Version Originale

En Wayana

Texte recueilli au Parou

Ëlukë teihe uhpak tamo tom ekalëi. Ëtïpenapo pitë eihe Asimiliku. Molo pitë eihe. Molo pitë eihe. Molo tumëkhe Wajana, Apalai Asimilikupoinë. Tïtëi mëje lon kom «wajana wai ikaimotala, » tumëkhe lep : Kalalan, kalalan, kalalan topon tïkai. Malonme « ehh uwamame » tïkai. Hepï tïkai, hepï, tëwekïlïmai, talëna Asiki kumta.

« Ën talë wahe », tïkai ëlukë pepta. Tëhe mëklë, tïkai, hepï.
« Et me voici » disait la Chenille en attendant la proie pour la dévorer.

Tëhenatkai Wajana, Apalai nïmëlï. Tëhe, tëhe:
« Ehh Wajana kenatkaimëtëu. Ee » tïkai Apalai. Tëhepane. Henetatëupa, tïkai.

Malonme wajana tïtëi heijelëinë. Molona : « Eee këhepatëu, » tïkai Wajana.

« Eh, malonme tënei (hemele mëklë ëlukë).

Malonme tumëkhe malalan, malalan: « Menejahe mëhe kënatkatëu » tïkai. Masike kan kënatjatëi » tïkai.

Apalai mëklë Wajanaja uhmoi lep, tïtëi lep Apalai uhmoi lep, Wajana uhmoi lep.

Tëhenemai. Asila tëtukhe, tïme tëtukhe onotjawëla ëhmelë.

Malonme tumëkhe tot. Tïjalamtëi he man tïkai, Apalai tïjalamtëi he man. Malonme tïjalamtëi. Ïpïjak Wajana tïjalamtëi etatome ïpïjak.

« (Më) ïtëk. Maa, tïkai mëklëja. Ulaphakmatënuja. Tïhtïh tululun tïkai mëklë. »

Malonme tumëkhe « kalalan, kalalan » tïkai ekïnpë. Malonme mëklë tuwëi.

Tati tati tati tuwëi. Tunakwatak ailë topon (tïkai). « ëëëë talanme nelïk(ï) » tïkai « mëklë Apalai. Talanme kutuwëtëu, tïkai ».

Malonme tumëkhe Tulupele pëinëkëimë enïjak. Tamu Apalaija akename tënei, tïpikai Apalaija. Eh, tïpikai Apalaija. Ëtïkela Apalai tom kaptë ; wama walë. Malonme wajana tïtëi, kama, katpëpona wajana tïtëi. Tïtëi wajana kaptëla.

Apalai waluhma kaptë, humuli tïkaphe. Wama tïkaphe ëhmelë Apalai tom. Wajana mïhen. Uwa Wajana wëlïham ïtëla tëkulephe.

Hunwa tamo ekalëi, apta wai.

Traduction

Mon grand-père raconta l’histoire de la Chenille Tulupele.
Les Wayana et les Apalaï voulaient aller vers le rocher appellé Asimiliku, mais dès que l’un d’eux partait, il disait « être un homme mort », car personne ne revenait de là-bas. En fait, à l’approche du lieu, un Ara criait «kalalan kalalan», prévenant de l’ arrivée des gens à la Chenille géante qui y vivait. Celle-ci descendait du rocher, plongeait dans le fleuve Asiki et dévorait ceux qui y passaient.Les Wayana et les Apalaï disparaissaient ainsi à cet endroit.

