photo ulcèreL’ulcère de Buruli est une grave maladie cutanée due à une bactérie de la même famille que celles de la lèpre et de la tuberculose. Il sévit surtout en Afrique, mais aussi en Amérique du Sud où l’agent pathogène vient pour la première fois d’être identifié dans le milieu naturel.

Cette étude, menée en Guyane par des chercheurs membres du CEBA (IRD, centre hospitalier de Cayenne) en collaboration avec d’autres organismes, éclaire les modes de transmission et les risques d’émergence de la maladie, qui restent méconnus.

Deux laboratoires du CEBA ont contribué à cette publication : Maladies infectieuses et vecteurs : écologie, génétique, évolution et contrôle (Mivegec) et Épidémiologie des parasitoses tropicales (Epat).
Parmi les auteurs de la publication, se trouvent Aaron Morris (Mivegec/Université de Bournemouth, premier auteur, doctorant dont la thèse est soutenue par le CEBA), Pierre Couppié (Epat), Rodolphe GozlanDaniel Sanhueza,Rolland Ruffiné et Jean-François Guégan (Mivegec), tous membres du CEBA.

Qu’est-ce que l’ulcère de Buruli ?
Il s’agit d’une maladie tropicale négligée qui touche plus de 33 pays dans les régions tropicales et subtropicales, principalement en Afrique. Chaque année, 15 de ces 33 pays notifient entre 5000 et 6000 cas.
En 2010 en Guyane, 7 nouveaux cas d’infection ont été répertoriés, en relation avec la très faible densité de la population.

Cette infection nécrosante de la peau provoque des ulcérations importantes à l’origine d’incapacités fonctionnelles considérables et de rejet social. La chirurgie a été pendant longtemps le principal traitement de cette maladie.
Depuis 2004, les antibiotiques ont considérablement amélioré la prise en charge des patients, qui se font également dépister de plus en plus tôt.

La bactérie détectée dans des eaux stagnantes
Des cas d’ulcère de Buruli sont répertoriés en Amérique latine depuis la fin des années 1960, essentiellement en Guyane française. Mais jusqu’à présent, la bactérie responsable, du nom de Mycobacterium ulcerans, n’avait jamais été observée dans l’environnement sur ce continent. Pour identifier la niche écologique de ce micro-organisme et préciser comment il infecte l’homme, l’équipe de recherche a passé au crible 23 points d’eau douce naturels situés le long du littoral guyanais. Les chercheurs ont analysé au total 174 échantillons d’eau et de différents substrats issus de mares plus ou moins temporaires pour y déceler la présence de l’ADN de  M. ulcerans.
Résultat : quatorze sites ont été détectés positifs, dont cinq sans équivoque.

Les cours d’eau, source de contamination
L’étude souligne plus particulièrement le rôle prépondérant des facteurs hydrologiques sur les pics de la maladie chez l’homme. Lors des périodes de pluie, les eaux stagnantes contaminées situées en amont dans le bassin versant sont charriées vers les cours d’eau puis transportées vers l’aval, dans la région littorale, où se concentrent alors la bactérie. Selon ce scénario, la bactérie pourrait provenir du sol ou serait associée au système racinaire de plantes. Ainsi, le fleuve Sinnamary, situé au centre de la Guyane, constitue une source régulière d’infection. Mais les chercheurs observent une réduction significative du nombre de cas dans la partie aval de son bassin versant depuis la construction du barrage hydro-électrique de Petit-Saut dans les années 1990.

Évaluer le risque d’émergence
La compréhension de la maladie est à ce jour limitée. Les sources et modes d’infection ainsi que les interactions de la bactérie avec son milieu naturel restent à préciser. Une infection par contact direct avec la peau apparaît aujourd’hui très peu vraisemblable. Une transmission de la bactérie à l’homme par des piqûres de punaises aquatiques semble être une voie possible mais doit être confirmée. La nouvelle étude aide à mieux comprendre la distribution spatiale de l’agent bactérien dans l’environnement. Les chercheurs mettent désormais au point des techniques de dépistage à grande échelle de M. ulcerans, à l’aide de nouveaux outils bio-moléculaires, c’est-à-dire de détection de l’ADN.

Ces travaux permettront d’évaluer le risque d’émergence de l’ulcère de Buruli en Guyane, et plus largement en Amérique latine et de diminuer à terme les contacts homme-pathogène, grâce à la prise en compte du risque infectieux dans les projets d’aménagement et d’urbanisation. Dans la perspective d’une approche comparative, cette étude en Guyane est mise en parallèle avec des travaux similaires menés au Cameroun et au Bénin.

Lien vers l’actualité scientifique n°451 de l’IRD : http://www.ird.fr/la-mediatheque/fiches-d-actualite-scientifique/451-ulcere-de-buruli-la-bacterie-detectee-en-amerique-du-sud

Référence de la publication :
First Detection of Mycobacterium ulcerans DNA in Environmental Samples from South America
Aaron Morris, Rodolphe Gozlan, Estelle Marion, Laurent Marsollier, Demetra Andreou, Daniel Sanhueza, Rolland Ruffine, Pierre Couppié et Jean-François Guégan.
Revue Plos Neglected Tropical Diseases, 30 janvier 2014.

Pour accéder à la publication :

http://www.plosntds.org/article/info%3Adoi%2F10.1371%2Fjournal.pntd.0002660

Contacts :
Rodolphe Gozlan,chercheur à l’IRD et membre du CEBArudy.gozlan@ird.fr
Aaron Morris, doctorant au laboratoire Mivegec et à l’université de Bournemouth, amorris@bournemouth.ac.uk
Claire Lafleur, communication CEBA, claire.lafleur@labex-ceba.fr, tel : +594 (0)5 94 38 87 58