Carole Ostorero – Conseillère régionale
Laurent Kelle – Responsable bureau WWF-Guyane
Christiane Taubira – Députée de Guyane
Patrick Monier- Président de Maiouri Nature Guyane
Marc Laffineur  - Secrétaire d’Etat auprès du ministre de la Défense et des Anciens combattants

Le 1er janvier 2012, le Schéma Départemental d’Orientation Minière (SDOM) est entré en vigueur malgré un rejet par les décideurs locaux (la Région a par ailleurs demandé une habilitation et des compétences sur la filière mines). La fin 2011 a été marquée par des passages diplomatiques crispées entre la Région et l’Amapá au sujet de l’orpaillage clandestin.
Une saison en Guyane a interrogé Carole OSTORERO (conseillère régionale déléguée aux ressources naturelles, forêt, pêche, économie sociale et solidaire & secrétaire de la Grappe OrKiDé1, Christiane Taubira (Députée de Guyane), Laurent Kelle (responsable bureau WWF-Guyane), et Patrick Monier (président de Maiouri Nature Guyane).

Carol OSTORERO

  • 6e conseillère régionale déléguée aux ressources naturelles, forêt, pêche, économie sociale et solidaire.
  • Siège à la commission des mines.
  • 3ème vice-présidente à la chambre de commerce, présidente de la commission Industrie. Secrétaire de la Grappe OrKiDé
  • Gérante de la société Meca’Deal (maintenance et réparation d´engins lourds)

1 /Comment expliquez-vous les difficultés pour mettre en place une revalorisation de la redevance aurifère ? Si les députés ont voté l’augmentation de la redevance aurifère au cours de l’examen du projet de loi de finances pour 2012 en octobre 2011, reste que cette revalorisation est minime.

Carole OSTORERO : A l’initiative de la profession depuis les années 2000, la profession avait fait une proposition d’indexer la redevance au cours de l’or par palier, ça semblait plus logique puisque le cours était en hausse. Vous me demandez pourquoi cette volonté commune traîne ? Je suis heureuse qu’enfin il y ait eu un rehaussement de la redevance mais je déplore qu’elle ne tienne pas effet de la hausse du prix de l’or.

Il existe la taxe sur la biodiversité qui est en vigueur depuis 2011 et qui est payée uniquement par le professionnel et destinée à la région et qui sert à l’observatoire de la biodiversité  [cette taxe due par les petites et moyennes entreprises est affectée à la région Guyane et, à compter de la création de l'organisme chargé de l'inventaire, de la valorisation et de la conservation de la biodiversité en Guyane, pour moitié à la région et pour moitié à cet organisme. La taxe versée par les autres entreprises est affectée à la région de Guyane et, à compter de la création dudit organisme, à hauteur des trois quarts du montant à la région de Guyane et à hauteur du quart du montant à cet organisme.]. La redevance minière elle est dédiée au département et aux communes.

2/ Quelle est votre sentiment sur l’outil de planification qu’est le schéma minier ?

Carole OSTORERO : [Long soupir] Sa conception ne satisfait personne, ni les professionnels, ni les collectivités qui ont rendu un avis défavorable dans le cadre de la consultation publique. Déjà c’est le premier point, il est majeur à mon sens. Créer un outil et ne pas arriver après une année de concertation à l’unanimité c’est un échec. L’argent, les personnes mobilisées pendant autant de temps … c’est un échec.

[Carol Ostorero cherche une copie du Sdom sur son bureau et ouvre à la page du préambule] En préambule du Sdom [schéma départemental d'orientation minière] et à maintes reprises dans le Sdom, il est écrit que le Sdom n’aura de valeur d’efficacité qu’à la condition qu’on éradique l’orpaillage clandestin. Donc déjà la condition numéro une on ne peut pas l’atteindre, donc après le reste il est ce qu’il est.

On gèle des espaces sans savoir pourquoi ; les procédures qui suivent les décrets aux règles de la biodiversité ne sont pas conformes aux règles internationales qui permettent de classer les sites.

Quant à la partie minière c’était un instrument à l’attention et pour le développement de la ressource minière et ce n’est pas le travail de fond qui a été fait, bien au contraire.

3/ A l’heure actuelle, la commission des mines est une chambre d’enregistrement, cette instance de concertation ne devrait elle pas plutôt être le lieu d’un choix « démocratique » ?

