Selon Ismael Nobre, coordinateur environnemental de l’équipe de transition de Bolsonaro, le meilleur moyen de préserver la forêt est d’en faire un business rentable en utilisant les nouvelles technologies. Avec son frère, Carlos, chercheur à l’Institut national de la recherche spatiale (INPE), il travaille sur un projet ambitieux : la “ Terceira Via Amazônica ”. [BBC Brasil - Extraits]

Selon les penseurs de la « Troisième Voie amazonienne », le meilleur moyen de préserver la forêt ne consiste pas à la livrer à l’élevage et à la culture du soja ni à créer des réserves écologiques « inutiles » pour ses habitants. Les deux frères Nobre, associés à d’autres chercheurs, proposent une voie intermédiaire pour mieux tirer profit de la biodiversité forestière. Ismael, biologiste à l’Université fédérale de São Carlos, prend l’exemple de l’açaí : « L’açaí s’est développé en dehors de l’Amazonie par hasard lorsque deux surfeurs en vacances dans la région ont goûté et adoré. Qu’attendons-nous pour valoriser d’autres produits de ce type ? » Sachant que cette filière représente actuellement environ 1,6 milliard U$ par an. Des centaines d’espèces indigènes à forte valeur ajoutée ont déjà été identifiées comme le piment cumaru, l’huile d’andiroba, l’herbe aromatique priprioca, des produits connus des communautés autochtones et traditionnelles, mais insuffisamment exploités.
« L’étape suivante consiste à former les populations locales et à installer les chaînes de production », poursuit Ismael. En ayant recours aux nouvelles technologies, imprimantes 3D et drones de transport, pour transformer et écouler à petite échelle les produits. « Il s’agit d’unir biodiversité et technologie au cœur de l’Amazonie en y incluant les petites et moyennes villes. » La Troisième Voie permet de changer de paradigme [concentration de la production industrielle dans les grands centres urbains] en éliminant les intermédiaires avec un produit fini ou semi-fini, et fabriqué par les populations forestières.
L’exploration du potentiel économique de la forêt sera un facteur clé de sa préservation, selon les chercheurs. Plusieurs initiatives sont déjà en cours : la société de cosmétiques Natura, le fabricant de caoutchouc Mercur, la société de bois durable Amata ou encore Natex, qui produit des préservatifs dans l’Acre. Mais cela ne signifie pas pour autant que le gouvernement n’a pas à agir pour ralentir le rythme de la déforestation. « En Amazonie, le déboisement concerne essentiellement des terres publiques qui n’ont pas encore été attribuées. Autrement dit, des terres qui ne sont ni des territoires autochtones, ni des réserves environnementales, ni des domaines privés. Cela représente 700 000 km2 », explique Luís Fernando Guedes Pinto de l’Institut de gestion et de Certification forestière et agricole (Imaflora). La politique foncière de l’état est essentielle pour protéger la forêt.

L’agrobusiness en embuscade
Des expériences pilotes sont prévues sur le terrain dès 2019 avec le lancement des « Laboratoires créatifs de l’Amazonie », des camps de recherche et de formation pour les populations locales. Le financement se fera sur des fonds privés, principalement des fonds d’investissement sociaux. Mais aujourd’hui on ignore encore quelle sera la politique environnementale du nouveau gouvernement. La mise en place de la Troisième Voie est suspendue à la nomination du futur ministre de l’Environnement qui, selon Bolsonaro, doit au préalable obtenir l’approbation de la future ministre de l’Agriculture, Tereza Cristina, cheffe de file des ruralistes, front parlementaire lié à l’agrobusiness…

Source : « Governo Bolsonaro : o que defende o coordenador ambiental do time de transição », 21/11/18, BBC Brasil.

Legende photo : Port de Ver-o-Peso, Belém 2017. Photo de P-O Jay