Jeudi 10 octobre, une frégate de la marine vénézuélienne a arraisonné le RV Teknik Perdana alors qu’il menait une campagne sismique pour le compte du gouvernement guyanien dans une zone maritime revendiquée à la fois par Caracas et Georgetown. Le navire de prospection pétrolière loué par la société texane Anadarko et battant pavillon panaméen a été dérouté vers l’île vénézuélienne de Margarita. Le ministère des Affaires étrangères guyanien a condamné fermement le Vénézuéla affirmant « que ces actions menacent gravement la paix dans la sous-région », tout en appelant de ses vœux une issue pacifique.

Mardi 14 octobre, le ministère public vénézuélien a finalement libéré le RV Teknik Perdana et ses 36 membres d’équipage. Son capitaine, de nationalité ukrainienne, a été mis en examen pour violation de la zone économique exclusive du Vénézuéla.

Si le différend frontalier refait surface aujourd’hui, c’est parce que l’administration Maduro est affaiblie économiquement, estiment les politologues, certains éléments du gouvernement cherchant à allumer un contre-feu pour faire diversion. Il est également probable qu’une partie de la droite vénézuélienne, dont les militaires, cherche à profiter de la situation de crise pour raviver l’intérêt national autour du contesté (« Stabroeknews », 11/10).

Au temps de Hugo Chávez, le sujet ne faisait pas débat. Au contraire, lors de son historique visite à Georgetown en 2004, le leader bolivarien avait même indiqué que Caracas ne s’opposerait pas aux grands projets de développement de son voisin dans la région de l’Esséquibo. Autre signe de détente l’année suivante, l’ex-Guyane britannique avait intégré le programme PetroCaribe, qui permet à chaque membre de se ravitailler en pétrole vénézuélien à des conditions préférentielles et de s’acquitter de sa facture énergétique par le troc. Ainsi, chaque année, Caracas importe de gros volumes de riz guyanien*.

Néanmoins, suite à la victoire étriquée de Maduro en avril dernier et face à la situation économique dégradée du Vénézuéla, les observateurs avaient mis en garde Georgetown contre tout angélisme à l’égard de son voisin de l’ouest…

Intrusion vénézuélienne

Lors d’une visite officielle à Georgetown le 31 août dernier, le président vénézuélien Nicolás Maduro avait rencontré son homologue guyanien Donald Ramotar. Les deux chefs d’État s’étaient à nouveau engagés à résoudre pacifiquement leur litige frontalier, en collaboration avec l’ONU. Pourtant, ce même jour, une délégation de civils vénézuéliens accompagnés de soldats armés avait traversé sans autorisation le fleuve Cuyuni pour aller à la rencontre des riverains. Par cette action, ils entendaient réaffirmer les revendications de Caracas sur cette région de l’Esséquibo qui couvre 159 500 km2 . . . soit près des deux tiers du territoire guyanien ! Selon le quotidien vénézuélien El Universal, les membres de cette délégation font partie d’une ONG nommée  » Mi Mapa de Venezuela incluye nuestro Esequibo’‘ (Ma carte du Vénézuéla englobe notre Esséquibo).

Le précédent surinamais

Par le passé, les activités d’exploration pétrolière dans l’espace maritime guyanien avaient déjà suscité le courroux de Caracas, mais aussi de Paramaribo. Ainsi, en juin 2000, la marine surinamaise avait dérouté une plate-forme pétrolière du canadien CGX, déclenchant un conflit vivace entre les deux voisins du plateau des Guyanes. L’affaire trouva son épilogue en 2007, suite à un arbitrage rendu par le Tribunal international du droit de la mer à Hambourg, dont le jugement s’était prononcé en faveur de la Guyana.

* Lire ci-contre  » Vers une zone économique pétrocaribéenne  »

Photo ci-dessus : porte-conteneurs vers le marché de Georgetown, non loin de l’estuaire du fleuve Esséquibo – Atelier Aymara 2008.
Carte ci-dessous : en jaune, la « Zona en reclamación », à l’ouest du fleuve Esséquibo, territoire guyanien revendiqué par le Vénézuéla.

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