Forçats et Pierrotins. A la naissance de Montjoly.

Lorsque le 8 mai 1902 la ville de Saint-Pierre est ravagée par l’éruption de la montagne Pelée, ce sont des familles entières qui sont décimées. Certains des survivants choisiront alors de partir reconstruire leur vie en Guyane française.

PAVILLONS EN HERBE 

Le 8 mai 1902 au matin, Saint-Pierre, la plus grande ville de la Martinique (30 000 habitants), est rasée en quelques minutes par l’éruption de la montagne Pelée. Le gouverneur de Guyane est prévenu le soir même par câblogramme. La nouvelle va alors rapidement se diffuser. Convoqué le lendemain matin au siège du gouvernement, le maire de Cayenne Henry Richard se souviendra plus tard : « Dès mes premiers pas dans la rue, je fus fixé sur le terrible sinistre, des groupes, des personnes isolées me suivaient dans ma marche, demandant s’il était vrai que la ville de Saint-Pierre était détruite par le volcan ». La population est informée « à son de caisse » par une proclamation du chef de la colonie lue publiquement dans les principaux quartiers de Cayenne : « Bientôt l’immensité du désastre ne faisait plus de doute, les rues se remplirent d’hommes et de femmes en vêtements de deuil, les pavillons furent mis en berne et les drapeaux se cravatèrent de crêpe » (Journal officiel de la Guyane française, 17 mai 1902).
Une souscription publique est très rapidement ouverte pour venir en aide aux victimes de la catastrophe. « Tout le monde peut donner », annonce le maire de Cayenne dans le journal de la colonie : « L’obole des petits, comme les louis d’or des grands, sera reçue avec le même empressement par le secrétaire du bureau de bienfaisance ». Le 17 mai, la somme de 43 125 francs a été recueillie pour les sinistrés de la montagne Pelée. Dans le même temps, une commission est nommée afin d’examiner les moyens les plus pratiques de procurer du travail et un établissement en Guyane pour les Martiniquais qui seraient disposés à émigrer. Le député de la Guyane Henri Ursleur s’empare immédiatement de ce projet. Dans une lettre adressée au ministre des Colonies, il écrit qu’après une telle « calamité publique », il ne sera pas possible de rebâtir Saint-Pierre, « entièrement rasée par le feu ». Il suggère, « sans pousser le pessimisme jusqu’à conseiller l’évacuation de l’île entière », d’engager les habitants des communes les plus voisines du volcan à quitter ces lieux dangereux. Le Député ajoute que la Martinique a déjà pléthore d’habitants et que la meilleure solution serait d’envoyer les sinistrés en Guyane, dont le développement a, selon lui, toujours été « paralysé » par la faible population – la Guyane compte alors 33 000 habitants, dont plus de 7 000 bagnards. Une Commission administrative nommée en juillet 1902 établit un premier projet comportant l’installation, sur des domaines situés dans le quartier de Matoury, de 400 agriculteurs de la Martinique. La Commission fournira encore moult rapports avant que les événements n’accélèrent les choses. Début septembre, le journal officiel de Guyane annonce une nouvelle éruption de la montagne Pelée : celle-ci anéantit le village du Morne-Rouge et la région alentour, faisant plus d’un millier de morts et plusieurs centaines de blessés.

KOUROU OU TAHITI ?
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