Une Saison en Guyane s’est associé cette année à l’expédition 7 ème continent, exploration qui avait pour objectif de se rendre à la voile sur le gyre situé dans l’océan Pacifique pour rassembler des informations et des données sur l’accumulation dramatique de déchets plastiques dans cette région. Découverte par hasard en 1997 par l’explorateur Charles Moore, une surface de déchets, grande comme 6 fois la France (soit 3,43 millions de km2) et pouvant atteindre 30 mètres d’épaisseur, continue de se former entre les côtes d’Hawaï et de l’Amérique du Nord. Dans cette région, les courants marins tournent dans le sens des aiguilles d’une montre et créent une spirale qui attire et rassemble les déchets, produisant leur accumulation depuis des années.

Après son grand voyage, le bateau a mis cap sur la Guyane. L’équipage a-t-il réussi sa mission ? Qu’a-t-il trouvé de nouveau dans les océans du globe ? Vous le découvrirez en partie en lisant ci-dessous le journal de bord de l’expédition 7ème continent. Et dans le prochain numéro du magazine nous reviendrons plus longuement sur ce périple.


Cap vers le 7e continent by CNES

Jeudi 23 mai 2013

11h00 du matin : Départ de Catalina Après avoir reçus et analysés nos fichiers météo, nous décidons de quitter Catalina pour Sain Clemente (petite île militaire située à 30 miles), pour avoir un aperçu des conditions de mer. Avant de partir, nous mettons pieds à terre pour compléter nos réserves d’eau et de gasoil et faire quelques courses. Catalina se situe à quelques miles de Los Angeles et toute la jet-set vient y passer ses week-ends. Nous comprenons vite que la vie est très chère dans ce repère de jetsetters américains. Nous pensons que la météo est effectivement devenue clémente en sortant de la baie. Mais après 10 miles parcourus, nous voilà dans des creux de 4 mètres avec un vent en rafales de 50 nœuds. Que faire ? On sait que le bateau lui va passer, mais nous savons aussi que l’équipage va être malmené… Nous décidons donc de faire comme prévu et de nous mettre à l’abri de Sain Clémente. Décidemment, les portes du Pacifique ne veulent pas s’ouvrir. A-t-il honte de la verrue que l’homme lui a plantée au milieu de son visage ? Nous jetons l’ancre dans une baie de l’île. Le vent doit faiblir fortement dans la nuit et rester calme pour les 3 jours qui suivent, nous reprendrons donc la mer demain matin.

Dimanche 26 mai 2013

Voilà maintenant 4 jours que nous avons quitté Catalina et 4 jours de mauvais temps !!! La météo ne nous a pas laissé de répit. Nous n’avons donc pas encore commencé nos manips, car la mer est trop inconfortable. L’océan a revêtu son manteau couleur d’acier. Super accueil du Pacifique !!! Cela doit être sûrement le prix à payer pour pourvoir avoir le laissez-passer. Dans trois jours, nous devrions être sur zone mais un peu au sud car la mer ne nous laisse pas le choix. Nous croisons les doigts pour que nous puissions faire une station demain comme prévue.

Aujourd’hui, avant la longitude 125° ouest, nous avons largués une bouée dérivante de la NOAA qui permet de caractériser les courants marins, ce qui sera intéressant afin de connaître les courants avant l’anticyclone du gyre. Nous avons péché une bonite, qui a été vite dépecée et Claire a pu faire une mesure des polluants à l’aide des capteurs du laboratoire des IMRCP de l’Université de Toulouse, que nous avons appelés  »bobis » (les petits Bob l’éponge).

Pour ce qui est de l’équipage, l’ambiance est bonne malgré les conditions difficiles et les quarts de nuit dans les embruns. Nous arrivons à manger comme il faut, grâce aux nombreux plats tout prêts que nous avions achetés et qui nous sauvent la mise par ce temps. Impossible de prendre une douche sans être malade ces derniers jours. Le capitaine, n’y tenant plus, nous a donné l’ordre, ce matin, de nous laver ! Ah, ces frenchies, fidèles à leur réputation !

