Si la multiplication des catastrophes naturelles liées au dérèglement climatique dans les Caraïbes augmente la souffrance tant de l’homme que de la femme, la gestion post-catastrophe renvoie systématiquement au rôle que la société a attribué à chacun des sexes.
Selon un récent rapport de l’ONU sur les catastrophes naturelles dans la région des Caraïbes, après le passage d’un cyclone, les hommes accusent le coup et sont enclins à l’abus d’alcool, au stress et à la colère. « L’expérience dans la région montre que les hommes ont besoin d’un véritable soutien psychosocial après une catastrophe », déclare Elizabeth Riley, directrice générale adjointe de l’Agence caribéenne de gestion d’urgence des catastrophes. À l’inverse, les femmes résistent mieux « en tirant pleinement profit du maillage social – s’épaulant les unes les autres au sein du cercle familial ou amical. » Elles consolent les petits en leur racontant des histoires, font la cuisine pour la communauté et « entraînent leur clan vers un lieu de repli pour se refaire. » (IPSNews, 31/01)

D‘autres rapports mettent en évidence la vulnérabilité masculine dans le bassin caribéen, à l’image des hommes âgés abandonnés et incapables de se débrouiller par eux-mêmes. « C’est intimement lié à une réalité culturelle où les hommes ont de multiples partenaires et quand ils atteignent le stade de la vieillesse, ils ne bénéficient pas du maillage social », poursuit Riley. « C’est la conséquence du rôle social qu’on a attribué à l’homme, celui du macho ayant des enfants avec plusieurs femmes. » Suite au passage du cyclone Ivan en 2004 à la Grenade, l’Organisation des États des Caraïbes orientales a relevé que « 69% des victimes étaient des hommes, et 70% de l’ensemble des personnes décédées avaient plus de 60 ans. »
Selon le Dr Asha Kambon, spécialiste des catastrophes naturelles et de leur impact sur les petits États insulaires en développement, les hommes sont plus susceptibles de subir un préjudice physique en cas de catastrophe. « Nous, les femmes ne sommes pas aussi promptes à prendre des risques comme les hommes », a-t-elle noté. Bien que les femmes meurent généralement en plus grand nombre, le ratio décès hommes-femmes dépend beaucoup « de l’environnement, des circonstances. » Et Kambon de citer deux exemples : 1- Au cours des récentes inondations de Noël à Saint-Vincent, à Sainte-Lucie et en Dominique, les six décès enregistrés à Sainte-Lucie étaient des hommes, dont la plupart s’étaient risqués sur les routes submergées. 2- Lors des inondations en Guyana en 2005, plusieurs hommes sont morts de la leptospirose (ou maladie du rat) pour avoir marché dans l’eau, alors qu’aucune femme n’a succombé à cette maladie parce qu’elles ont tout simplement pris le médicament prescrit et surtout évité le contact avec les eaux de crue.

Néanmoins, à l’image de ce qui se passe ailleurs dans le monde, les femmes caribéennes pâtissent plus des catastrophes naturelles. Les responsabilités retombent exclusivement sur elles et elles sont doublement pénalisées : elles « doivent prendre en charge les enfants et les personnes âgées, et comme très souvent les écoles ne rouvrent pas rapidement, elles ne peuvent pas se libérer pour chercher du travail. » De plus, dans les Caraïbes, beaucoup de femmes pauvres travaillent dans le tourisme où elles occupent des postes peu rémunérateurs ; cette filière étant lourdement impactée en cas de catastrophe, elles se retrouvent sans emploi et ont des difficultés à obtenir un autre travail, leurs compétences n’étant pas facilement transférables. Contrairement aux hommes qui, dans le cadre des programmes de reconstruction, se réinsèrent plus rapidement car ils peuvent monnayer leurs compétences en construction notamment (cash for work).

Rétribuer les femmes
Le Dr Kambon suggère la mise en œuvre d’un programme « cash for care » pour assurer un revenu aux femmes chargées de prendre soin des parents âgés et des enfants, libérant ainsi les autres femmes pour chercher du travail.
Ces considérations soulignent l’importance de connaître le ratio hommes-femmes de la communauté dans l’élaboration des programmes de réponse aux catastrophes. Selon l’ONU, « le personnel humanitaire n’a pas conscience des inégalités fondées sur le genre, perpétuant les préjugés sexistes et mettant les femmes dans une situation encore plus désavantageuse… » Et le Dr Kambon d’attirer l’attention sur « la sécurité et le bien-être des femmes et des enfants » suite aux dernières catastrophes régionales qui, souvent, ont entraîné une grande promiscuité et un effondrement de l’ordre public.
Titre original : Gender Counts in the Aftermath of Disaster (Jewel Fraser)
http://www.ipsnews.net/2014/01/gender-counts-aftermath-disaster/ [version originale intégrale]

Photo : le nord Martinique depuis le canal de la Dominique – Atelier Aymara 2007.