Est-il possible d’établir une carte d’identité des grains d’or pour en caractériser voire en garantir la provenance géographique ? C’est la question qu’a soulevée le WWF dans le cadre du programme Traçabilité analytique de l’or (TAO) qu’il mène pour lutter contre l’orpaillage illégal. Sur la base d’une trentaine d’échantillons d’or guyanais, le Bureau de Recherches Géologiques et Minières (BRGM) a réalisé une étude dont les résultats sont prometteurs. Ces derniers montrent notamment qu’il est possible de distinguer l’or produit illégalement de celui issu des mines déclarées.
Pourquoi une traçabilité de l’or ?
Située sur un bouclier géologique vieux de plus de 2 milliards d’années, la Guyane est riche en ressources minérales. On estime son potentiel en or à un minimum de 200 tonnes sur les sites en exploitation actuellement. Deux filières minières se partagent aujourd’hui l’extraction aurifère : une filière officielle, employant environ soo personnes pour une production annuelle comprise entre 1et 2 tonnes, et un secteur illégal produisant environ 10 tonnes par an grâce à une main d’œuvre majoritairement clandestine pouvant compter jusqu’à 10 ooo « garimpeiros ».
Alors que les activités minières officielles sont encadrées et tentent de maîtriser leurs impacts environnementaux, les pratiques des orpailleurs illégaux sont particulièrement néfastes : destruction et pollution des cours d’eaux, émissions de mercure, absence de réhabilitation des sites après exploitation… ll est donc important de connaître l’origine de l’or commercialisé, et notamment de distinguer son origine légale ou illégale, afin de ne pas encourager le phénomène destructeur de l’orpaillage illégal.
Mais une telle traçabilité de l’or est un véritable défi : à l’heure actuelle, plus de 8o % des bijoutiers avouent n’avoir aucune information sur les conditions d’extraction de l’or qu’ils manipulent au quotidien. En outre, il existait jusqu’à maintenant peu d’outils d’analyse pour déterminer l’origine du métal à partir de ses propriétés physico-chimiques.
Comment caractériser un gisement par la chimie d’un grain d’or ?
L’étude menée par le BRGM est une première à l’échelle du continent sud-américain. Elle a porté sur près de trente échantillons issus de plusieurs sites géographiquement distincts, sur des gisements et des produits de différents types.
Le BRGM a eu recours a une palette de méthodes d’analyses physico-chimiques, depuis les observations microscopiques jusqu’aux analyses isotopiques les plus pointues, chaque méthode apportant des indices complémentaires. Par recoupements, il est possible de distinguer les différents sites d’exploitation et de définir des districts, zones d’activités minières présentant des signatures physico-chimiques particulières. Certains signaux subsistent même après une première fonte de l’or, laissant entrevoir un potentiel de traçabilité plus en aval des filières aurifères.
Les résultats de cette étude exploratoire sont prometteurs, comme le montre le test proposé par WWF France sur des échantillons aveugles. A côté des échantillons de provenance connue, cinq étaient fournis sans indication sur leur origine. Le BRGM a pu retrouver avec succès les provenances de ces cinq échantillons, sur la base de leur « carte d’identité » physico-chimique.
n est donc possible de discriminer l’or produit illégalement de celui issu des mines déclarées, en distinguant efficacement le recours au mercure que seuls les orpailleurs clandestins utilisent. Ces résultats laissent entrevoir des applications concrètes. Les enquêtes judiciaires en matière d’orpaillage pourraient notamment disposer d’un outil supplémentaire pour déterminer l’origine d’échantillons saisis, tandis que les opérateurs miniers pourraient valoriser leurs bonnes pratiques à l’aide d’une garantie d’origine contrôlée.
Photo WWF
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