Malgré le mauvais temps, nous avons fait de nombreuses de rencontres ces derniers jours : des groupes de dauphins et deux rorquals ont croisés notre route, ainsi que de nombreux oiseaux de mer, dont deux albatros, et cet après-midi des bateaux militaires japonais.

Lundi 27 mai 2013

Ce matin, petite accalmie sur l’océan, comme si celui-ci connaissait nos impératifs. Et oui, aujourd’hui, il fallait absolument faire notre première station de prélèvements, qui servira de témoin, avant d’entrer dans le gyre. Donc ce matin, réunion dans le cockpit pour mettre en place les protocoles scientifiques et l’ordre des opérations à mener. Étant donné l’espace réduit à bord, nous devons être très organisés. Nous commençons par les  »Bobies », qui doivent rester 2h dans l’eau, ensuite nous mettons la Gyroplastic et nous finissons par le filet Manta et le filet à plancton conique! Nous avions une belle guirlande derrière le bateau.

Le conditionnement des échantillons se fait très bien car la mer s’est calmée et les creux ne sont plus que de 1 à 2 mètres. Pourvu que cela dure! Nous avons péché notre deuxième poisson. Un thon qui a aussitôt été mesuré et rempli de capteurs par Claire, filmé par Soizic et dépecé par notre « captain », Les. Plus de pêche avant d’être sur zone.

Pour l’instant, très peu de déchets en visuel, et de micro plastiques dans les filets. Il nous tarde d’en savoir plus une fois sur zone.

La routine s’installe à bord pour atteindre notre point final, le gyre qui se trouve encore à deux jours de navigation. Le filet manta sera mis à l’eau tous les jours, mais pour le reste (bouée gyroplastic et bobies), nous ne ferons que deux stations une fois dans le gyre.

Ensuite, commencera notre retour vers la terre…

Mardi 28 mai 2013

Position : 30°33 N 130° 03 W Nous sommes enfin dans le courant du Gyre. À notre grand étonnement, nous croisons plusieurs bateaux, dont des porte-conteneurs et des pétroliers. Nous qui pensions la zone désertique !! Nous remorquons maintenant tous les jours notre filet Manta pour collecter un maximum d’échantillons. Ce matin, nous n’avons rien trouvé qui ressemble à du plastique dans le filet. Par contre, nous avons rencontrés nos premiers macro-déchets plastiques : 5 bouées et un morceau de filet de pêche. Les bouées, chargées d’anatifes, étaient si lourdes que nous n’avons pas pu les monter sur le bateau !

Elles vont surement finir par couler et atterrir dans les grands fonds océaniques. Combien de déchets finissent ainsi ? Le fond du gyre doit être une vraie poubelle. Ce serait très intéressant d’aller y faire quelques images. Mais pour l’instant, nous nous concentrons sur notre objectif.

Ce matin, des photos satellites ont été faites au-dessus de notre bateau. À leur lecture, un signal inconnu a été détecté. On nous a donc demandé d’ouvrir grand nos yeux afin d’identifier ce que cela pourrait être ! Ces choses se situent dans notre zone de navigation. Alors, vigilance ! Il pourrait s’agir des déchets du tsunami de Fukushima qui ne devraient pas être loin d’entrer dans le gyre.

200 miles nous séparent maintenant de notre point de demi-tour. Nous aurons alors atteint le 134° ouest. C’est déjà une belle performance, – petite association, petit budget mais grande ambition – et pourtant notre parcours représente la taille d’un cheveu sur un terrain de basket. On se sent tout petit, le pacifique est immense.

Allez… demain nous serons encore plus près de notre but. Courage.

Jeudi 30 mai 2013

Depuis neuf jours que nous sommes partis, en cette nuit du 30 mai pour la première fois le bateau est quasiment à l’arrêt. A l’intérieur une chaleur insoutenable s’installe. A l’extérieur « no wind ». Le Pacifique est soudainement devenu un lac. Il est deux heures du matin, nous sommes dans le cœur du vortex.

