Il y a 11 ans, débutaient les premiers tournages de la série franco-anglaise Death in Paradise  en Guadeloupe. Le Bureau des tournages cherchait à l’époque un produit phare pour stimuler la production régionale. Une opération séduction réussie. Death in paradise  réalise en ce moment

Après deux ans “d’opération séduction”, les tournages de la série franco-anglaise, “ Death in paradise”, débutent en 2011, en Guadeloupe. Sur les plages et dans le bourg de Deshaies, s’agite un nombre important de techniciens et d’acteurs aux accents anglais. Tony Coco-Viloin se souvient, il était à l’époque responsable du Bureau des tournages de l’archipel (ouvert en 2008), une structure rattachée au réseau Film France, assurant la promotion des lieux de tournage. « Quand j’ai commencé en tant que commissaire, j’ai constaté que chaque territoire doté d’une commission avait un produit phare, “ Plus belle la vie ” pour Marseille, “ Candice Renoir ” pour Montpellier, il fallait que nous aussi nous trouvions quelque chose qui nous ressemble au niveau des décors, des costumes et bien sûr des possibilités », se souvient Tony, qui ciblait une production étrangère pour renforcer l’atout de la Guadeloupe, celui d’être en zone américaine. « Géographiquement, les Américains sont nos premiers concurrents. Il fallait que l’on tire profit de cette proximité. » Tony Coco Viloin tracte alors les États-Unis, aux côtés de Film France, le service attractivité du CNC, le Centre national du cinéma. À cette même période, une production anglaise s’intéresse à la Caraïbe.

Tenter sa chance auprès de la BBC

L’équipe de  Death in paradise  est en repérage à Sainte-Lucie, une île du Sud de la Caraïbe. Elle cherche un décor de paradis « ennuyant », des paysages sans relief, des plages de sable blanc pour correspondre au scénario. L’histoire, l’inspecteur de la police britannique Richard Poole est envoyé sur Sainte-Marie, une île (fictive) des Caraïbes, pour enquêter sur le meurtre d’un officier de police. Après avoir résolu le crime, sa hiérarchie lui demande de rester sur l’île pour remplacer le policier tué. S’ensuit une série d’énigmes à élucider. À Sainte-Lucie, le décor « était trop accidenté, le contingent de techniciens et les possibilités d’hébergement n’étaient pas à la hauteur », raconte Tony, satisfait de pouvoir tenter sa chance auprès de la BBC. Car les Anglais testent la Dominique, mais l’absence de commission de film ne les rassure pas et ils s’intéressent alors aux Antilles françaises et à leurs paysages paradisiaques.
« C’est là qu’on a compris le sens de la commission », ajoute le responsable du Bureau des tournages que l’on appelle communément le BAT. Absents aussi en Martinique, les Anglais s’orientent directement vers la Guadeloupe. Se concrétise alors le jeudi de séduction aux côtés de Red Planet, société de production télévisée fondée par Tony Jordan et du fournisseur de matériel de lumière Transpalux, tous les deux déterminés à faire venir la production anglaise sur l’archipel. Il s’agissait de transformer la visite des Anglais en contrat de production et surtout de le renouveler chaque année. Car la concurrence est grande. Pour rappel, dans le monde, il existe plus de 400 commissions de film.

Un accompagnement financier

Face aux exigences de la BBC et de Francetv, tous les deux coproducteurs de la série, le responsable du Bureau des tournages de Guadeloupe propose un repérage sur les plages de Sainte-Anne, mais le site est selon eux trop touristique. À Capesterre-Belle-Eau, l’offre d’hébergement n’était pas à la hauteur. Le coup de cœur s’opère à Deshaies pour les plages de sable orange. Les tournages de Death in paradise ont alors commencé dès 2011*. « L’équipe anglaise avait tout intérêt à venir sur un territoire français, puisqu’ils avaient comme co-producteur France Télévision, et puis ça permettait à Red Planet de récupérer un crédit d’impôt international [assez rare à l’époque], grâce à l’accompagnement de Film France et du CNC, sans oublier l’aide de la Région Guadeloupe avec une subvention de 400 000 euros par an, commente Gnama Baddy Degga, prestataire local de la série, en 2011, avec sa société Sytek. « À ce moment-là, on avait récupéré le matériel des studios Taïnos d’Alain Maline en Guyane, connu pour son film ‘’Jean Galmot, aventurier’’. Cela a aidé à attirer les Anglais, avec tous les atouts secondaires, comme les ressources humaines disponibles sur place, l’hébergement facile avec l’hôtel Fort Royal de Deshaies et l’absence d’embouteillage sur cette commune ». Gnama Baddy Degga qui a su répondre aux besoins de la production étrangère, selon Tony Coco Viloin, notamment en représentant localement le matériel du groupe Panavision, apprécié des Anglais, s’est vu gérer la production exécutive dès la seconde année, avec sa boite de production Skyprod. Un contrat qui aura duré 10 ans. C’est désormais Romain Lancel, ancien associé de Baddy Degga qui assure la suite depuis la 11e saison avec la filiale SAS Skyprod DIP.

100 millions de téléspectateurs dans le monde

Ce sont tous ces éléments réunis qui ont convaincu la BBC. « L’intelligence du territoire, c’est d’avoir su montrer ses capacités à s’adapter au scénario et aux besoins économiques. On est en plein dans la magie du cinéma, car en regardant ‘’Death in paradise’’, on découvre l’île de Sainte-Marie, sans reconnaître la Guadeloupe », raconte Tony Coco-Viloin, rappelant cependant que la Guadeloupe « est citée au moins une fois dans chaque épisode. C’était la règle dans le cahier des charges. Dans l’histoire, l’archipel est le territoire des experts contactés par les enquêteurs. Et cet engagement a été respecté au moins jusqu’à la saison 8 », assure l’ancien responsable du BAT.
La série génère en moyenne 500 emplois par saison et donc par an, selon les derniers chiffres de la filiale, SAS Skyprod DIP. Une production franco-anglaise tournée en Guadeloupe et suivie par 3,5** millions de téléspectateurs sur France TV, 8 millions en prime time sur la BBC, pour un total de 100 millions de téléspectateurs à travers le monde.

Bénédicte Jourdier
Photos Death in Paradise – BBC

*correspondant à 6 % du budget total dépensé en euros sur le territoire.
**prime time, en rediffusion en langue française.