Cartographie non officielle du Haut-Maroni

ou comment déjouer les dispositifs de contrôle pour approvisionner les camps d’orpaillage

Suite à la mise en place du poste de contrôle sur le Tampok, les transporteurs ont changé de stratégie : la voie terrestre leur garantit une discrétion bien plus grande vis-à-vis des gendarmes. Les marchandises destinées aux camps d’orpaillage clandestin de Guyane (carburant, machines, nourriture, vêtements…) sont donc acheminés depuis Bensdorp, plateforme logistique majeure des réseaux d’orpaillage, jusqu’à quelques sites plus en amont sur la rive surinamaise, en face des principaux départs côté français. Ce premier transport peut se faire en quad, via une longue piste qui part vers le sud depuis Bensdorp, ou bien en petit avion vers Yaoupassi ou Anapaïké. Lorsqu’elles ont rejoint les commerces de la rive surinamaise, les marchandises telles que nourriture et vêtements sont emballées de manière très caractéristique : des « paquets noirs » enveloppés de plusieurs épaisseurs de sac plastique, avec une grande quantité de chatterton. Ainsi, elles sont prêtes pour le transport en forêt, à dos d’homme… Une fois le Maroni traversé en pirogue, les marchandises rejoignent donc les circuits terrestres de Guyane. Une double piste de quad permet de contourner le poste de contrôle du Tampok par le nord, tandis qu’un layon pédestre le contourne par le sud, reliant le secteur de la Lipo-Lipo à celui du Haut-Tampok.Ce contournement bien organisé montre combien l’activité d’orpaillage illégal est adaptable et a su s’accommoder de nouveaux dispositifs de contrôle, malgré leur emplacement stratégique à première vue.

Du 16 au 19 janvier 2012, des représentants du bureau du WWF France en Guyane se sont rendus dans différents villages amérindiens du Haut Maroni (Kayodé, Twenké, Taluen, Antecume Pata), territoire du Parc Amazonien de Guyane. Ces visites ont permis de constater directement l’évolution de l’orpaillage illégal sur cette partie du territoire Guyanais.

Des contacts moins fréquents entre population locale et garimpeiros…

Hormis la situation au village d’Antecume Pata, la plupart des villages constatent des contacts moins fréquents avec les garimpeiros pratiquant l’exploitation aurifère illégale, ce qui pourrait suggérer une moindre pression de l’orpaillage illégal.

Il est d’ailleurs remarqué que globalement, les grands convois de ravitaillement fluviaux, transportant vivres, matériels, voire pelles mécaniques, se sont largement raréfiés ces derniers mois.

… qui s’expliquent par des nouveaux réseaux de ravitaillement.

Sur le terrain, il apparaît que cette baisse des contacts est moins liée à un recul de l’activité d’orpaillage illégal qu’au développement de nouveaux circuits de ravitaillement établis sur le Haut Maroni par les filières clandestines. Profitant de l’installation récente de commerces sur la rive surinamaise du Maroni, œuvrant comme véritables bases-arrières de l’orpaillage illégal, des centaines de porteurs convoient chaque nuit, par voie terrestre, le matériel nécessaire à l’exploitation aurifère illégale. Comme l’ont décrit de nombreux habitants, un maillage cohérent du territoire permet maintenant aux pratiques illégales de perdurer, rendant ces mouvements moins détectables que par les voies fluviales traditionnellement utilisées jusqu’alors. Les points de contrôle du dispositif Harpie sont donc régulièrement contournés par voie pédestre ou par piste de quad.

Le WWF a pu détecter, le mardi 17 janvier 2012, une turbidité forte sur la crique Lipo Lipo, zone d’usage des habitants de Antecume Pata. De même, la crique Waki et deux autres affluents du Tampock en amont du village de Kayodé, montraient ce mercredi 18 janvier 2012 les mêmes indices forts d’orpaillage illégal.

Pour illustrer l’évolution de cette situation, le WWF France met en ligne aujourd’hui sur son site www.nonalorillegal.fr , une vidéo réalisée en octobre 2011. Cette vidéo, à laquelle a participé Lucie Décosse, championne du monde de judo et native de la Guyane, présente la diversité des pratiques d’orpaillage illégal (orpaillage alluvionnaire, orpaillage primaire) que subit la Guyane.

Vers une approche transfrontalière du fléau ?

Dans le cadre de la visite présidentielle en Guyane, le WWF attend des engagements forts de l’Etat français en termes de coopération régionale avec le Suriname, ainsi que le maintien et le renforcement territorial du dispositif Harpie pour répondre au développement des réseaux terrestres d’approvisionnement.

Pour en savoir plus :

 http://www.nonalorillegal.fr/

Twitter : #orillegal

Photos Florent Taberlet WWF

Commerces installés sur la rive Surinamaise et alimentant les camps d’orpaillage clandestins en Guyane Française, comme en témoigne la présence de nombreux « paquets noirs » bien emballés, destinés au transport à dos d’homme.

 

Entretiens semi-dirigés avec la population locale. Ici, à Kayodé.

A proximité de la crique Lipo-Lipo, un dégrad utilisé pour les réseaux d’approvisionnement des camps d’orpaillage clandestin.

Parmi les conséquences de l’orpaillage illégal, un changement de régime alimentaire forcé pour les amérindiens.

Camp militaire surinamais récemment installé en face de Twenké. Parmi ses missions devrait figurer le contrôle des pirogues d’orpailleurs sur le fleuve Maroni.

Hotte de garimpeiro, utilisée pour le transport à dos d’homme en forêt.

Confluence de la crique Waki et du Tampok. La crique Waki présente une turbidité anormalement élevée, indice d’une activité d’orpaillage clandestin.

  • Commerces installés sur la rive Surinamaise et alimentant les camps d’orpaillage clandestins en Guyane Française, comme en témoigne la présence de nombreux « paquets noirs » bien emballés, destinés au transport à dos d’homme.