Le bourg de Mana, fondé entre 1828 et 1833 par la Mère Anne-Marie Javouhey, supérieure de la congrégation de Saint-Joseph-de-Cluny, s’est développé selon un plan orthogonal. Le plan directeur de 1847 délimite des îlots réguliers divisés en parcelles égales. On accédait au bourg par la rivière Mana, accueilli par l’église Saint-Joseph et les manguiers de la place de la mairie, quand aujourd’hui l’accès se fait par la route grâce à la construction d’un pont ouvert en 1990.
La découverte de gisements aurifères sur la Moyenne- et la Haute-Mana dans les années 1870 fit augmenter de manière notable la population du bourg, les activités commerciales et donc la construction d’édifices. Les sociétés d’import-export établirent des succursales dans le bourg ; la location de « chambres garnies » se développa. Le bourg fourmillait alors d’activité en lien avec l’extraction minière et forestière.
Un siècle plus tard, plus de 100 maisons privées jalonnent encore les ruelles de Mana : maisons d’exploitant aurifère, maisons de commerce et de rapport, maisons familiales à rez-de-chaussée. Le bourg, malgré les vicissitudes du temps et de la modernité, conserve le nombre le plus important d’édifices de style créole après Cayenne.
Les principes constructifs reposent sur l’usage général du bois comme élément porteur et de remplissage : une ossature en bois assemblée par tenons et mortaises chevillés, à murs en planches montées à clin, en torchis armé de gaulettes ou en brique, est assise sur une maçonnerie basse hors-sol. Une symétrie dans la composition favorise la ventilation et l’esthétique. Les larges débords des toitures protègent de la pluie et des ardeurs du soleil. La cuisine, les sanitaires et les lieux de stockage se trouvaient dans des dépendances derrière le corps principal de la maison. Un puits maçonné assurait l’alimentation en eau douce potable. La menuiserie et la charpenterie furent des savoir-faire techniques particulièrement mis en œuvre à Mana : impostes à claire-voie, balcons à balustres en bois tourné, persiennes sur vantaux, par exemple, rendent uniques chaque édifice. Le travail artisanal du bois est renforcé et souligné par des jeux de polychromie, là aussi uniques à chaque édifice, entre intérieur et extérieur, entre éléments porteurs et baies ou remplissage.

Notons plusieurs édifices protégés au titre des Monuments historiques : l’église Saint-Joseph, le presbytère et la maison des sœurs sont classés depuis 1987 et 1989 ; la maison Médaille, rare exemple d’édifice à trois niveaux, et la maison Epailly sont inscrites depuis 1995.
Le maintien, l’entretien et la conservation de cette architecture, qui se dégrade très vite, constituent un enjeu patrimonial, paysager, touristique et identitaire prépondérant face aux besoins domestiques, sociaux et urbains contemporains auxquels il faut répondre. Un projet d’aire de valorisation de l’architecture et du patrimoine est à l’étude.

Texte de Kristen Sarge
Photos Jean-Paul Leclercq, Pierre-Olivier Jay