« Je comprends pourquoi le soleil éclaire la Terre quand je vois la lumière que produit la fusée lors de son envol », rit un jeune homme, le nez en l’air, les yeux tournés vers le ciel illuminé par le lanceur Ariane 5. Nous sommes le mercredi 24 août 2016, Ariane 5 a décollé de la base de lancement de Kourou un peu après 19 heure avec quelques minutes de retard sur l’horaire initial. Et ce, à cause d’un rouge d’autorisation qui s’est déclaré juste avant les sept dernières minutes du décompte. Sept minutes après lesquelles les opérateurs humains ne peuvent plus annuler le lancement. Ce voyant allumé a permis une vérification complémentaire afin de s’assurer que toute personne humaine aux alentours de la piste était en sécurité. Pendant cette courte pause, le public, impatient, craignait fort de ne pas pouvoir assister à l’envol d’Ariane 5, les lancements étant régulièrement décalés pour diverses raisons. « Pour que le lancement puisse avoir lieu, il faut que toutes les conditions requises soient réunies. Le lanceur, les satellites et la base de lancement doivent être prêts. Les radars et les stations de télémesure doivent fonctionner. Le système de neutralisation aussi, dans le cas où nous serions obligés de neutraliser un lanceur défaillant », indique Pierre Lafuma, le directeur adjoint du Centre spatial guyanais. Cependant la majorité des lancements reportés le sont à cause des critères météorologiques. « Les deux facteurs qui doivent être pris principalement en compte sont les vents et le risque de foudroiement. Les vents en altitude sont étudiés afin d’éviter que les retombées se fassent sur des zones peuplées. Ils peuvent être prévus 48 heures avant le lancement. Par contre le risque de foudroiement se contrôle en temps réel car les cellules convectives [les masses d'air en mouvement pouvant amener à la formation de nuages orageux] évoluent constamment. Nous ne pouvons donc pas prévoir à l’avance si le lancement aura lieu ou non », complète le directeur adjoint.
Voilà Ariane 5 qui s’envole, avec à son bord les deux satellites Intelsat 33e et Intelsat 36. Ce sont les 57e et 58e satellites de l’opérateur Intelsat a être lancés par Arianespace. Ils permettront de répondre « aux besoins de connectivité à haut débit et de haute qualité des opérateurs de télécommunications, des entreprises, de l’aéronautique et de divers médias », indique le service presse d’Arianespace.
Un peu plus de deux minutes après le décollage, les étages d’accélération à poudre sont largués à moins de 100 kilomètres d’altitude et retombent. « Les boosters finissent dans l’océan, loin des routes maritimes. Il n’y a aucune récupération et réutilisation de ces matériaux. L’impact est minime car c’est une zone très profonde et les réservoirs sont vides. L’étage supérieur, quant à lui, se sépare des satellites plus haut en altitude, il ne retombe pas. Il est envoyé sur une orbite cimetière, où les satellites en fin de vie et les autres déchets de l’espace gravitent », explique Pierre Lafuma. Devant notre air dubitatif, il insiste sur l’absence de problème lié à cet orbite. « Il y a de nombreux déchets mais c’est un anneau de dimension gigantesque, nous ne manquons pas de place. »
Intelsat 33e se sépare 28 minutes après le décollage, Intelsat 36 se sépare quant à lui au bout de 41 minutes. Les deux satellites répondent, les opérateurs au sol confirment qu’ils fonctionnent. Dans la salle de contrôle Jupiter, les différents acteurs de cette mission sourient et se félicitent les uns et les autres. Un nouveau lancement réussi.
L’industrie spatiale anime de nombreuses problématiques, environnementales ou économiques, mais malgré cela un lancement reste toujours aussi impressionnant. Et nous sommes nombreux à faire le déplacement, que ce soit au centre spatial, où le public peut gratuitement assister au décollage depuis des zones rapprochées, ou sur les hauteurs et les plages de Guyane, pour observer ce spectacle.

Photo : CNES / Service optique vidéo