Carole OSTORERO : Oui je n’y vois pas d’opposition, en revanche, pour pratiquer la commission depuis sa création je pense qu’il est important que chacun donne son avis dans son rôle. Tout le monde ne peut pas intervenir sur tout, il y a des points techniques, financiers. Aujourd’hui il est vrai que c’est difficile car chacun s’exprime en voulant aborder tous les sujets et ce n’est pas forcément judicieux dans le sens où tout le monde ne maîtrise pas les sujets. Qu’il y ait des opérateurs miniers, on peut le comprendre, la collectivité dans le sens de sa politique et qui permette aux associations de l’environnement d’être plus proches de la question minière et découvrir des choses et faire avancer des choses. De par leur présence, il y a une plus grande prise en compte de l’impact sur l’environnement. Mais il ne faut pas que ça devienne un frein.

L’administration (DAF,DEAL …) devrait avoir moins de voix. On sent fortement son poids, à ce titre, on peut ouvrir plus, mais après il faut aussi que les personnes inscrites soient présentes.

4/ Depuis près de 20 ans (directives de 1992) l’exploitation aurifère en lit mineur est interdite en France et en Europe, que pensez-vous de cette pratique guyanaise, non compatible avec les standards actuels ?

Carole OSTORERO : La règlementation autorise l’exploitation en lit mineur, elle l’interdit dans des circonstances précises, comme près des carrières, des lacs.

5/ Concernant la cyanurisation, le parlement européen a demandé en 2010 à la commission européenne de produire une Directive d’interdiction de l’utilisation de cyanure dans l’exploitation aurifère, qu’en pensez-vous ?

C.O. :  Moi je suis absolument défavorable à l’interdiction car c’est la seule façon d’extraire l’or. On n’a pas d’autres possibilités. C’est une pratique, une industrie qui est particulièrement bien encadrée, maîtrisée, je ne vois pas pourquoi il y aura une interdiction en Europe, en France. A 99%, le code minier prévoit que le titulaire des permis s’assure systématiquement des meilleures techniques disponibles pour récupérer l’or dans la terre. Dans le monde on ne sait pas faire sans la cyanurisation, il faut démystifier, si on ne démystifie pas c’est sûr qu’on ne va pas y arriver.

6/ Comment expliquez-vous la lenteur du Brésil pour ratifier l’accord binational relatif à la lutte contre l’orpaillage dans les zones protégées ?

Carole OSTORERO :Le problème de l’activité minière illégale remonte aux années 80 lorsque le gouvernement brésilien, suite à la découverte par le monde de l’exploitation de la Serra Pelada [un tolé mondial en 1986 fait suite à la publication d’un reportage du photojournaliste brésilien Sebastião Salgado qui s’était rendu sur cette mine illégale du Pará où étaient asservis des milliers de travailleurs à l'exploitation illégale aurifère]. Le gouvernement brésilien a été montré du doigt et du jour au lendemain il a fermé tous les sites illégaux mais il n’a pas mis en place de plan social, de reconversion. Ils n’ont rien fait et son rentrés dans un processus, comme le fait le Sdom, à geler toutes les zones pour qu’il n’y ait plus d’accès aux exploitations artisanales.

Ces personnes [petits exploitants, main d’œuvre] ont du poursuivre pour leur survie et celle de leur famille et sont allés au Vénézuela, au Guyana puis en Guyane française peu à peu et ils se sont rendus compte que c’était plus facile car nous ici nous avions la gentillesse, on demandait aux gens de regagner la frontière.

Aujourd’hui on comprend que si on a entre 15 000 et 20 000 garimpeiros qui produisent une quinzaine de tonnes, ça fait 600 millions d’euros de chiffre d’affaire par an – on imagine bien que quand cette manne financière arrive en Amapá puis à São Paulo personne n’a envie de ratifier cet accord. Ceci dit on constate qu’on renforce la pression sur les légaux en pensant que ça va régler le problème des illégaux. L’accord n’est pas de nature à régler le commerce illégal.

Pour moi la seule manière de régler ce problème c’est que le gouvernement fédéral mette à disposition une importante surface aux artisans et qu’il revoit sa législation minière pour faciliter l’accès des garimpeiros à la mine. Pour ceux qui se trouvent en Guyane, les professionnels pourraient les accompagner dans la baisse de l’impact environnemental en leur montrant les pratiques guyanaises. Pour cela il faut que le gouvernement français ait le courage d’aborder cette question et jusqu’à présent ça n’a jamais été fait. Diplomatiquement, donner des leçons de morale à ce grand pays, personne n’ose le faire.

7/ L’industrie minière guyanaise passe encore outre les autorisations administratives (autorisation d’ouverture des travaux miniers, autorisation sur les installations classés, législation sur les déchets miniers), qu’en pensez-vous ?

