Vendredi 6 décembre, malgré la pluie et le vent, le “ bon ” Sinterklass(1) accompagné de Zwarte Piet, son servile assistant “ noir ”, sillonnaient les Pays-Bas, distribuant cadeaux et friandises aux enfants sages comme le commande la tradition. Pendant ce temps, de l’autre côté de l’Atlantique, l’ancienne colonie néerlandaise interdisait cette coutume Zwarte Piettume aux relents racistes qui provoque les plus vives polémiques. 

Dans un communiqué de presse divulgué mercredi 4 décembre en soirée, le ministère de l’Éducation et du Développement social surinamais a annoncé que la Journée nationale de l’enfance, qui se déroule chaque année le 5 décembre, serait dorénavant célébrée sans Sinterklass et Zwarze Piet. « Il est primordial qu’en ce jour de fête de l’enfance toute l’attention soit focalisée uniquement sur les enfants, et non sur des personnages secondaires qui n’ont aucun rapport avec notre culture », précise le texte.
La fermeté de la position du ministère s’inscrit dans la droite ligne d’un accord sans précédent approuvé l’an dernier par l’opposition et la majorité à l’Assemblée nationale, et selon lequel le Suriname devrait se débarrasser de ce reliquat controversé de la culture néerlandaise. Les parlementaires avaient alors voté à l’unanimité pour sa disparition pure et simple de la scène surinamaise. Dans les années 80, la tradition de la Saint-Nicolas avait déjà été mise au rancart, mais ces derniers temps, sous l’impulsion du secteur commercial, le barbu bien-pensant et son assistant noir ont resurgi.
Au cours d’une émission de radio, jeudi 5 décembre au matin, la présidente de l’Assemblée nationale Jennifer Geerlings-Simons a enfoncé le clou, affirmant que le Suriname doit cesser d’accorder de la valeur aux personnages venus de l’étranger et s’abstenir de suivre la voie de la facilité. « Les enfants méritent plus d’attention et de respect, et une action en ce sens est légitime », a-t-elle précisé.
Le communiqué du ministère de l’Éducation et du Développement social précise que les écoles publiques ont reçu l’instruction de mettre davantage l’accent sur la culture surinamaise l’année prochaine. Des cours didactiques et des supports audio-visuels existent déjà et les enseignants ont été orientés sur la façon d’aborder la Journée nationale de l’enfance. En ce jour de fête, la première dame Ingrid Bouterse2 était sur le terrain pour offrir des cadeaux aux enfants dans la capitale Paramaribo, à l’instar des fonctionnaires du ministère mobilisés pour l’occasion dans tous les districts du pays. Le secteur privé a également été invité à suivre les « doléances du gouvernement », et pour la première fois Zwarte Piet a été écarté des animations commerciales.
« La volonté du gouvernement est de sensibiliser les jeunes, les parents et les enseignants à nos propres traditions. Le moment est venu d’adopter une nouvelle attitude, où la composante surinamaise et nos propres valeurs occupent une place centrale », indique le ministère.

 

La communauté noire des Pays-Bas mobilisée
Mais chez l’ancien colonisateur, nullement perturbé par la mobilisation sans précédent de nombreux citoyens appelant au changement, la tradition a été respectée. Aux Pays-Bas, la fête de la Saint-Nicolas met en scène un homme blanc censé être sage, coiffé d’une mitre, vêtu d’un long manteau rouge, distribuant des cadeaux aux enfants aux quatre coins du pays, et son assistant Zwarte Piet, grimé de noir, cheveux crépus, lèvres épaisses et écarlates, amusant la galerie. Depuis de longues années, la communauté noire des Pays-Bas déplore que « Zwarte Piet perpétue une vision raciste et stéréotypée du peuple africain et des personnes d’origine africaine », mais en vain. Courant 2013 cependant, ses réclamations ont attiré l’attention du Conseil des droits de l’homme des Nations unies qui, en novembre dernier, a recommandé au gouvernement néerlandais d’organiser un débat autour de la pertinence de ces symboles culturels.
« Il n’y a rien que nous puissions faire pour empêcher ça ! »
Si le Premier ministre néerlandais Mark Rutte a réagi de façon très caractéristique : « Zwarte Piet est noir et il n’y a rien que nous puissions faire pour empêcher ça », la balle est bel et bien dans le camp de La Haye suite à l’intervention de l’ONU.
Parallèlement, une motion présentée par les parlementaires du Partij Voor de Vrijheid (PVV)3, préconisant l’interdiction d’attribuer une autre couleur que le noir à Zwarte Piet, a été rejetée par la Seconde Chambre néerlandaise.
Mais la tournée de Sinterklaas et Zwarte Piet risque d’être mouvementée cette année. À la veille de la Saint-Nicolas, les éléments naturels jouent les trouble-fête. Avec des vents à 117 km/h, les météorologues ont prévu une tempête encore plus violente que celle de 1953 où, sous la fureur des eaux, une digue avait cédé dans la province de Zélande. Des pluies torrentielles s’abattent déjà sur le pays, tout le nord est placé en vigilance rouge !

