Si les aventures martiennes américaines sont largement médiatisées, la présence française sur la planète rouge est souvent méconnue. Et pourtant, depuis la mission Mars Science Laboratory (2011) qui a lancé le fameux 4×4 de l’espace “Curiosity”, le CNES fournit des outils précieux à l’étude scientifique de la planète.
Comme le ChemCam, un laser ultrapuissant et redoutablement précis qui permet d’analyser à distance les roches de l’astre rouge. Sa vélocité et sa capacité de pré-diagnostic sont une aide à la décision importante : à distance, le ChemCam permet de choisir si oui ou non le “rover” doit se déplacer vers la roche qui interroge, afin de faire des mesures plus complexes in situ. Celles-ci sont réalisées en partie par l’autre outil embarqué du CNES : le SAM, un laboratoire scientifique de précision. Aux commandes de ChemCam, des snipers de l’espace vivent à l’heure martienne depuis Toulouse. «Notre métier, c’est de faire des trous dans les roches martiennes, toute la journée», s’amuse Xavier Lorigny, responsable du ChemCam pour le CNES. «On est calé sur la calendrier martien, rythmé par les heures martiennes, on compte d’ailleurs nos journées en soles (unité de mesure des jours sur Mars)», poursuit modestement cet ingénieur qui travaille dans des conditions difficiles. De nuit, en liaison permanente avec des chercheurs internationaux qui déterminent les cibles à abattre, sa mission, avec sa dizaine de collègues, est de programmer informatiquement les campagnes de tir du laser au prix d’interminables réunions téléphoniques en anglais. Et sans aucun droit à l’erreur.

Cette collaboration plaît tant au Jet Propulsion Laboratory (JPL) qui commande Curiosity, que deux autres instruments ont été commandés au CNES, après un appel à projet international, pour les prochaines missions. En 2016, la mission Insight sera chargée de mesures sismiques, géodésiques et de températures. à bord, les ingénieurs toulousains enverront un sismomètre (SEIS), réalisé avec les géologues de l’Institut de physique du globe de Paris (IPGP), qui doit enregistrer les mouvements de la planète, permettre de comprendre son fonctionnement interne ainsi que la formation des planètes rocheuses identiques. Une première qui excite le chef de projet SEIS au CNES, Philippe Laudet, malgré le «défi technologique et opérationnel» à réaliser «dans un planning très contraint». Ce défi a été jusqu’à présent relevé par son équipe : SEIS doit partir pour son intégration finale sur le lanceur aux Etats-Unis au mois de septembre 2015.
Les «tireurs» de Toulouse ayant convaincus, ils embarqueront, dans de la très importante mission Mars 2020, un nouveau laser : le SuperCam. La mission de Curiosity (2011) a pu déterminer que les conditions de l’apparition d’une vie sur Mars ont un jour été réunies. De fait, la mission Mars 2020 partira, elle, à la recherche des traces de vie précises, sous la forme bactériologique. Et le CNES sera de la partie avec, des ingénieurs vivant la tête sur Mars, et les pieds sur Terre, ou plutôt à Toulouse, lors de la mission habitée que les américains évoquent pour 2030.

Photo Selfie de Curiosity, realisée en janvier 2015 sur le site Mojave, non loin du mont Sharp – Photo Nasa