Carole OSTORERO : Pas du tout, il ne peut pas y avoir une exploitation qui passe outre une autorisation, en revanche vous avez plusieurs textes en vigueur pour des situations équivalentes selon que la demande ait été faite il y a plus de dix, quinze ans et donc on relève d’une réglementation de l’époque. Ça n’est pas spécifique à l’industrie minière mais dans tous les domaines.

En terme de prescription sur le terrain les choses se lissent, ce n’est pas parce qu’une entreprise est sur une ancienne réglementation que les dispositions ne s’appliquent pas, parce que quand la DRIRE (direction régionale de l’industrie, de la recherche et de l’environnement, aujourd’hui refondue dans la direction de l’environnement, de l’aménagement et du logement) contrôle, elle contrôle selon les articles en vigueur du code de l’environnement, à ce moment, tout s’efface, se lisse. C’est sûr que certaines sont exonérées pendant un certain temps des demandes administratives qui coûtent cher mais après dans la pratique ce n’est pas parce qu’elles n’ont pas ces demandes … tout le monde se retrouve au même niveau.

Laurent KELLE

  • responsable bureau WWF-Guyane

1/ L’imprégnation du mercure sur le milieu soulève de nombreuses interrogations et craintes, les connaissances scientifiques à ce sujet ont-elles été étoffées par de nouvelles études ?

Laurent KELLE :  Sur la Guyane les études à notre connaissance ont toujours donné une interprétation en fonction des scientifiques. L’imprégnation sur les fleuves, surtout sur le Haut Maroni est très importante. Ce qui est sûr c’est que l’échantillon est faible, il s’agit seulement d’études sur quelques centaines de personnes ce qui ne permet pas de mettre en corrélation directe l’imprégnation et l’impact sur la santé. Les populations du fleuve ciblées par les études n’étant pas assez nombreuses, on ne peut pas aboutir à un plus grand échantillonnage. Le problème étant que les scientifiques comparent les échantillons prélevés sur le Maroni avec un échantillon témoin de l’Hexagone. S’il est avéré que le mercure a un effet tératogène, scientifiquement sur la Guyane cette certitude n’a pas été tranchée.

Ce qu’on note, c’est que l’imprégnation existe, toutes les études scientifiques montrent qu’il y a une imprégnation avérée avec des conséquences sur l’homme et la faune. Le WWF a fait des études similaires dans les pays voisins [Guyana, Surinam] et a pu révéler une imprégnation au mercure sur le milieu. On a montré au Guyana que les premiers touchés sont les orpailleurs eux-mêmes. Le mercure est toujours légal là-bas, au Guyana notamment le taux d’imprégnation par les acteurs de l’or est très important. Aujourd’hui une campagne d’information du WWF est menée à destination des orpailleurs du Guyana, on n’est plus seulement sur une communication sur l’environnement mais sur une mise en garde pour la santé. [Cette campagne de communication a été décidée en collaboration avec l’association des mineurs artisanaux du Guyana, officialisée par la signature d’une convention début novembre 2011].

2/ Lorsque l’on pense à l’empoisonnement par le mercure, on pense aux populations du Haut-Maroni, mais n’y a-t-il pas d’autres populations qui pourraient être touchées ? On pense à ces fleuves orpaillés comme l’Approuague par exemple.

Laurent KELLE :  Il serait en effet intéressant de calculer le taux d’imprégnation de carnassiers comme l’aïmara pour affiner nos connaissances. Par exemple, tous les six mois, mettre en place un système de veille qui permettrait de faire la différence entre la contamination résiduelle et anthropique pour voir si l’imprégnation du mercure est généralisée sur l’ensemble du territoire. Car jusqu’à présent seule une partie des populations a été concernée par ces études mais on n’est pas certain qu’il n’y ait pas d’autres groupes concernés. Vous parlez de l’Approuague, c’est une hypothèse qui ne peut pas être écartée selon nous.

3/ Le 7 avril 2010, l’Assemblée nationale ratifiait l’accord franco-brésilien relatif à la lutte contre l’exploitation aurifère illégale dans les zones protégées ou d’intérêt patrimonial. Au Brésil, cet accord n’est toujours pas ratifié par le Sénat et le Parlement. Alors même qu’il avait été signé par les présidents Lula et Sarkozy le 23 décembre 2008. Quels sont vos commentaires ?