« Les Wayana nous massacrent » disaient les Apalaï, « Comment pourrions-nous traverser cet endroit? Allons voir ce qui s’y passe !»Les Wayana, eux, partirent la-bàs en disant : « nous allons trouver celui qui Nous tue» (en pensant peut-être aux Apalaï).Ils virent enfin la Chenille géante.Elle arrive, malalan, malalan ! « Tu vois, c’est elle qui nous massacre. C’est pour cela que nous disparaissons » dirent-ils.Les Wayana et les Apalaï voulurent se battre, mais décidèrent finalement de tuer la bête ensemble.Nous allons jeûner pour la tuer. On ne doit pas manger chaud, mais froid et ne pas se couvrir de roucou.Ils arrivèrent au fleuve Asiki. Les Apalaï décidèrent de couper du bois pour faire une barrière, depuis le rocher jusqu’au fleuve.

« Faisons une barrière ! » dirent-ils. Ils en firent une d’un coté du rocher et les Wayana une autre de leur coté.Allons-y ! s’écrièrent ensemble les Apalaï et les Wayana: Voilà la bête couverte de tâche ! tïtïtïtï tululunL’ Ara, qui pourrait rester sans maître, arriva et chanta kalalan, kalalan.Le Tulupele fut tué par une pluie de flèches et tomba dans l’eau.

« Ahh, il est peut-être enfin mort. Nous l’avons peut-être tué », dirent les Apalaï.Le Tulupele reapparut à la surface de l’eau, au niveau d’un puits boueux appelé« gros cochon bois ». Les Apalaï le virent en premier et le dépecèrent. C’est pour cela qu’ils savent faire de belles vanneries à motifs, ils les ont trouvés sur la peau du Tulupele. Ils connaissent l’arouman. Les Wayana arrivèrent après et n’ ayant plus de peau décorée, ils repartirent sans ces motifs.Les jeunes femmes Apalaï savaient tresser des paniers pour ranger du piment boucané. En effet, elles maîtrisaient l’art de la vannerie. Hélas, les jeunes femmes Wayana, elles, ne savaient pas tresser de vanneries.Voilà l’histoire racontée par mon grand-père.

L’ art de vanner  à motif

par Atajumale, Mataliwa & Eliane Camargo

La Guyane fait preuve d’un grand savoir-faire dans l’art de la confection de l’arouman. Les différents peuples amérindiens en sont des spécialistes. Des récits souvent mythiques révèlent son origine, à l’image du texte précédent. Ce mythe raconte que les Apalaï et les Wayana, autrefois des ennemis, se sont partagés un savoir-faire : celui de tresser l’arouman grâce à des motifs figurant sur la peau de Tulupele. Celle-ci serait une bête monstrueuse qui dévorait des membres de ces deux groupes lorsqu’ils devaient traverser l’embouchure de l’Asiki, un affluent du fleuve Parou (Brésil). Les Apalaï et les Wayana tuèrent ensemble le monstre, dont la peau était décorée avec de superbes dessins. Les Apalaï, rusés, dépecèrent la partie décorée de la peau. Les Wayana, arrivant après, ne trouvèrent plus aucun motif. Les Apalaï, déjà façonneurs, tréssèrent l’arouman tout en reproduisant les motifs de cette peau.

Il est à noter que la fin du récit peut se différencier selon l’appartenance ethnique du narrateur. La présente version est relatée par un Wayana du Parou qui déclare que ce sont les Apalaï qui se sont appropriés les plus beaux dessins, alors que ce même récit raconté par un Apalaï présente une version opposée : ce seraient les Wayana qui auraient pris les plus sublimes motifs. Ce changement de rôles fait partie des politesses formelles ainsi que des conduites subtiles des traitements sociaux entre ces deux groupes, tissant des liens grâce à un partage de savoir-faire.

L’origine des motifs tressés sur les vanneries est donc, pour ces groupes, la reproduction des dessins de la peau de la bête. Selon différentes versions, celle-ci peut être une chenille, un lézard ou un anaconda, appelée ëlukë selon les uns et Tulupele selon les autres.

En Guyane,  la population des Apalaï et Wayana est inférieure à un millier d’individus, dont moins d’une cinquantaine d’Apalaï

Illustration de Marine Cotteny
farine13@hotmail.fr
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