Avec la validation du programme Ariane 6 par les pays membres de l’Agence spatiale européenne au mois de décembre – un programme de près de 4 milliards d’euros –, la Guyane s’est vu confirmer son rôle stratégique de port spatial de l’Europe. Si ce département français d’Amérique n’est toujours pas une terre de conception spatiale, mais d’assemblage et de lancement, il demeure un point clef du programme européen par sa position sur l’équateur – qui réduit les coûts de propulsion d’une fusée ou augmente la charge utile des lanceurs – et ses trois lanceurs : Soyouz, Vega et Ariane 5.

600 millions d’euros pour un nouvel ensemble de lancements à Kourou

Conséquences pour la Guyane, la nouvelle génération de fusée européenne va nécessiter la construction d’une zone de lancement propre et adaptée à la technologie de cette nouvelle fusée modulaire au Centre spatial guyanais (CSG) de Kourou. : l’ensemble de lancements 4 (ELA 4). À ce stade, 600 millions d’euros sont prévus pour sortir de terre les infrastructures et l’économie de la construction guyanaise devrait récupérer une bonne part de ce gâteau. Le chantier devrait débuter dès 2015 avec le préterrassement de la zone et un début théorique de construction en 2016. L’Agence spatiale européenne (ESA) sera le maître d’œuvre du nouvel ELA mais a délégué, via un protocole d’accord signé fin décembre, la maîtrise d’œuvre du “ segment sol ” au Centre national des études spatiales (CNES). « Une revue de conception se tiendra dans le courant du premier trimestre 2015 pour préciser la localisation du nouvel Ensemble de Lancements et définir les infrastructures qui lui seront nécessaires », indique le CNES qui assurera la réalisation des installations au sol, comme il le fait depuis les débuts de l’aventure spatiale européenne en Amérique du Sud.

Un premier vol autour de 2020

En attendant que le calendrier se précise – et l’histoire spatiale est faite de retards notamment dus à la complexité des travaux à réaliser –, l’objectif avoué par Arianespace, qui exploitera les deux versions 6 (une légère et une lourde) de la fusée européenne, est de la propulser dans l’espace à l’horizon 2020. Un délai court, mais « technologiquement possible », selon son PDG, Stéphane Israël qui croit que la solution retenue d’une entreprise commune entre le maître d’œuvre de la fusée, Airbus, et son motoriste Safran, est la bonne solution pour repousser une concurrence croissante. L’objectif est de diminuer les coûts de lancement, en baissant le coût de fabrication de chaque lanceur via cette entreprise unique chargée de toute la filière de réalisation des fusées, à l’image de son concurrent américain Space X.
Un coup de pouce de l’Europe pourrait aussi assurer le développement et l’économie d’Ariane 6. À l’image des Américains, des Chinois ou des Russes, les Européens pourraient décider une préférence communautaire dans l’achat de vol spatial : soit, n’envoyer de satellites que sur des lanceurs qu’ils financent. Un vœu de Jean-Yves Le Gall, président du CNES, qui a longtemps dirigé Arianespace : « Aux États-Unis, un satellite américain ne peut pas être lancé par un lanceur dont 51 % de la valeur n’est pas ajoutée sur le territoire américain. En Europe, on a eu du mal à imposer Ariane pour le lancement des satellites Galileo. » Ainsi assurée d’emporter tous les satellites européens, Ariane 6 pourrait atteindre facilement 10 à 15 lancements par an.