La deuxième Conférence de la Communauté caribéenne (Caricom) sur les réparations s’est déroulée du 12 au 14 octobre à St John’s, capitale d’Antigua-et-Barbuda. Au cours de la soirée inaugurale, militants et responsables politiques ont lancé un appel pour rendre justice à une région encore fortement affectée économiquement et socialement par les conséquences de la traite négrière.

« J’implore chacun d’entre nous pour qu’il poursuive notre but, notre destinée : justice et réparation pour nos sociétés défigurées par la colonisation et encore éprouvées par l’expérience de l’esclavage et du génocide indigène, a solennellement déclaré P.J. Patterson, ancien Premier ministre de la Jamaïque (1992-2006). [...] Nous devons profiter de ce forum pour régler toutes les questions restées sans réponse autour de la lutte pour une justice réparatrice », a-t-il poursuivi.
Outre Patterson, de nombreux autres personnalités sont également intervenues. Parmi elles, Gaston Browne, Premier ministre d’Antigua-et-Barbuda, et actuel président de la Caricom, Sir Hilary Beckles,vice-chancelier de l’UWI (University of the West Indies), et Dr Julius Garvey, fils de Marcus Garvey (1887-1940), leader jamaïcain de la cause noire.
Dans son discours, Garvey a déploré la recolonisation de l’Afrique. « Nous constatons aussi que les Africains sont les plus pauvres de la planète. En Amérique, la richesse moyenne de l’Afro-américain est vingt fois inférieure à celle de son homologue blanc. On dirait presque que rien n’a changé en un siècle, alors il nous faut encore parler de réparation des violations, car c’est bien de cela qu’il s’agit… [Il nous faut] remonter aux causes profondes du problème et réparer les dommages causés par cinq siècles de domination euro-américaine. »

Pour Gaston Browne, la traite négrière transnationale a séparé et détruit bien des familles mais aussi les valeurs culturelles, les traditions, les croyances et les artefacts de [nos] peuples.
Le concept des réparations de la Caricom ne s’arrête pas aux dédommagement économiques.
Il englobe également la réconciliation, l’égalité raciale, l’inclusion, l’égalité des chances et la justice. « Les atrocités commises contre nos peuples comptent parmi les pires exemples de la barbarie humaine. Ce trafic institutionnalisé des êtres humains et son cortège d’atrocités ont conduit au sous-développement dans les Caraïbes et en Afrique… En dépit de ces atrocités, nous ne voulons pas de représailles, mais nous demandons réparation. » Et de préciser que le débat n’est pas dirigé contre les peuples de l’Europe, ni fondé sur la race ou animé par un esprit de revanche. Car, aujourd’hui, les Caraïbes ne tiennent pas les Européens pour responsables « des méfaits des classes dominantes qui contrôlaient leurs sociétés et se sont enrichies en soumettant nos ancêtres à la cruauté et à la barbarie. » Cependant, cela ne devrait pas les empêcher de reconnaître ces crimes et les inciter à « honorer nos revendications. »

Des faits qui, aujourd’hui, relèveraient de la Cour pénale internationale
De son côté, Patterson estime qu’il faut se garder de blâmer l’Afrique et certains de ses dirigeants qui, dans une situation d’intimidation, de corruption ou par cupidité collaborèrent à la capture et au transfert des futurs esclaves. « Il n’y a aucun principe de droit qui permet aux organisateurs d’une entreprise criminelle de se soustraire à leurs responsabilités parce que des tiers ont apporté leur collaboration. La responsabilité juridique ne peut être remise en cause par une collaboration quelle qu’elle soit », a-t-il souligné. « Au regard du droit pénal, les sanctions les plus graves sont réservées à ceux qui organisent l’entreprise criminelle et en bénéficient le plus. »

Browne a, quant à lui, rajouté : « Nous estimons que nos ancêtres ont été soumis à des traitements particulièrement inhumains qui, aujourd’hui, relèveraient légitimement de la Cour pénale internationale. Ainsi, ils furent privés de leur liberté et du droit de vivre leur vie; traités non pas comme des êtres humains, ni même comme des animaux, mais comme des  »biens matériels » utilisés ou jetés selon le bon vouloir de leurs propriétaires. »

Source : Caribbean 360 / Caribbean wants justice for atrocities committed under transatlantic slave trade (13/10/14).

2e Conférence de la Caricom sur les réparations organisée par la Commission des réparations de la Caricom (CRC) du 12 au 14 octobre à Antigua et Barbuda.
Thème : « Conférence d’experts sur les réparations dans les Caraïbes : Engagement scientifique et mobilisation communautaire. »
Objectif : renforcer le discours sur la justice réparatrice autour du plan de la CRC adopté par les dirigeants de la Caricom lors du sommet de Saint-Vincent-et-les Grenadines en mars dernier ; ce plan comporte 10 points, dont la santé publique, l’éducation et l’alphabétisation.

http://www.caribbean360.com/news/caribbean-wants-justice-for-atrocities-committed-under-transatlantic-slave-trade#ixzz3G3dFZ7m7