Le gouvernement néerlandais a accusé réception de la pétition du Comité surinamais des réparations adressée en juin dernier à son ambassade de Paramaribo, mais il n’a fait aucune promesse. Selon Armand Zunder, président dudit comité, il s’agit d’une correspondance purement diplomatique, renvoyant au discours officiel d’Amsterdam prononcé le 1er juillet, à l’occasion de la commémoration du 150e anniversaire de l’abolition de l’esclavage. Lodewijk Asscher, ministre des Affaires sociales et de l’Emploi, avait alors exprimé « ses plus vifs regrets », précisant d’autre part que les gens d’aujourd’hui ne pouvaient être tenus pour responsables de ce qu’avaient fait leurs ancêtres.

Pourtant, Zunder y voit une avancée : n’ayant pas rejeté les réclamations du comité, « les Pays-bas reconnaissent [de facto] que les préjudices matériels et immatériels liés à l’esclavage donnent droit à un dédommagement. » Cependant, le chargé d’affaires au Suriname, Ernst Noorman [1], ne partage pas cet optimisme. « Les Surinamais doivent débattre de cette question entre eux et trouver un consensus sur les réparations ». (De Ware Tijd, 22/11)

Porte-voix surinamais au sein de la Commission des Réparations de la Caricom, Armand Zunder et ses homologues caribéens font cause commune pour contraindre les anciennes puissances coloniales anglaise, française et néerlandaise à verser des compensations financières aux descendants d’esclaves et d’indigènes. « Le Suriname est à un stade assez avancé sur ce dossier, il est donc probable que nous soyons les premiers à porter réclamation auprès de notre ancien colonisateur. Mais nous devrons décider de la meilleure stratégie à adopter avec la Caricom. » (Devsur 22/11)

Dans son ouvrage intitulé Herstelbetalingen [2] (2010), Zunder estime que le Suriname aurait rapporté quelque 125 milliards d’euros aux Pays-Bas pendant la période de l’esclavage. « Cet argent est le fruit du dur labeur des esclaves qui, contrairement aux négociants et planteurs, ne furent jamais indemnisés. [Ces gains] furent injectés dans l’économie néerlandaise. Le pays continue à tirer profit de ces investissements. » (Caribbean360, 28/06)

La Haye indemnisera-t-elle ?

En septembre dernier, le gouvernement néerlandais s’est excusé publiquement pour les exécutions sommaires commises en Indonésie par l’armée néerlandaise pendant la guerre d’indépendance (1945-1949), et s’est engagé à indemniser chaque veuve à hauteur de 20 000 euros. En 2000, deux associations juives, une organisation hindoustani et une fondation tzigane avaient été indemnisées. Les Pays-Bas ont déporté environ un million d’esclaves africains pour travailler dans les plantations du « Nouveau Monde ». L’esclavage a été officiellement aboli le 1er juillet 1863. Les Pays-Bas n’ont jamais présenté d’excuses officielles.

[1] Suite au vote de la loi d’amnistie en avril 2012, les Pays-Bas ont rappelé leur ambassadeur en signe de protestation.  [2] Réparations.

Dessin : « Un Nègre pendu vivant par les côtes à une potence » Gravure de William Blake d’après un dessin de John Gabriel Stedman s’appuyant sur un témoignage oculaire.