Face au non renouvellement du juteux contrat vénézuélien, les riziculteurs guyaniens devront exporter leurs productions à des conditions bien moins avantageuses. Un coup dur pour la filière. Extraits de l’article du site en ligne Demerara Waves (09/07).

En novembre prochain, le Vénézuéla mettra un terme à l’accord « pétrole contre riz » signé avec le Guyana dans le cadre de la politique bolivarienne de feu Hugo Chávez [PetroCaribe]. Un coup dur pour la filière rizicole guyanienne qui devra rechercher activement d’autres débouchés à l’exportation. Actuellement le Vénézuéla accepte de payer 760 USD la tonne de riz décortiqué et 540 USD la tonne de paddy alors que les cours mondiaux s’établissent respectivement à 500 et 340 USD. Selon le ministre guyanien des Finances Winston Jordan, de retour de Caracas où il a participé aux négociations pour le renouvellement dudit accord, le Vénézuéla a choisi de s’approvisionner au Suriname et en Uruguay tout en continuant d’acheter du riz guyanien, mais en plus faible quantité.

L‘Association des minotiers et exportateurs de riz du Guyana (GRMEA) et l’Association des producteurs de riz du Guyana (GRPA) craignent une nette dégradation de trésorerie dans la filière. « Cela se traduira par une perte sèche pour les minotiers, car il s’agit d’un gros marché à tarifs préférentiels. La baisse des prix va se répercuter sur les producteurs et nous devrons nous plier aux cours du marché mondial », a déclaré Patrick De Groot, président de la GRMEA. Une mauvaise passe pour la soixantaine de minotiers que compte le pays, notamment ceux qui ont eu recours à l’emprunt pour moderniser leur outil de production. Selon Dharamkumar Seeraj, président de la GRPA, le non renouvellement de l’accord toucherait durement au moins 8 000 producteurs et salariés de la filière. « Le marché vénézuélien représente un tiers de nos exportations, ce serait un rude coup porté au secteur », a-t-il déclaré.

Expert en riziculture et initiateur local de l’accord PetroCaribe, Turhane Doerga reproche au gouvernement de faire la part belle aux technocrates plutôt que de se tourner vers les professionnels de la filière. Et de regretter qu’avec une production à son niveau le plus haut depuis très longtemps, le pays ne sache pas diversifier ses partenaires à l’export. Aujourd’hui, le gouvernement guyanien rechercherait de nouveaux débouchés chez ses voisins du bassin caribéen, au Brésil et en Europe. En 2014, la production nationale de riz a dépassé 633 000 tonnes.

Le contrecoup d’un différend frontalier
Depuis quelques semaines, Guyana et Vénézuéla sont impliqués dans un conflit territorial englobant une zone maritime dans laquelle la société américaine ExxonMobil effectue des forages pétroliers pour le compte du gouvernement guyanien*. Si les négociateurs vénézuéliens n’ont pas évoqué une relation de cause à effet, Winston Jordan a invité à « lire entre les lignes. » Et lancé une pique politicienne : « Les statistiques affichent une baisse de la commande vénézuélienne, cela aurait dû alerter l’administration précédente [Ramotar et le PPP ont perdu les élections générales en mai]. Et de poursuivre : « Cette opération n’avait pas vocation à devenir un accord permanent. Le Vénézuéla a le droit d’acheter du riz à quelque pays que ce soit. Chaque pays doit faire preuve de prudence en se lançant dans des actions susceptibles d’impacter l’arrangement. Chaque partie cherche à satisfaire ses propres intérêts qui sont parfois cachés. » De son côté, Doerga estime que l’accord pourrait être sauvé si le différend frontalier était traité avec plus de diplomatie et de subtilité.
Dans le climat actuel, certains rapports vénézuéliens récents considèrent que l’ex-Guyane britannique servirait de base aux Américains pour infiltrer le territoire de son vieil ennemi hispanophone. [Un scénario de guerre froide] rejeté avec véhémence par le gouvernement guyanien, mais validé par certaines personnalités locales.

*Le Journal des Guyanes fait le point sur ce conflit territorial dans le prochain numéro d’Une Saison en Guyane, à paraître en août prochain.

Titre original : Rice farmers, millers brace for « blow » after collapse of Venezuelan market [Demerara Waves, 09/07, Zena Henry and Denis Chabrol]

Photo : Rizière sur les rives de l’Essequibo, non loin de Georgetown, Guyana. cliché P-O Jay / Atelier Aymara