Le theâtre est plongé dans une pénombre tout juste éclaircie par quelques lumières. Sur scène, dix chaises vides sont disposées en arc de cercle. En fond, une ambiance sonore suggère la vie sur l’Oyapock : les bruits de la forêt amazonienne et du fleuve frontière, le chant des coqs des villages….Le temps s’arrête quelques minutes.

Puis les musiciens s’installent, la scène s’éclaire, ils jouent.  Un son intense et continu nous envahit, il est impossible de distinguer les instruments traditionnels des contrebasses et vents du quatuor No Tongues, il y a juste cette longue plainte dense qui s’accélère, se transforme pour disparaître brutalement.

Nous ne savons plus où nous sommes et où ce voyage va nous mener, mais nous avons conscience que l’on vient de nous entrouvrir une porte secrète, celle du royaume des traditions ancestrales des populations Teko et Wayãpi de Guyane Française. Mais pas seulement.

Ainsi débute le spectacle « Oyapock », sur cette ouverture magistrale qui résume à elle seule la force de cette création collective entre le quatuor nantais, et les musiciens de Camopi et de Trois-Sauts : une heure de découverte d’un spectacle aux sonorités troublantes, fruit d’un travail d’une rare délicatesse.

Délicatesse dans la composition du quatuor, qui a su percevoir l’essence de cette musique amérindienne et l’habiller avec subtilité pour l’amener vers l’univers du jazz et de la musique contemporaine, sans jamais la dévorer ni en dénaturer sa forme mélodique particulière (chants de « l’appel des jeunes filles, « les étrangers sont arrivés ») ou sa puissance rythmique répétitive et guerrière.

Mais qui a également compris que cet art va bien au-delà et englobe aussi un rapport particulier à la Nature et au monde. Ce lien nous apparait notamment grâce à un habillage sonore discret mais aussi à l’exploration des capacités des instruments « classiques » à évoquer les sons du fleuve (tapping, beat-box…) .

Délicatesse des musiciens Teko et Wayapi, qui nous livrent une partie de leur patrimoine culturel immatériel, habituellement réservé au cercle privé de chaque communauté, à travers des chants, contes et  danses accompagnés ou non par des instruments traditionnels aux sonorités rudes et envoûtantes (flûtes, tambour, percussions).  Ils nous démontrent également que leurs traditions sont bien vivantes, contemporaines, et que leur présence sur scène est avant tout artistique.

Délicatesse enfin dans la forme du spectacle, qui intègre des temps d’explication sur la naissance du projet, nous présente les musiciens et nous livre la signification et le contexte de chaque scène jouée ou chantée.

On ressort d’ « Oyapock » galvanisés d’avoir assisté à la naissance d’une musique étrange, unique et intemporelle et confortés par l’idée que la musique a ce magnifique pouvoir de nous rappeler certaines valeurs de l’humanité: le respect mutuel et la beauté du collectif.

 

IMG-20191216-WA0010

Dates :

vendredi 14 décembre 2019 (theatre de Macouria), samedi 14 décembre (Soula), lundi 16 décembre (centre social Makandra de Mana)

Musique No Tongues : Ronan Courty, Ronan Prual, Matthieu Prual, Alan Regardin, Mathieu Fisson, Alexis Tenaud

Traditionnel Teko & Wayampi : Jacky Pawe, Jules Yawalou, Jean Etienne Couchili, Jean-Baptiste Breteau, Joachim Panapuy, Jammes Panapuy

« Voilà 4 ans que No Tongues explore les traditions vocales du monde. En août 2018, le quartet nantais part avec ses instruments et son matériel d’enregistrement en Guyane, à la rencontre des Amérindiens Teko et Wayampi dans les villages de Camopi et de Trois-Sauts, sur le fleuve Oyapock.

De retour en France hexagonale, ils créent « Les Voies de l’Oyapock » à partir des sons collectés lors de leur séjour, où les musiques contemporaines et improvisées rencontrent les techniques vocales et instrumentales amérindiennes ancestrales. 

De retour en Guyane, No Tongues poursuit l’échange avec les musiciens rencontrés, ce qui donne lieu à une nouvelle création. Avec OYAPOCK,  No Tongues invite les artistes amérindiens à partager la scène autour d’un lexique sonore mêlant tradition et modernité, habité par le pouls du fleuve  » theâtre de Macouria