Il y a 30 ans, 39 habitants de Moiwana étaient sauvagement assassinés par l’armée surinamaise. Cet événement tragique est toujours présent dans les esprits. Chaque année, le 29 novembre, la population du village se recueille devant le monument érigé à la mémoire des victimes. Aujourd’hui, parents et survivants réclament une enquête judiciaire afin que les auteurs du massacre soient traduits en justice.

Le 29 novembre 1986, en pleine guerre civile, des soldats de l’armée régulière font une incursion dans le village de Moiwana situé à quelques kilomètres d’Albina. Sous les ordres de Desi Bouterse, actuel président du Suriname, l’armée combat depuis un an le Jungle Commando dirigé par Ronnie Brunswick. Selon les renseignements des militaires, le chef de la guérilla, aujourd’hui homme d’affaires et politique, serait dans les parages. Les militaires décident d’attaquer le village. Il s’en suit un véritable bain de sang. Hommes, femmes (certaines sont enceintes) et enfants tombent sous les balles et les coups de couteaux. De nombreux villageois fuient dans la forêt. Après plusieurs jours de marche, ils traversent le fleuve et trouvent refuge en Guyane française. Des milliers de compatriotes leur emboîteront le pas et seront accueillis dans des camps sur la rive droite du Maroni.

Au mémorial, Selly allume une bougie. « Elisabeth nous manque terriblement », dit-elle en sanglots devant la stèle de sa sœur assassinée avec ses trois enfants. « J’étais en ville quand c’est arrivé. Je me suis rendue au village, mais les corps avaient déjà été transportés à Moengo où la morgue était en train de brûler. Je ne savais plus que faire pour les retrouver… » Selly et sa famille sont encore profondément marquées. La douleur est toujours présente. « 30 ans, ça peut paraître long. Mais une telle tragédie ne s’oublie jamais. Ma sœur, ma nièce, mes neveux… Je ne peux pas les enterrer. Nous porterons en nous cette douleur aussi longtemps que nous vivrons ». Tout à côté, Majo se recueille devant la stèle de son père, Iwan : « Mon père avait aussi deux filles. Ils ont tué l’une d’entre elles avec ses cinq enfants. Mon autre sœur s’est enfuie dans la forêt avec ses deux bébés. Elle a réussi à se réfugier en Guyane française. Ma famille était grande. Ils l’ont décimée.»

Punir les coupables
En 2005, le gouvernement surinamais a été condamné par la Cour interaméricaine des droits de l’homme pour la tragédie de Moiwana. À ce jour, le jugement a été partiellement exécuté. « Un travail de reconstruction est en cours. La phase d’indemnisation des 13 000 U$ aux familles touche à sa fin », déclare André Ajintoena, président de l’association Moiwana ’86. Et de poursuivre : « Les excuses, on les a eu aussi. » Le président Ronald Venetiaan les a présentées en 2006, au nom de l’État. « Mais il est urgent qu’une enquête voie le jour. C’est très important pour nous. Nous devons savoir pourquoi c’est arrivé. Nous voulons aussi que les coupables soient punis. » Selon Ajintoena, les proches veulent le retour des dépouilles emmenées à l’époque pour les besoins de l’enquête : «C’est indispensable pour que nous puissions les enterrer correctement et faire notre deuil.»

Titre original : Nabestaanden Moiwana willen onderzoek en berechting [Starnieuws, 30/11/16, René Gompers]

http://www.starnieuws.com/index.php/welcome/index/nieuwsitem/38609

Photo du monument de Moiwana par Philippe Boré.