Maluf, Haddad, Jereissati, Kassab, Amin, Feghali, Jatene, Temer… D’origine syrienne et libanaise, ils sont ministres, parlementaires, gouverneurs, maires de grandes villes, voire présidents de la République. La réussite de tous ces hommes politiques est celle d’une communauté, elle est le fruit d’une ascension sociale progressive de génération en génération, initiée dès l’installation des premiers migrants.

Les premiers contingents débarquent vers 1880. Principalement constitués de chrétiens fuyant la pauvreté et les conflits religieux, on les appelle les “ Turcs ”, car à l’époque Syrie et Liban font partie de l’Empire ottoman. Contrairement aux immigrants japonais ou européens recrutés pour travailler dans des plantations de café, ils voyagent seuls et financent eux-mêmes leur voyage. « Une situation peu confortable, mais qui sera un atout », explique Oswaldo Truzzi, professeur à l’Université fédérale de São Carlos (SP). Ne trouvant pas leur place dans les grandes exploitations, ces petits agriculteurs se consacrent alors au commerce. Nombre d’entre eux deviennent vendeurs itinérants (mascates), une activité plus rentable. Ils quadrillent le territoire du sud gaúcho au nord amazonien. Très conciliants, ils font crédit et, quand le client n’a pas d’argent, ils troquent leurs marchandises contre de l’or, du caoutchouc, du bétail ou du café. Résilients et audacieux, ils évincent rapidement leurs concurrents portugais et italiens. Les bénéfices sont réinvestis. Certains ouvrent des merceries et des magasins de tissus. D’autres tentent l’aventure dans l’industrie textile.

Forts de leur ascension sociale, Syriens et Libanais misent beaucoup sur l’éducation. À partir des années 30, les jeunes se forment en droit, médecine et ingénierie dans les grandes villes. Ils se politisent à l’université. De retour dans leur région, les fils des marchands arabes devenus “docteurs” s’engagent dans la vie de la cité. D’autres encore accèdent à la politique par le biais des associations commerciales. Ils n’ont pas d’idéologie commune. La communauté traverse tous les courants de pensée. « En politique comme en affaires, chacun joue son propre jeu et fait son chemin », déclare Truzzi. Un parcours sans fautes pour tous ? Pas tout à fait : le patronyme d’un de ces hommes politiques les plus en vue ces dernières décennies est devenu synonyme de “ malversation”.

Quand les marchands arabes dérangeaient

L’implantation des “ Turcs ” ne s’est pas toujours faite sans heurts. En 1898, des dizaines de marchands syro-libanais d’Itapemirim (Espírito Santo) furent attaqués et expulsés par une foule féroce et sanguinaire ». À l’origine de cette violence, la “jalousie” des autres marchands…
En 1959, à Curitiba (Paraná), la dispute d’un commerçant libanais avec un policier exigeant une facture pour l’achat d’un peigne dégénéra en combat entre les passants et les autres vendeurs. 120 magasins dits “ Turcs” » – parmi eux des juifs, italiens, portugais – furent vandalisés. Il fallut l’intervention de l’armée pour mettre fin aux émeutes.
Sources : BBC Brasil, Portal Amazônia, Senado Notícias

 Legende: Au centre, le commerçant Ahmed Najar se dispute avec un policier qui exige une facture pour son peigne. La situation dégénère et débouchera sur la fameuse « Guerra do Pente ».

[La Guerre du Peigne] Curitiba,1959.