En novembre dernier, suite à la rupture d’un barrage minier exploité par la société Samargo dans la ville de Mariana (Minas Gerais), le Brésil a vécu la pire catastrophe environnementale de son histoire. Une gigantesque coulée de boue toxique a englouti un village entier et inondé le Rio Doce sur des centaines de kilomètres. Bilan : 17 morts, 600 déplacés et un demi-million de riverains affectés. Et aussi un impact sur les écosystèmes difficile à mesurer.

Pour une vision écosystémique L’environnementaliste Apolo Lisboa est professeur à l’Université fédérale de Minas Gerais et co-initiateur du projet Manuelzão, concernant la dépollution du Rio das Velhas, principal affluent du Rio São Francisco. Selon cet écologiste, la catastrophe de Mariana met en lumière l’incurie gouvernementale et privée dans une région minière durement affectée depuis le déclin du cycle de l’or dans la région.
Une dégradation continue de la vallée du Rio Doce Cette catastrophe soudaine est un nouvel épisode d’une tragédie qui a débuté voilà trois siècles avec le déclin du cycle de l’or dans le Minas Gerais. Le gouvernement portugais avait fait de la vallée du Rio Doce un site stratégique pour se protéger contre une éventuelle invasion étrangère. Au cours de la conquête de la région, les Indiens Botocudos ont été persécutés et éliminés. Ensuite la forêt a été brûlée pour planter du café, semer des prairies, élever du bétail, faire du charbon de bois… Ces pratiques agricoles ont entraîné une forte érosion de la vallée, une catastrophe encore plus grave que celle du 5 novembre. Avant l’accident, le fleuve était envasé et contaminé par les eaux usées et les métaux lourds (arsenic, plomb, manganèse, mercure…) issus de l’exploitation minière. L’or et le fer n’ont pas apporté le progrès, mais la pollution.
Aujourd’hui, Rio Doce est la vallée de l’acier, de l’eucalyptus, de la cellulose, du charbon de bois, du minerai de fer, des activités économiques non respectueuses de l’environnement. Ce système économique actuel n’est pas viable. Le législateur brésilien privilégie la croissance économique, la production, la création d’emplois et de richesses. La préservation de l’environnement n’est pas sa priorité, pas plus que la nécessité d’adapter l’économie aux écosystèmes. Il faudrait avoir une vision « écosystémique » ; la seule issue est « l’écologisation » de l’économie, qui consiste à ne pas détruire la terre au nom de la production. Mais cela va à l’encontre de l’intérêt des compagnies qui visent le profit rapide en produisant à bas coût. Et malheureusement, les décideurs politiques sont élus pour la plupart avec l’argent de l’industrie, en particulier des compagnies minières. Assujettis, ils cessent rapidement de défendre les intérêts de l’État et de la société (Cf. ci-contre La catastrophe de Mariana n’est pas arrivée par hasard)

Réhabiliter, c’est résoudre le problème des sols
Pour la remise en état des bassins versants, il est essentiel de résoudre le problème des sols. Parce que les sols ne sont pas renouvelables. Toute cette terre rejetée à la rivière ne reviendra pas, c’est irréversible. On peut essayer de recharger les nappes phréatiques. Il faudrait ralentir l’écoulement des eaux pluviales en installant des obstacles. Par exemple, des petits pièges en bambou, en pierre, en bois pour fixer l’eau des collines. Ainsi, ce procédé artificiel joue le rôle de la végétation qui a été détruite. Et bien sûr, il faut aussi replanter et ne plus déboiser.

Titre original : “O desastre em Mariana se soma a uma tragédia de três séculos”, Carta Capital, Thaís Paiva, Extraits.

Photo  AFP PHOTO /  CHRISTOPHE SIMON