Vue d’avion ou du sommet d’un inselberg, la forêt est uniforme. Les cimes forment un tapis monotone qui s’étend à perte de vue, mais dissimule une mosaïque. Plusieurs types de forêts cohabitent sur un même secteur, forêt de bas-fond, de colline, ripisylves… Au sein de chacune la répartition des essences d’arbres n’est ni homogène ni aléatoire. Elle est le résultat d’une dynamique profonde, animée par de nombreux facteurs : caractéristiques du sol, évolution du climat, événements météorologiques locaux, exigences de germination des graines – certaines demandent l’ombre des sous-bois, d’autres le soleil des chablis… Dans certains cas quelques espèces d’arbres poussent en grande densité : les palétuviers de la mangrove, les palmiers pinots des bas-fonds, les manils marécage des forêts inondées. Le plus souvent les individus d’une même espèce sont éloignés les uns des autres. Si la floraison est abondante et synchrone, des taches colorées apparaissent dans la canopée. Tous les individus d’une espèce sont visibles, dévoilant leur nombre et leur emplacement. Deux critères, les modes de dispersion des graines et la dynamique des chablis, interviennent dans la répartition des arbres et dans la composition spécifique des forêts.

La dispersion des graines

Fixées par le système racinaire, les plantes ne se déplacent pas. Celles qui y parviennent ne parcourent que des distances modestes (ce sujet est détaillé dans le livre de Francis Hallé “ Éloge de la plante, pour une nouvelle biologie ”). Afin de pallier leur ancrage, la plupart des plantes se déplacent sous forme de graines, parfois très loin du pied d’origine. Autour des graines, elles produisent des fruits qui permettent le déplacement. Les fruits emportés par le vent sont en duvet ou à ailettes. Ceux qui voyagent avec l’eau sont de bons flotteurs imperméables. Ces deux vecteurs ont cependant leurs limites. Le vent entraîne les graines dans une seule direction et n’est vraiment efficace que pour les arbres dominants. L’air calme du sous-bois ne porte pas les fruits sur de grandes distances. De son côté, l’eau fait parcourir des distances parfois considérables aux graines (les noix de coco peuvent traverser des océans), mais ne coule pas partout. Elle recueille difficilement les fruits, les emporte dans le sens de son écoulement, et les dépose dans des milieux auxquels peu d’espèces sont adaptées : bords de rivière, forêts inondées ou littorales… Les plantes utilisent donc un troisième moyen de transport : les animaux. Très mobiles, ils sont présents partout. Ils offrent aux plantes l’avantage d’une dispersion générale et parfois lointaine : plusieurs centaines de mètres à plusieurs kilomètres. Ils assurent le transport de deux types de fruits : certains, rares en Guyane, s’accrochent aux poils ou aux plumes et tombent à l’occasion d’un mouvement brusque ou d’une toilette. Les autres, beaucoup plus communs, sont les fruits à pulpe. Les animaux les mangent, digèrent la pulpe, et rejettent les graines soit en les régurgitant, soit en les déféquant.

La frugivorie, une relation entre plantes et animaux
Suite réservée aux abonnés…