Au Guyana, les leaders de la société civile et les activistes dénoncent les pratiques abusives des sociétés forestières étrangères, au mépris de la population guyanienne. Extraits de l’article de John C. Cannon, correspondant à mongabay.com.

« L’augmentation du niveau de vie en Inde et en Chine a déclenché une hausse du prix du “wamara”, bois précieux utilisé dans la fabrication de meubles chics en Asie. Comme le stock en Malaisie et en Indonésie s’est épuisé, les fournisseurs se rabattent de plus en plus vers les forêts tropicales d’Afrique et d’Amérique du Sud », déclare Janette Bulkan, professeure d’origine guyanienne au département de foresterie à l’Université de la Colombie-Britannique. Selon Global Forest Watch, en 2000 la forêt couvrait 91 % du Guyana, pays dont une bonne partie est en situation de sous-développement. L’exploitation forestière constitue donc une aubaine, mais aussi une menace lorsqu’elle est pratiquée à grande échelle.

Ainsi la compagnie chinoise Bai Lin Shan (BLS) contrôlerait 627 000 hectares de terres forestières au Guyana, selon la Commission nationale des forêts, et 1, 4 million d’hectares, selon John Palmer, du Forest Management Trust. Concernant son rapport aux règlements, Palmer et Bulkan s’accordent à dire que BLS ne s’embarrasse guère des textes de loi, d’autant que les hauts responsables guyaniens sont peu enclins à les faire appliquer. Palmer soupçonne des membres clés du gouvernement guyanien d’accepter des pots-de-vin de sociétés comme BLS pour fermer les yeux sur leurs pratiques.
BLS aurait ainsi obtenu de façon suspecte des permis ou des droits d’exploitation sur plus d’un million d’hectares. Et dans certains cas, BLS aurait agi en violation de la législation guyanienne en louant des parcelles à travers des accords de coentreprise. Quant aux terres ancestrales des Amérindiens, la loi « devrait empêcher la délivrance de permis sans consultation préalable dans le respect de la loi coutumière locale, déclare Palmer, mais il n’y a jamais de consultation. » Curieusement, la Commission nationale des forêts a pris la défense de la société étrangère, alléguant que BLS crée une source de revenus aux « gens de la forêt » en leur fournissant les outils nécessaires pour récolter le bois. Charge à eux de le vendre à BLS ensuite. Seulement, les gains sont dérisoires. Et quant aux emplois espérés pour les locaux, l’usine de transformation que BLS s’était engagé à construire n’a toujours pas vu le jour. Quand on sait que ces sociétés tirent davantage de profit en exportant le bois brut directement dans leur pays…

En 2009, le Guyana et la Norvège ont signé un pacte historique garantissant au Guyana le versement de 250 millions USD sur cinq ans contre la préservation de sa forêt tropicale et le stockage de ses 1, 6 million de tonnes de carbone. (voir notre article ici ) Globalement, cet accord fut perçu comme la pierre angulaire du programme de Réduction des émissions issues de la déforestation et de la dégradation des forêts (REDD), et permit au gouvernement guyanien de mettre en œuvre sa Stratégie de développement à faible émission de CO2 (LCDS). Mais selon Bulkan, l’accord avec la Norvège n’empêche pas les sociétés étrangères d’enfreindre la loi, puisque, par opportunisme et par légèreté, le ministère norvégien de l’Environnement a estimé plus facile de traiter avec quelques personnalités politiques guyaniennes plutôt qu’avec les élus parlementaires. « Que le Parlement ait été marginalisé par la Norvège est effectivement très grave », conclut Bulkan. Source : mongabay.com* (26/11/14).

 * Créé en 1999 par Rhett A. Butler, Mongabay est un site d’information écologiste indépendant spécialisé dans les forêts tropicales et la biodiversité. Il enregistre en moyenne un million de visiteurs uniques chaque mois.

Photo Atelier Aymara