L’exposition Colonie  qui aura lieu à la Chapelle des Beaux-Arts de Paris du 05 novembre au 5 décembre 2015 présente le travail du photojournaliste Christophe Gin sur la Guyane qui a reçu le prix du 6Prix Carmignac du photojournalisme sur le thème des zones de non-droit en France. Quelques questions à Christophe Gin.

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Pourquoi ce titre Colonie ?
Si on se réfère au Larousse (Edition 2015), une colonie est un « territoire occupé et administré par une nation en dehors de ses frontières, et demeurant attaché à la métropole par des liens politiques et économiques étroits. » Or, d’un point de vue historique, la Guyane s’intègre dans l’histoire de France, comme colonie, au XVIIe siècle et le reste jusqu’en 1946, moment où elle obtient le statut de département français et où son dernier gouverneur devient… son premier préfet. Cette départementalisation ne concerne alors que le littoral. L’intérieur de la Guyane, appelé « territoire de l’Inini », se voit accordé le statut de « nation indépendante sous protectorat », une colonie dans l’ex-colonie en quelque sorte.

Ses habitants ne sont pas enregistrés dans les registres de l’état civil et n’ont donc pas les mêmes droits sociaux que les guyanais du littoral. Il faut attendre un nouveau découpage administratif de l’ensemble du territoire en deux arrondissements, Est et Ouest, en 1969, pour que l’intérieur soit intégré au département. Ses habitants vont être alors progressivement « francisés », à mesure que le système administratif pénètre à l’intérieur des terres. C’est précisément ce territoire difficile d’accès, à plusieurs jours de pirogue du littoral, que j’ai voulu montré dans ce reportage.

 

 

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Camopi, mars 2015 , Photo Christophe Gin

Pourquoi avoir choisi de travailler sur la Guyane et en quoi s’agit-il pour vous d’une zone de non-droit ?
J’ai un attachement certain pour la Guyane après y avoir travaillé pendant une dizaine d’années. J’y conserve de bonnes relations et de solides
amitiés qui m’ont permis de pénétrer des milieux légaux et illégaux et d’en appréhender les complexités. Je n’y vois pas un territoire sans loi mais bel et bien une région très normée, formée de zones d’exception et façonnée par la République. Ce territoire est un des derniers espaces de liberté qui s’est aujourd’hui transformé en zones de non-droit de la République.

Comment avez-vous procédé pour mettre en oeuvre ce projet ? Qu’avez vous voulu montrer et comment ?
Pour mettre en oeuvre ce projet, il était important d’éviter une vision manichéenne qui ne ferait qu’opposer les uns aux autres et s’arrêterait au constat des conséquences sans tenter d’en montrer les causes. J’ai donc décidé de me concentrer sur six communes caractéristiques par leur situation géographique et économique comme les deux villesfrontières de Saint-Georges de l’Oyapock, fleuve délimitant la frontière avec le Brésil, et de Papaïchton au bord du Maroni qui sépare la Guyane
du Suriname. Je me suis également rendu à l’intérieur de la Guyane, autrefois territoire autonome de l’Inini, où des villages tels que Camopi offrent le spectacle d’une population amérindienne totalement déracinée, perdue dans un système qui n’est pas le sien.

 

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Saint-Elie, avril 2015. Photo de Christophe Gin

Quel parti pris technique et artistique avez-vous choisi pour rendre compte
au mieux de cette situation ?
Le délai de réalisation du reportage, de décembre à mars, correspond à une petite saison des pluies en Guyane. Les fleuves sont hauts et praticables et favorisent l’activité à l’intérieur du territoire mais la lumière est plus compliquée, plus imprévisible avec une atmosphère très brumeuse. Je préfère travailler dans ces conditions en noir et blanc, ce qui me permet d’éviter l’exotisme facile et donne à voir les différents univers avec davantage d’unité. L’expérience de conditions de travail difficiles m’a poussé à choisir un appareil numérique 24 x 36 dont j’ai déjà éprouvé les capacités de résistance à l’humidité et aux chocs. Sur la forme, ma photographie est classique et sans emphase. Je veux proposer avec ce travail une photographie documentaire qui touche les antagonismes de la contemporanéité guyanaise.

 

Le Prix Carmignac de photojournalisme a été créé en 2009 pour soutenir et promouvoir le photojournalisme, et attirer  l’attention sur ces territoires centres d’enjeux géostratégiques majeurs. Cette année, le Prix s’est intéressé à la France et ses zones de non-droit. Christophe Gin a choisi la Guyane, terre française d’exploitation aurifère. Son travail est une immersion photographique au cœur d’une France dont nous n’avons jamais de nouvelles et où les lois de la République dissonent avec les réalités locales.

Comme chaque année, à l’issue du reportage de cinq mois dans la zone sélectionnée, le travail du lauréat du Prix Carmignac du photojournalisme, fait l’objet d’une exposition importante à la Chapelle des Beaux-Arts de Paris et de la publication d’une monographie. Le livre « Colonie » de 160 pages sera publié aux éditions Kehrer Verlag et disponible en Français et en Anglais.

35 photographies de Christophe Gin, regroupées sous le titre de Colonie, seront visibles du 5 novembre au 5 décembre 2015. L’exposition sera exceptionnellement ouverte le dimanche 15 novembre 2015 dans le cadre de la semaine de la photographie à Paris.
Chapelle des Beaux-Arts de Paris
14, rue Bonaparte
75006 Paris
du lundi au samedi de 11h à 19h
Entrée libre