Laurent KELLE :   Il y a une forte réticence que tout le monde connaît sur cet accord binational signé de part et d’autre de l’Oyapock. Ça n’a été fait côté français qu’en avril de cette année [2010] malgré tout l’intérêt et la motivation de la France et de la Guyane. Il ne faut pas s’étonner que ça prenne plus de temps côté Brésil. Le problème c’est que le Quai d’Orsay n’a pas de représentant en Guyane qui lui permette de suivre de près ce dossier. On est là confronté à un flou artistique du rôle de chacun. Le préfet Ferey [préfet de Guyane de février 2009 à avril 2011] en avait parlé lors d’un déplacement au Surinam, évoquant la complexité inhérente au fonctionnement français.

L’autre explication sur cette lenteur de ratification de l’accord par le Brésil c’est le manque d’intérêt qu’il a sur la question. Il n’a pas d’intérêt direct à la signature de cet accord, car il en découlerait beaucoup de contraintes pour lui hormis en terme d’image. On a l’impression que les dysfonctionnements actuels conviennent tout à fait à certains élus de l’autre côté de l’Oyapock. Pour nous, le bénéfice pour ces garimpeiros est loin d’être démontré. Ils sont amenés par des réseaux de passeurs qui leurs font croire monts et merveilles, mais en fait ils sont amenés à travailler de longs mois voire de longues années seulement pour rembourser leurs dettes. Le système est bien organisé, avec des dizaines de milliers de ressortissants qui se retrouvent à travailler sur l’or illégal du Plateau des Guyanes, ils sont les premiers perdants de ce dispositif.

D’ailleurs début décembre un chercheur spécialisé va venir à l’appel du WWF pour aider à mieux comprendre les leviers d’intervention de l’orpaillage illégal. Il va réaliser une étude portant sur les acteurs qui gravitent autour de l’or illégal pour voir comment le système a pu perdurer. Il commencera son étude en Guyane.

4/ Pensez-vous que la pression grandissante impulsée publiquement par le président de région au cours du 4e trimestre 2011 sur les autorités de l’Amapá pourrait faire avancer la ratification de l’accord binational par le Brésil ?

Laurent KELLE :  Oui il est important que les grands élus de la Guyane se mobilisent sur la question. On a vu Taubira [Christiane Taubira, députée de Guyane] s’emparer des questions d’ordre réglementaire. Sur l’illégal, on salue la position du président de région qui a su dire ce que tout le monde sait mais que personne ne dit, à savoir que les ficelles sont tenues en Amapá. Il ne s’agit pas de cristalliser telle ou telle population mais il est sain de dire les choses. On avait l’impression que cela faisait partie des choses tabous entre la France et le Brésil.

Pour nous au WWF cette question diplomatique reste de la responsabilité pleine et entière de l’Amapá et de la France qui ont un rôle moteur à jouer sur le Plateau des Guyanes. Le problème étant que les centres décisionnels du Brésil sont loin du dossier, tout comme la France pour la Guyane.

5/ Comment expliquez-vous les difficultés pour mettre en place une revalorisation de la redevance aurifère ? Si les députés ont voté l’augmentation de la redevance aurifère au cours de l’examen du projet de loi de finances pour 2012 en octobre 2011, reste que cette revalorisation est minime.

Laurent KELLE :  Ça montre bien que tous les dispositifs d’encadrement restent archaïques, ils remontent à des époques où le taux de l’or variait peu. Plus globalement, ça appelle au besoin de remise en ordre de toute la question via notamment le schéma aurifère avec une meilleure répartition des vocations des zones.

La question de la taxation est évidemment pour nous un levier du point de vue environnemental ou du développement de la Guyane. Aujourd’hui on parle de l’or comme d’une réponse économique mais on n’a pas de vrais modèles qui permettent de dire si les retombées concerneraient le territoire guyanais. C’est souvent le cas avec les industries extractives. Les bénéfices sont pour les grosses multinationales. Certes le volet fiscal est important mais ce qui nous intéresse c’est de savoir dans quel schéma économique ce volet s’inclut en termes également de formations. Il est nécessaire de mieux estimer les ressources et de les exploiter le moins rapidement possible car le cours de l’or augmente et aussi parce que les technologies évolues. Les états d’esprits évoluant, la Guyane continuera à contribuer à des méthodes moins impactantes avec de vrais chantiers à améliorer comme la réhabilitation, la revégétalisation des sites exploités. Une vision à long terme inciterait à une amélioration de la taxation qui se base sur la quantité d’or extraite.

6/ N’est ce pas un mauvais signe pour une éventuelle future redevance pétrolière ?

