la présidente a suspendu l’habilitation de la Funai3 à délimiter les terres dans deux États du Sud et chargé l’Embrapa, organisme de recherche rattaché au ministère de l’Agriculture, de superviser les dossiers de démarcation en cours. Un bon signal pour le bloc ruraliste.
1 - Front parlementaire multipartite au service de la cause agro-industrielle.
2 - Il existe 236 nations indigènes réparties sur 15 % du territoire national.
3 - Organisme public chargé de la politique indigéniste.

Photos : Grumier -  Amapá