1* Sinterklass, nom néerlandais de Saint-Nicolas ; Zwarze Piet, Pierrot le Noir, l’équivalent du père Fouettard.
2* Mme Ingrid Bouterse-Waldring est officiellement chargée de l’exécution des programmes sociaux pour le compte de la Présidence.
3* Parti pour la Liberté, formation politique nationaliste fondée en 2006 par Geert Wilders.

DEVSUR, 5/12/13 — Zwarte Piet faces stormwinds in the Netherlands, winds of change in Suriname

Lancé en 2010 et rédigé en anglais, contrairement aux autres médias publiés en néerlandais, le site en ligne Devsur propose une information hebdomadaire variée et équilibrée sur le Suriname. Il se distingue également par ses articles de fond. Selon le magazine, son lectorat est cosmopolite : « Diplomates, hommes d’affaires, journalistes étrangers et toute personne ayant des affinités avec le Suriname ou intéressée par l’évolution de notre pays ».

 

Près de 348 000 Suri-Néerlandais aux Pays-Bas

Selon les derniers chiffres de l’Office central néerlandais des statistiques (CBS), 347 600 personnes d’origine surinamaise résident désormais aux Pays-Bas, représentant plus de 2 % de la population. Depuis la vague d’immigration de 1975 – des dizaines de milliers de citoyens d’origine surinamaise avaient quitté le pays suite à la proclamation de l’indépendance — cette population a fortement progressé, passant la barre des 300 000 en l’an 2000. Ces dernières années, la tendance s’est légèrement ralentie avec 342 300 personnes recensées en 2010, 344 700 en 2011 et 346 800 en 2012.

En 1975, 38 000 citoyens surinamais avaient élu domicile aux Pays-Bas, contre 3 600 en 2000, 2 100 en 2010 et 2011, et enfin 1 900 en 2012. À l’inverse, le nombre de retour au pays est en constante augmentation. Ainsi, en 2012, 1 600 personnes ont émigré au Suriname contre 1 400 en 2011 et 1 200 en 2010.

Majoritaires chez les Suri-Néerlandais (Surineds), les Hindoustanis (151 000) s’établissent la plupart du temps à La Haye, Rotterdam, Zoetermeer et Almere, les Créoles (132 000) privilégient Almere, Amsterdam et Rotterdam, et les Javanais (22 000) Almere, La Haye et Rotterdam.

Au regard de la représentation nationale surinamaise, le nombre relativement important de Surinamais d’origine chinoise (11 000) et inversement, le nombre relativement faible de Marrons (11 000) vivant dans l’ancienne mère patrie ont de quoi surprendre. Ces chiffres contrastent en effet avec les derniers résultats du recensement du Bureau général des statistiques du Suriname (ABS), qui a comptabilisé (seulement) 3 758 Chinois et environ 118 00 Marrons dans tout le pays.

NoSpang, 19/11/13, Ruim 348.000 «Suri-Nederlanders’ in Nederland»

Chiffres et données autour de la diaspora surinamaise

Estimée à environ 500 000 personnes, la diaspora surinamaise est installée principalement aux Pays-Bas, aux États-Unis et dans les anciennes Antilles néerlandaises.
Selon le recensement de 2012, le Suriname compte 541 638 habitants ; la population a augmenté de 9,9 % par rapport à 2004.
L’Assemblée nationale surinamaise doit voter d’ici la fin de l’année 2013 un projet de loi qui régira le statut des personnes d’origine surinamaise (PSA) dans le but de faciliter le retour de la diaspora désireuse de participer au développement du pays.
Courant 2013, le Parlement néerlandais s’est prononcé pour un durcissement de la loi sur l’aide au retour. Votée en 2000 et initialement destinée aux Néerlandais d’origine surinamaise, la Remigratiewet a pour objectif de faciliter le retour des immigrés au chômage dans leur pays d’origine.
À partir du 1er juillet 2014, l’indemnité forfaitaire destinée à couvrir partiellement ou totalement les frais de voyage et de déménagement sera supprimée, et seule l’allocation mensuelle de retour pour subvenir aux besoins de base, avec des conditions d’attribution resserrées, sera maintenue.
Cette allocation, à laquelle il faut éventuellement ajouter l’assurance maladie, varie actuellement entre 425 € et 640 € par mois selon l’effectif de la famille.
Chaque année, une centaine de Néerlandais d’origine surinamaise demandent à bénéficier de l’aide au retour. Entre 2001 et 2011, les Pays-Bas ont versé plus de 25 millions d’euros rien que pour le Suriname.