Laurent KELLE :  La ministre du budget s’est engagée à donner une réponse courant 2012.

7/ Vous dénoncez l’absence de mesures objectives du niveau d’impact ?

Laurent KELLE :   Il n’y a  pas d’interlocuteurs ni d’informations officielles. Alors qu’on a montré qu’il est possible de mettre en place un observatoire de cet impact sur le territoire ce qui permettrait de suivre les pratiques aurifères à l’échelle des Guyane notamment grâce à l’outil satellite. La question de l’or illégal, d’un point de vue cartographique n’est apparue qu’à l’échelle du parc amazonien. Pour l’instant, c’est un constat que les uns et les autres font mais nous n’avons pas d’outil commun pour dégager une tendance sur ce phénomène alors qu’on peut considérer que c’est la menace principale du Plateau des Guyanes.

On a fait la demande en 2007, lors des élections présidentielles et cette année, en octobre 2011 on a démontré la faisabilité technique [Une Saison en Guyane n°7]. Là aussi c’est un choix politique que de mettre en place cet observatoire. D’ici les prochaines échéances électorales on va faire ses demandes aux différents élus.

8/ Depuis près de 20 ans (directives de 1992) l’exploitation aurifère en lit mineur est interdite en France et en Europe, pensez vous que cette pratique guyanaise, non compatible avec les standards actuels, puissent perdurer au XXIe siècle ?

Laurent KELLE :   Ces pratiques aurifères en lit mineur bénéficient d’un régime dérogatoire en Guyane, bien qu’elles soient fortement impactantes. Dans le cadre du SDAGE, il est recommandé de limiter l’extraction aurifère en lit mineur. Suite aux concertations liées au projet de SDOM, ces pratiques seront maintenues, avec un certain nombre de règles d’encadrement plus spécifiques.

L’industrie minière guyanaise passe encore outre les autorisations administratives (autorisation d’ouverture des travaux miniers, autorisation sur les installations classés, législation sur les déchets miniers), va-t-on un jour sortir de cette situation ?

Pendant plusieurs décennies, l’ensemble des pratiques aurifères en Guyane a passé outre de nombreux textes de loi. Et l’Etat s’est tardivement penché sur ce secteur, et ses pratiques, en renforçant le cadre réglementaire, les procédures d’instruction, et la fréquence de contrôle, qui reste toutefois trop faible.

La situation actuelle est loin d’être acceptable, et les passifs sont nombreux. Nous espérons qu’en dépit de ce contexte fortement négatif (illustré en 2010 par deux fictions « orpailleur », et « 600Kg d’or pur », reflétant chacun une image fort sombre du secteur aurifère en Guyane), certains acteurs de la filière montreront des pratiques à la hauteur des enjeux, en termes bien évidemment de respect des lois, mais aussi de limitation des impacts environnementaux, de responsabilité sociale et de traçabilité.

9/ Lors d’une récente étude réalisée en mer, on a mesuré plusieurs fois le taux de mercure autorisé dans une espèce prélevée au large de la Guyane (cf étude de Tullow Oil), pensez vous qu’il s’agisse d’un réel problème de santé publique pour les guyanais ? Si il est avéré que ce mercure provient du sol guyanais, quelle solution apportée à terme à ce problème ?

Laurent KELLE :  Ces chiffres annoncés par cette compagnie n’ont pas été confirmés par le rapport transmis. Une erreur de manipulation a été avancée pour expliquer ce cafouillage.

Christiane TAUBIRA

  • Députée de la première circonscription

1/ Comment expliquez les difficultés pour mettre en place une revalorisation de la redevance aurifère ? A quel niveau se situe le blocage ? N’est ce pas un mauvais signe pour une éventuelle future redevance pétrolière ?

