Insatiables, gouvernements et sociétés pétrolières s’attaquent aux dernières régions sauvages de la planète. Selon une étude parue dans Environmental Research Letters, depuis 2008 l’espace total dédié aux concessions pétrolières et gazières dans l’ouest amazonien a augmenté de 150 000 km2 pour atteindre aujourd’hui plus de 730 000 km2, soit l’équivalent de la superficie du Chili. Extraits de l’article du site mongabay.com (4/02/15).

« L‘industrie des hydrocarbures ouvre de nouveaux fronts au cœur de l’Amazonie. Il faut réfléchir à l’impact des routes dans le cadre d’un plan stratégique de développement », déclare Matt Finer, auteur de l’étude et membre de l’Amazon Conservation Association. La construction de routes par les sociétés pétrolières et gazières est considérée comme le principal moteur de la déforestation, en particulier dans les régions encore vierges. Toute nouvelle voie d’accès est synonyme de destruction : exploitation forestière illégale, sur-chasse, agriculture sur brûlis, colonisation… « Dans l’ouest amazonien, il existe au moins 35 réserves d’hydrocarbures qui ne sont pas encore exploitées, et ce nombre risque de croître. Si on construit sur chaque site un nouveau réseau routier, les dernières terres sauvages amazoniennes pourraient être menacées», précise Finer à mongabay.com. Actuellement, les blocs d’extraction ne concernent que 7% du total, ce qui signifie que la plupart des blocs situés dans l’ouest amazonien (Pérou, Colombie, Équateur, Bolivie et Brésil notamment) ne sont pas encore exploités.

Depuis 2008, la Bolivie représente à elle seule près de la moitié des nouveaux blocs pétroliers et gaziers dans la région. En outre, comme l’Équateur, elle autorise même l’extraction de combustibles fossiles dans les parcs nationaux. « La Bolivie distribue énormément de nouvelles concessions d’hydrocarbures au cœur de son territoire amazonien…. Actuellement la campagne d’exploration du puits Lliquimuni s’achève. [En cas de succès], cela changerait la donne avec pour la première fois la mise en valeur d’un grand projet pétrolier en Amazonie bolivienne », poursuit Finer.

Toutefois, les impacts de la production de pétrole et de gaz pourraient être atténués, si gouvernements et concessionnaires envisageaient d’exploiter les gisements amazoniens en mode offshore. « Selon ce modèle, la forêt est un océan où le transport par route devient impossible, et la plate-forme de forage une île accessible uniquement par hélicoptère et/ou par voie fluviale aussi bien pour les équipements que pour le personnel, explique Bruce Babbitt, co-auteur et ancien secrétaire américain de l’Intérieur, associé au Fonds Blue Moon. Ce modèle « vertueux » est déjà utilisé sur un projet de gaz naturel au sud du Pérou et sur un certain nombre d’autres sites, selon les auteurs. « L’étude présente de nombreux exemples concrets du modèle offshore terrestre », déclare Babbitt. « Maintenant, les gouvernements et les sociétés doivent s’engager à suivre ce modèle de développement et cesser de construire des routes au plus profond de l’Amazonie. »

Cesser de construire des routes au plus profond de l’Amazonie
Cependant gouvernements et sociétés renâclent à adopter le modèle offshore. En 2007, l’Équateur s’était engagé à ne pas construire de routes pour accéder au bloc 31 dans le parc national Yasuni, site qui, selon certains experts, présente la plus forte biodiversité au monde. Mais l’année dernière l’imagerie par satellite a révélé que la société d’État Petroamazonas avait construit une route parfaitement carrossable le long du pipeline. L’histoire pourrait se répéter avec le bloc ITT (Ishpingo-Tambococha-Tiputinin) de ce même parc national Yasuni, un des projets les plus controversés dans le monde. L’Équateur s’était engagé à renoncer à son exploitation si, en compensation de la perte financière, la communauté internationale s’acquittait de la moitié des revenus escomptés, soit 3,6 milliards de dollars. Mais en 2013, l’Équateur a fait volte-face prétextant que l’argent ne rentrait pas assez vite.
Même si ces projets sans routes limitent considérablement les préjudices portés à l’environnement, ils ne mettent pas pour autant un terme aux problèmes posés par l’industrie pétrolière et gazière dans la région : conflits avec les communautés locales et autochtones, pollution, augmentation des émissions de gaz à effet de serre…

Titre original : The Amazon’s oil boom: concessions cover a Chile-sized bloc of rainforest (Jeremy Hance / mongabay.com)
http://iopscience.iop.org/1748-9326/10/2/024003/article [Environmental Research Letters 10, no. 2 (2015)]

Photos réalisées par Nicolas Quendez http://www.nicolas-quendez.com