Dans une interview au journal dominical Guardian Sunday, Daurius Figueira, chargé de cours en criminologie à Université des Indes occidentales (UWI), explique comment les cartels mexicains de la drogue ont réussi à prendre le pouvoir dans les Caraïbes.

Pour la première fois de son histoire, les Caraïbes sont totalement intégrées au trafic de drogue à l’échelle mondiale. Si les mules transportent des quantités modestes vers le Canada et les États-Unis, les trafiquants de drogue ont recours au transport par conteneurs pour expédier la cocaïne en très grande quantité.
La cargaison de cocaïne « trinidadienne » saisie aux États-Unis en décembre dernier n’était pas le fait de trois quatre petites frappes ayant tenté d’écouler un peu de cocaïne, mais une opération de contrebande industrielle bien huilée. Contrairement à la cocaïne diluée retrouvée dans une bouteille de jus de poire qui a coûté la vie à un ancien combattant de la Royal Navy en décembre 2013 en Angleterre, celle qui a été interceptée en Virginie avait été moulée au préalable pour être conditionnée en boîte. (Cf. article ci-contre)
Selon Figueira, Sinaloa et Los Zetas sont les deux principaux cartels mexicains aujourd’hui présents dans les Caraïbes. Quand ils entrent en action dans le vaste archipel, leurs chefs n’ont ni nom ni visage. Leur mode opératoire peut être défini en trois points :

  1. Quand ils investissent un marché, ils s’immiscent également dans la vente au détail, le trafic d’armes, la contrefaçon, la prostitution et la traite humaine selon un circuit qui chemine à travers les Caraïbes, l’Amérique centrale, le Mexique, puis l’entrée clandestine aux États-Unis.
  2. Ils arrivent à leur fin en corrompant policiers et militaires et en enrôlant les gangs locaux. Ils proposent également des « franchises » aux militaires et policiers plutôt qu’aux politiciens qui, eux, sont en poste pour un temps déterminé.
  3. Ils nouent également des alliances avec les élites et les gangs du narcotrafic, en leur offrant des contrats lucratifs et des franchises beaucoup plus intéressantes que celles des Colombiens et des Vénézuéliens. Les membres de ces élites corrompues qui ont commis l’erreur fatale de traiter les Mexicains comme inférieurs ont été éliminé froidement une fois les cartels établis – par décapitation par exemple, pour envoyer un signal fort.

Les cartels mexicains ont ainsi radicalement changé le « milieu caribéen », inculquant un ordre nouveau dans lequel l’État est contraint de lutter sans relâche pour sa survie, après avoir perdu sa capacité à maintenir l’ordre public.
Source : Sunday Guardian/Trinidad & Tobago (26/01)
Titre original : UWI lecturer on $644m cocaine bust: Mexican cartels infiltrate T&T (Charles Kong Soo)
Daurius Figueira : Cocaine Trafficking in The Caribbean & West Africa in the Era of The Mexican cartels (2012) chez iUniverse