Christiane TAUBIRA : Nous avons affaire à un gouvernement obtus et assez peu réceptif aux problématiques des Outremers. La preuve par le CIOM comme réponse aux mouvements sociaux de 2008-2009 et la flopée de commissaires à l’endogène dépêchés sur des territoires dont ils ignoraient tout la veille. En clair, à des questions sur l’économie rentière, les injustices sociales, les inégalités de traitement, le gouvernement répond par un show d’Etats généraux et des mesures bureaucratiques. La fiscalité aurifère est un dispositif normal dans une économie normale. Le gouvernement n’arrive pas à penser les Outremers comme des lieux normaux. Il est plus à l’aise avec les transferts financiers et sociaux qui lui permettent de garder son discours sur l’assistanat. Ce gouvernement a créé en cinq ans plus de 35 nouvelles taxes ! Dont les boissons sucrées, les clés USB, les mutuelles, etc. Et il se crispe dès qu’on lui parle de faire une activité lucrative en Guyane, l’or ou le pétrole, contribuer fiscalement aux besoins de la Guyane. C’est irrationnel. Depuis, coincé et sans argument il a fini par créer la redevance pétrolière, mais il en confisque 50% ! Alors que lui revient l’impôt sur les sociétés. Là aussi, c’est une exception pour l’Outremer, et même pour la Guyane car la redevance créée pour Saint-Pierre et Miquelon est totalement affectée à la collectivité. La région Guyane qui perdra ainsi la moitié d’une recette fiscale pourrait introduire une question préalable de constitutionnalité, dans l’intérêt de la Guyane. Mais cela suppose du courage politique et de la liberté vis-à-vis de l’Etat. Pour ce qui concerne l’or, la redevance est forfaitaire. Le cours de l’or peut exploser, les communes reçoivent la même aumône microscopique pour se débrouiller à en réparer les dégâts. Cette redevance équivaut à un pour mille du prix de l’or. Inepte et insultant. J’ai encore défendu des amendements en loi de finances en novembre pour une redevance proportionnelle. Le gouvernement reste sourd.

2/ Quel est votre sentiment sur l’outil de planification qu’est le schéma minier ?

Christiane TAUBIRA : Je n’ai pas encore compris à quelle question répond ce SDOM. Je sais par contre quelles questions se posent. L’Etat est-il capable d’éradiquer l’orpaillage clandestin ? Une politique professionnelle et régionale d’accompagnement peut-elle être mise en place pour des installations légales compatibles avec un zonage réaliste ? Quelles sont les filières proposées en diversification et en reconversion ?  Nous sommes face à deux contraintes. D’abord la nécessité d’occuper le territoire compte tenu de l’expansion de l’orpaillage clandestin et de la création de villages sédentaires. Les garimpeiros ridiculisent l’Etat en pillant l’or au cœur même du Parc amazonien. Pourtant il faut reconnaître que l’Etat fait des efforts avec Harpie et surtout qu’il y a des hommes sur le terrain, parfois au risque de leur vie. Ensuite, il faut assurer un développement par des activités  qui permettent aux populations de l’intérieur d’avoir un revenu et une vie sociale. Je pense que la biodiversité est un grand gisement de métiers (connaissance, protection, artisanats, pharmacopée, agropastoralisme, etc). On ne peut pas se contenter d’opposer des incantations à une activité aussi offensive et rentable.

Or, le SDOM est une conception administrative qui ne satisfait personne, ni les opérateurs miniers, ni les habitants exposés aux méfaits de l’orpaillage clandestin, ni les militants politiques qui, depuis longtemps se préoccupent de la préservation de notre environnement. J’ai consacré une édition de mon Université populaire ‘Atò koté to’ à ce projet de SDOM en juin 2010. Nous avons pu mettre en lumière le caractère manipulateur de la soi-disant consultation publique. Pourtant, et malgré les avis défavorables ou les protestations, il entrera en vigueur le 1er janvier 2012 comme l’indique le décret.

Ceci étant, si depuis le temps que le sujet fait débat la collectivité régionale s’était dotée d’une stratégie minière, il y aurait une alternative à opposer au document administratif de l’Etat et pas seulement des avis défavorables qui finissent au panier.

3/ A l’heure actuelle, la commission des mines est une chambre d’enregistrement, cette instance de concertation ne devrait elle pas plutôt être le lieu d’un choix « démocratique » ?

Christiane TAUBIRA :  Lorsque j’ai travaillé aux modifications du code minier pour la réforme de 1998, j’ai estimé que sur le foncier et le minier qui sont des enjeux majeurs, il fallait reprendre le pouvoir de décision qui relevait du seul préfet et le transférer à des structures transversales avec une forte participation d’élus, voire la présidence avec voix prépondérante. C’était l’esprit pour l’EPAG côté foncier et la CDM côté minier. Mais l’administration ne se laisse pas remettre à sa place comme ça et elle n’est guère partageuse. Il est évident que la CDM devrait être un lieu de réels débats sur l’attribution des titres miniers, étant entendu que les grandes orientations doivent être prédéfinies (zones d’interdiction, zones d’arbitrage, types d’activité alluvionnaire, éluvionnaire, primaire, réseaux d’approvisionnement, de distribution, réhabilitations, contrôle, etc).

