Le président de la Collectivité et Mme Y., l’élue en charge de l’éco-résilience ont assisté hier, à Saint-Laurent, au démantèlement de la dernière centrale thermique au fuel de Guyane, dont les moteurs dataient de 2031.

Le président de la Collectivité, n’avait pu faire le déplacement, mais avait tenu à ce que son hologramme apparaisse aux côtés de Mme Y. Il affichait une mine profondément émue. « À l’heure où notre électricité est produite en grande majorité par un mix d’énergies locales et bioresponsables (90 % solaire, hydraulique et biomasse (bois certifié “gestion durable”), mais aussi éolien et biogaz, Ndlr.), c’est une page de notre histoire qui se referme. C’est pour ma part un moment particulier, empreint d’une certaine nostalgie », a déclaré celui dont le père a travaillé toute sa vie dans la centrale électrique autrefois gérée par EDF. Transférée à la Collectivité il y a près de 10 ans, sa gestion posait depuis problème, et elle était devenue un véritable gouffre financier suite aux derniers krachs pétroliers et à l’augmentation des taxes sur les carburants carbonés.

Pour se rendre dans la capitale économique, Mme Y. avait de son côté tenu à emprunter un dirigeable de la Compagnie de Transports Gonflables de Guyane, afin d’apporter son soutien à l’entreprise publique qui traverse actuellement une période difficile, en raison d’un renchérissement récent du coût du biogaz produit à Macouria. Selon Mme Y., cette hausse du tarif est intimement liée à la loi de restriction sur les défriches périurbaines votée par le gouvernement précédent, et qui visait à réduire la déforestation abusive des aménagements dédiés à la construction de logements. Les déchets végétaux récoltés lors des opérations immobilières constituent en effet une grande partie de la matière fermentescible utilisée pour la production du biogaz qui alimente les aéronefs, mais aussi les deux centrales électriques de Montsinéry. De fait, une option de réorientation vers la méthanisation des déchets de la commune pour alimenter les dirigeables serait actuellement à l’étude, selon une personne proche du dossier.

Pendant le trajet, l’élue s’est fortement passionnée pour ce moyen de transport qu’elle a avoué utiliser pour la première fois. « Ça nous permet de reprendre contact avec notre environnement, nous qui restons enfermés toute la journée dans l’air bioconditionné. C’est ça l’écorésilience ! », s’est-elle enthousiasmée. « Quand on est en charge de telles problématiques au sein du gouvernement, on se doit d’être soi-même exemplaire », ajoute l’élue, par ailleurs actionnaire de la coopérative citoyenne de vente d’électricité verte Guyagreen, et qui se targue d’être chez elle entièrement autonome en énergie grâce à un système de batteries à nanofils d’or. « De l’or recyclé à partir de smartwatches usagées », précise-t-elle en montrant fièrement la montre qui enserre son poignet. L’élue est en effet connue pour s’être fermement opposée, il y a quelques années, à l’extraction de l’or et du pétrole en Guyane. Ces nouveaux systèmes d’accumulateurs semblent en tout cas apporter une réponse convaincante aux voix écologistes qui se sont élevées contre les nouvelles implantations de champs de batteries à base de lithium ou cobalt pour stocker une partie de l’énergie produite en Guyane. Comme nous l’expliquions dans le dernier supplément week-end, la dernière installation en date, sur la parcelle de la savane Matiti, est toujours occupée par quelques activistes qui bloquent l’accès aux batteries, sources selon eux de pollution et de conflits géostratégiques pour l’accès aux minerais (sic).
Et puis l’énergie était à l’ordre du jour hier, puisqu’à Taluen était inaugurée la première centrale photovoltaïque de rechargement de batteries. Elle devrait être capacité de recharger une centaine de moteurs électriques de pirogue par jour. La commune amérindienne, détachée administrativement de Maripasoula depuis à peine un an, prend ici son avenir en mains après avoir toujours refusé que la route du fleuve Saint-Laurent-Maripasoula se prolonge jusque sur ses terres. Elle reste aujourd’hui un exemple de gestion autonome de l’énergie pour la Guyane et le reste de l’Amérique du Sud, avec une production électrique totalement basée sur la biomasse et le solaire, et entièrement gérée par ses habitants organisés en coopérative. Six autres centrales de ce type devraient à terme voir le jour au sein des autres communes du fleuve d’ici cinq ans. De quoi relancer peut-être ce mode de transport devenu aux yeux de beaucoup comme fondamentalement désuet.

Article de 2048 par Laurent Pipet
Illustrations par Jean-Pierre Penez,  les étudiants DPEA et DSA -L’île de Cayenne, un archipel ville-nature autosuffisant / Quel modèle soutenable pour accompagner l’accroissement démographique
à l’horizon 2040 ?