Strange! dirait le capitaine….. Le bateau est enveloppé dans un épais brouillard. La scène est digne d’un film de «Pirates des Caraïbes». Le voyage touche à sa fin, nous sommes à la latitude 30°N et la longitude 134°W. C’est comme si le bateau n’avait plus envi d’avancer et de nous dire que c’est là. Là l’endroit que nous sommes venus chercher et montrer au monde. Nous y passerons la nuit dans une ambiance un peu glauque. Au matin le brouillard se lève timidement, afin de nous permettre la mise en place notre dernière station au cœur de la bête. Sur un email de Danielle, nous apprenons que la bouée Gyroplastic n’a pas émis de signal depuis la première station! Effectivement après vérification de celle-ci aucun voyant ne s’allume. Coup dur pour l’équipe. La bouée devait caractériser la colonne d’eau des stations. Apres plusieurs coups de téléphone satellite aucune solution ne sera trouvé. Nous effectuerons la station sans elle, hélas. Apres la mise en place du dispositif, nous commencerons à relever le filet Manta au bout de 1h00 de traine. Pas de surprise, le filet est rempli de plastique….

Vendredi 31 mai 2013

Nous sommes sur le chemin de retour, nous traversons une mer agitée. L’équipage va bien mais la navigation reste inconfortable… Nous allons donc faire le dos rond jusqu’à lundi ou nous météo s’améliore.

Samedi 1er juin 2013

Notre retour sur le continent est un peu mouvementé. La météo est moins clémente qu’a l’allée.

Nous faisons le dos rond encore 24 h et cela sera le beau temps jusqu’à Oceanside. Le moral reste bon mais nous serons plus bavards quand le temps sera au beau.

Dimanche 2 juin 2013

Le pacifique nous a giflé. Avons-nous été trop curieux en son égard? Ou trop sure nous? En tout cas la note a été salée : 3 jours de très mauvais temps!! 4-5 mètres de creux et un vent en rafales de 45 nœuds la nuit dernière. La météo elle ne prévoyait que des vents de 20-30 nœuds! Ces 24 dernières heures ont été les pires : nous avons dû progresser en fuite avec pour seule voile la trinquette. De toutes façon nous n’avions rien d’autre : la tempête a déchiré la grand- voile et abimé le génois. A l’intérieur, nous étions malmenés comme dans un manège de foire. Dans ces conditions, le moindre déplacement devient compliqué ; quant à se faire à manger, n’en parlons pas ! Merci les soupes chinoises ! Au jour d’aujourd’hui la tempête se termine et nous revivons normalement. A cause de notre changement de cap, nous nous trouvons un peu Sud, ce qui veut dire un jour de mer en plus. Mais le moral reste bon car nous avons le soleil, toutes les prévisions météo annoncent du beau temps pour les 5 jours qui viennent et si le vent manquait nous avons une autonomie de gasoil suffisante pour regagner bon port. Demain, quand la houle aura définitivement disparue, il faudra recoudre la grand-voile et changer le génois par une voile neuve de secours qui se trouve dans le bateau. Nous devrions toucher terre dans la nuit de mercredi ou jeudi matin. Après trois semaines de mer, nous rêvons tous d’un bon repas, d’un bon lit et d’une bonne douche chaude.

En vidéo

Vous pouvez également visionner une vidéo de l’expédition sur le Journal De l’Espace du CNES (Centre national d’études spatiales) :

http://www.dailymotion.com/video/x10e3ju_cap-vers-le-7e-continent_tech#.Uaiya1LfN8E

A noter que le CNES, partenaire de cette première expédition française, y a contribué de plusieurs manières. En finançant une partie de la mission, en fournissant des ressources humaines, en guidant l’expédition à partir des données de Mercator Ocean, en réalisant des images de la mission avec le satellite Pleiades ainsi qu’en fournissant une bouée Gyroplastic, construite par des élèves ingénieurs de l’ICAM (Toulouse) dans le cadre d’ArgoTechno (projet éducatif Argonautica du CNES) et en relevant ses données, dont l’analyse s’effectuera au retour de l’équipage.