Le plus incongru est la place dérisoire réservée aux maires dont l’avis est à peine regardé sur le côté, alors que ce sont eux qui affrontent la réalité de l’activité sur leurs territoires, planifient les documents d’aménagement, assurent les prestations. Si on veut maintenir le désordre et l’improvisation, c’est ainsi qu’il faut faire, la méthode est imparable.

4/ Le GIR (groupement d’intervention régional) est censé enquêter sur l’activité minière irrégulière, ce service a-t-il pleinement été utilisé pour la lutte contre les filières de financement de l’orpaillage clandestin ?

Christiane TAUBIRA :  La combinaison optimale serait la répression (mais son caractère massif comme Anaconda et Harpie devrait être de durée limitée), une politique économique d’exploitation contrôlée et une action coordonnée avec les pays voisins côté Oyapock et Maroni. On constate avec le recul que les actions administratives d’investigation et de contrôle ont abouti à la quasi disparition de l’activité légale et à une impuissance flagrante sur l’activité clandestine. Il est temps d’en tirer des leçons.

5/ Concernant la cyanurisation, le parlement européen a demandé en 2010 à la commission européenne de produire une directive d’interdiction de l’utilisation de cyanure dans l’exploitation aurifère, qu’en pensez-vous ?

Christiane TAUBIRA : Il s’agit d’une technologie réservée à l’or primaire de profondeur dont on nous dit depuis plusieurs années qu’elle est de plus en plus fiable, mais dont on sait que les dégâts sont considérables en cas d’accidents. Et les accidents ne sont pas plus exceptionnels que les marées noires. Les opérateurs sont toujours soi-disant prêts à y faire face et ça va toujours soi-disant arriver chez les autres. La question renvoie aux priorités. Une activité doit-elle servir le développement ou répondre aux performances de productivité. Exemple, le mercure est plus rentable que la gravimétrie. Mais il est très dangereux pour la santé. C’est une responsabilité politique d’arbitrer en faveur de la santé. En économie, il y a toujours un ou plusieurs paramètres pour déterminer si ça vaut le coup d’exploiter. Parfois c’est trop loin, trop profond, trop lourd. Quand c’est trop dangereux on doit, soit fournir toutes les garanties, soit renoncer. Il n’y a aucune nécessité impérieuse en Guyane notamment de recourir à la cyanuration.

6/ Comment expliquez-vous la lenteur du Brésil pour ratifier l’accord binational relatif à la lutte contre l’orpaillage dans les zones protégées ?

Christiane TAUBIRA : Depuis mon rapport de 2000 à Lionel Jospin, Premier ministre, je plaide en faveur d’une action de coopération avec le Brésil et le Surinam pour enrayer l’orpaillage clandestin. Qui n’en était qu’à ses débuts ! Je prenais à l’époque l’exemple de ce qu’avait fait le Venezuela avec le Brésil en 1995. Fin 2008 enfin, la France et le Brésil ont signé un Accord visant des actions coordonnées. La France a ratifié l’Accord, j’en ai été la Rapporteur (et j’avais dû la relancer régulièrement pendant deux ans !). Le processus législatif avait démarré assez vite au Brésil jusqu’à ce que remontent des réticences de l’Etat d’Amapa. Cet état, voisin de Guyane, très excentré par rapport à Brasilia, est aussi l’un des plus pauvres. L’activité aurifère constitue donc une opportunité pour faire baisser la pression sociale et procurer des revenus. On peut considérer que le Brésil est en train de sortir de la période colin-maillard où il faisait mine de ne rien voir. Son ministère des mines est en train de mettre en place un dispositif de reconversion d’anciens garimpeiros. Les ultimes tentatives dilatoires consistaient à lier la ratification à un programme de développement. Lors de la dernière commission mixte transfrontalière en novembre, j’ai rappelé aux parlementaires présents que la ratification consistait pour le Parlement à honorer la signature du gouvernement, et qu’on était en droit d’attendre cet acte de la part d’une grande démocratie comme le Brésil. Les sujets économiques, agriculture, pêche, transport fluvial, énergie, etc, éducatifs et sanitaires, faisant par ailleurs l’objet d’accords et de co-financement.

7/ Pourrait-on aller jusqu’à accuser le Brésil de violation de frontière, lui qui tolère l’installation de milliers de ses ressortissants, pratiquant un orpaillage sauvage qui met en péril une forêt européenne ? Sur le terrain diplomatique, n’est ce pas le rôle du ministère des affaires étrangères français de faire pression auprès du gouvernement fédéral brésilien ?

