Longtemps, Ariane a décollé sans pression dans le ciel guyanais. Fiable et plutôt ponctuelle, elle a dominé la concurrence. Mais sa fabrication, lourde et éclatée en Europe, a un revers elle coûte cher. Et aujourd’hui, l’arrivée à (presque) maturité d’une concurrente low cost perturbe.D’autant que cette fusée américaine Falcon de Space X est capable, elle aussi, de ravitailler la Station spatiale internationale (ISS) et annonce prochainement y emmener à bord des astronautes.

Du coup, la filière spatiale européenne s’apprête à changer son modèle de conception et de production afin de rivaliser en prix. Les industriels d’Ariane (Airbus, Safran) ont décidé en juin 2014 de créer une seule coentreprise qui regroupera, peu à peu, toute la filière, Arianespace ainsi que les activités de conception du Centre national des études spatiales (Cnes) afin de resserrer les liens entre la myriade d’entités (publiques et privées), dispersées en Europe, qui imaginent, calculent et produisent les lanceurs.
Ce projet, Jean-Yves Le Gall, le directeur du Cnes et ex-Pdg d’Arianespace, le résume ainsi : « En Californie on dit : d’un côté, rentrent des tôles, de l’autre sortent des fusées. C’est notre objectif et c’est ce que nous sommes en train de faire ». Car c’est exactement le modèle que pratique Space X, la société du milliardaire Elon Musk. Largement aidée par le gouvernement américain (Nasa), elle a mis les pieds dans le plat avec sa fusée Falcon, 40 % moins coûteuse qu’Ariane 5, dont les récents succès ont détourné certains clients, soucieux de rentabilité, du Centre spatial guyanais (CSG).
Space X est une entreprise unique, là où, en Europe, la galaxie Ariane multiplie les acteurs publics et privés, avec certaines contraintes : les pays qui financent le programme spatial exigent, en retour, que certaines de ses industries s’établissent sur leurs territoires. Résultat, Ariane 5 s’étale sur près de 25 sites industriels.

Le but de la coentreprise européenne est donc d’avoir « une meilleure organisation industrielle (…) ». Dans un premier temps, le constructeur aéronautique Airbus Group et le constructeur de moteurs Safran vont monter cette coentreprise. Celle-ci devrait rapidement inclure les activités de conceptions du Cnes mais aussi d’Arianespace, le tout devant être opérationnel pour fin 2014. Pour les Européens, c’est un bouleversement majeur, mais jugé essentiel pour rester dans la course, et ce d’autant plus que d’autres pays (Inde, Chine, Japon) jouent aussi sur les prix. C’est aussi le prix à payer pour, enfin, décider de l’avenir d’Ariane.
Héritière de 40 ans de coopération européenne, Ariane fonctionne encore à coup d’accords délicats, mêlant stratégie industrielle et politiques étatiques. À mi-cycle de vie, Ariane 5 fait, depuis l’objet de tractations interminables sur son avenir : une Ariane 6, plus puissante, tout comme légère évolution d’Ariane 5 sont dans les cartons des donneurs d’ordre public. De leur côté, les industriels penchent pour une famille de lanceurs : un gros porteur, et un autre plus léger pour le marché, de plus en plus important, des petits satellites.

Des choix qui permettraient de fortes économies sur le développement futur d’Ariane mais surtout de rester leader mondial, avec son ensemble de lancements idéalement situé sur l’équateur. Un avantage que Space X n’est pas encore en mesure de concurrencer.

Photo Space X: Le lanceur Falcon9 de SpaceX à Cap Canaveral