Depuis dix jours en Guyane, l’ensemble de la filière des socioprofessionnels de la pêche a cessé de sortir en mer. Par ce geste symbolique, elle entend rappeler un constat accablant : la majorité des eaux territoriales de Guyane échappe à tout contrôle. Une vérité longtemps minimisée, alors qu’elle impacte indifféremment ressource naturelles commerciales, et espèces menacées.

10 ans de constats.

En février 2003, le WWF organisait le premier survol aérien d’estimation de l’ampleur de la pêche illégale. Lors de ce trajet couvrant l’ensemble de l’Ouest guyanais, sur 15 navires identifiés, 12 étaient illégaux. Ces

« tapouilles », provenant des Pays voisins (Suriname, Brésil, Guyana), utilisent de longs filets maillants dérivants pouvant mesurer jusqu’à 10Km. Ces navires illégaux exploitent, selon l’Ifremer, entre 4000 et 8000 tonnes de ressources halieutiques par an, représentant ainsi 200% de l’effort de pêche officiel. L’acoupa rouge  (Cynoscion  acoupa),  principale  espèce  ciblée  et  importante ressource  économique  en Guyane, montre les premiers signes de surexploitation. Et encore récemment, aucun signe tangible d’amélioration : lors du dernier survol mené par le WWF, en mai 2012, 44 navires ont été répertoriés : seuls deux battaient pavillon français…

Un impact avéré sur les espèces menacées.

En parallèle au tort causé à la filière « pêche » de Guyane, ces flottilles illégales représentent aussi la pression la plus sérieuse sur les espèces marines menacées. Ainsi, les travaux menés conjointement entre le Comité Régional des Pêches de Guyane et le WWF ont montré que la tortue Luth (Dermochelys coriacea) est l’espèce la plus communément capturée par les filets maillants dérivants, suivie du Dauphin Sotalie (Sotalia guianensis). Mais si la tortue Luth souffre d’un taux de mortalité directe de 5% en cas de capture, le sort des dauphins est tout autre : 100% des dauphins capturés ont été retrouvés morts dans ces filets.

En parallèle, les autres tortues marines nidifiant en Guyane (tortues vertes et olivâtres) apparaissent aussi parmi les victimes de ces pratiques. Ainsi, et malgré les importants efforts de protection sur les plages, aucune avancée significative ne peut être aujourd’hui saluée en termes de conservation des tortues marines en Guyane, du fait du maintien de la pêche illégale.

En 2003, dans l’Ouest guyanais, 8 % des tortues luth montraient des blessures attribuables aux captures accidentelles.   En   2012,   plus  de  20 %   des  tortues  luth  contrôlées  portaient   ces  mêmes  traces caractéristiques, selon le CNRS IPHC.

Le changement, c’est maintenant ?

Le manque de souveraineté nationale dans les eaux territoriales françaises en Guyane reste basé sur des faiblesses récurrentes : des moyens nautiques lourds, et à capacité de déploiement limitée vers les zones frontalières. Parallèlement, un manque important de moyens légers demeure, alors même que la majorité des eaux territoriales affiche de faibles profondeurs.

Fin 2007, une opération d’ampleur baptisée « Tassergal » validée par le Premier Ministre, impliquant les administrations de la défense, de l’intérieur, de la justice, du développement durable, combinant moyens adaptés et coopération avec le Brésil, avait permis un net recul de la pression de pêche illégale. Sur la base de ce modèle, le WWF appelle à la mise en place d’une stratégie spécifique, réfléchie sur la durée, en complément des annonces récentes du Ministres des Outre-mer, et du ministre délégué aux Transports, à la mer et à la pêche.

En conséquence, le WWF renouvelle son soutien au Comité Régional des Pêches et des Elevages Marins de Guyane dans sa volonté d’un contrôle effectif des eaux territoriales de Guyane.

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