App storeLe magazine BD présente depuis 30 ans, les auteurs de la BD réunionnaise, entretien avec Appolo, rédacteur en chef.

Comment est né « Le Cri du Margouillat », quel est le projet éditorial ?
Le Cri du Margouillat est né en 1986, nous étions alors tous lycéens ou étudiants à Saint-Denis, à l’initiative de deux personnalités, Boby Antoir enseignant et passionné de bd, et Michel Faure, dessinateur reconnu installé à la Réunion, qui avaient eu l’idée à l’époque complètement folle de créer un journal de bd à la Réunion.
Je pense qu’au début il s’agissait juste de créer un support pour que des jeunes puissent publier les BDs qu’ils griffonnaient dans leur coin. Mais en fait, c’est rapidement devenu autre chose : c’est vraiment une bande qui s’est formée et qui, d’une certaine manière, a grandi ensemble. On faisait de la BD, on discutait de cinéma, de rock, de livres, de politique, et le journal est devenu l’un des lieux de la modernité créole et urbaine qui naissait dans les années 80 et 90.

Est-ce que cette histoire réunionnaise pourrait avoir lieu dans d’autres territoires ultramarins et comment le favorisé ?
Je ne connais pas bien les contextes culturels des autres territoires, mais c’est vrai qu’il y a eu à la Réunion un truc autour de la BD qui n’a pas eu lieu ailleurs. Il y a plusieurs explications : d’une part la Réunion est le territoire le plus peuplé de l’Outremer, ce qui est un avantage en termes de création culturelle puisque cela signifie un lectorat plus important, ensuite il y a une ancienne tradition du dessin voire de la BD à la Réunion (ce n’est pas vraiment étudié, mais nous l’avons découvert au fur et à mesure) et puis, tout simplement, je pense qu’il s’agissait d’un concours de circonstances, de rencontres qui se sont faites. Ce qui me semble déterminant pour la création, c’est de ne pas être seul : il faut un groupe, une émulation.

 Est-ce que la BD pourrait faire évoluer les clichés qui pèsent sur l’univers Outremer ?
Pour le Margouillat, il ne s’agissait pas tant de s’adresser à un public extérieur qu’à un public intérieur. Nos BDs étaient souvent en créole, ou traitaient (maltraitaient en fait) des sujets locaux. On ne s’est intéressés à la question de la représentation de l’île à l’extérieur que bien plus tard, quand plusieurs d’entre nous ont décidé de publier des albums au niveau national. On s’est pointés chez les éditeurs parisiens avec nos histoires réunionnaises, et ça a marché ! Alors oui, j’espère que mes BDs, par exemple, donnent un point de vue nouveau sur la Réunion aux lecteurs extérieurs.