Christiane TAUBIRA : Le Brésil est notre voisin. On ne fait ni durablement ni impunément la guerre à la géographie. Nous devons privilégier des relations cordiales et solidaires avec ce voisin. Nous partageons des espaces terrestres, maritimes, aériens pour l’économie, les lieux de vie, la sécurité, et contre les trafics ; nous ne saurons protéger et valoriser que si nous mettons en commun nos connaissances scientifiques, nos savoirs empiriques et nos moyens. Accuser le Brésil n’a aucun sens. D’abord parce que la diplomatie a été inventée pour éviter ce type de rapports. Et c’est bien le ministère des Affaires étrangères qui doit prendre les initiatives. Ensuite parce que nous avons des alliés brésiliens, notamment l’Ibama, ministère de l’environnement qui exprime des positions convergentes aux nôtres. Il faut rappeler au Brésil ses engagements internationaux sur l’Amazonie, il faut d’ailleurs souvent les rappeler à la France elle-même. Ce sont deux grands pays, leurs négligences sont inexcusables. Nous ne devons pas négliger par ailleurs la part que prend dans cette activité interlope le territoire surinamien en amont avec le carburant, le mercure et divers vivres, et en aval avec les commerces.

8/ Allez-vous interpeller les différents candidats aux présidentielles sur ces questions aurifères ? Si oui sous quels aspects ?

Christiane TAUBIRA : Pas seulement interpeller. Etant moi-même impliquée dans la campagne, je pèserai fortement pour faire entendre et comprendre les enjeux du développement et la façon dont l’activité aurifère peut éventuellement y contribuer ; l’urgence d’une action coordonnée franco-brésilienne afin de protéger les populations, préserver la biodiversité, rétablir la sécurité ; la mise en place d’une fiscalité équitable qui participe à la formation et à la diversification.

Notes :
1) CIOM : Comité interministériel de l’Outremer

Patrick MONIER

  • Président de l’association Maiouri Nature Guyane

1/ Redevance

Patrick MONIER : Il y a peu nous avions calculé que la redevance correspondait à 0,3% de la valeur du produit extrait. C’est insignifiant par rapport aux dégâts collatéraux engendrés sur un bien commun irremplaçable. D’après le biologiste Francis Hallé, il faudrait 7 siècles pour reconstituer une forêt primaire. Notre association réclame depuis longtemps un audit indépendant sur le rapport coûts / bénéfices engendré par cette activité pour l’ensemble de la population.

2/ SdOM

Quelle est votre sentiment sur l’outil de planification qu’est le schéma minier ?

Patrick MONIER : Un zonage a été décidé après une large consultation. Même imparfait, car nous trouvons qu’il fait un cadeau somptueux à une petite poignée d’orpailleurs, il a le mérite d’exister et de supprimer le flou qui régnait jusqu’à présent. Nous espérons qu’il évoluera dans l’esprit du système de conservation des forêts REDD.

3/ MERCURE

L’imprégnation du mercure sur le milieu soulève de nombreuses interrogations et craintes, les connaissances scientifiques à ce sujet ont-elles été étoffées par de nouvelles études ? Vous dénoncez l’absence de mesures objectives du niveau d’impact ?

Patrick MONIER :  L’association SOLIDARITE-GUYANE, en liaison avec le NIMD de Minamata et l’Université de Bordeaux , a apporté des preuves irréfutables de l’imprégnation mercurielle des populations du haut-Maroni.  « Une saison en Guyane » a également décrit dans un numéro précédent, la mobilisation du mercure naturel en Guyane, par le retournement et le lessivage des terres.  Le transport à grande distance du mercure a été constaté scientifiquement. Nous possédons une somme de connaissances qui, à notre avis, n’a pas besoin de nouvelles études. L’impératif actuel est d’ordre politique afin d’éradiquer l’orpaillage clandestin et ses réseaux maffieux qui continuent à polluer au mercure.

4/ Depuis près de 20 ans (directives de 1992) l’exploitation aurifère en lit mineur est interdite en France et en Europe, que pensez-vous de cette pratique guyanaise, non compatible avec les standards actuels ?

Patrick MONIER : Dans sa participation au Schéma Minier, Maiouri-Nature s’était clairement prononcé, pour le respect intégral de la Directive Cadre sur l’Eau, totalement incompatible avec l’orpaillage alluvionnaire. Pour cette raison et bien d’autres (stockage des déchets miniers, coût environnemental, impact carbone,…) l’industrie aurifère en Guyane est en sursis, illustrant le «syndrome du gardien de phare» : qui a de splendides horizons mais dont on imagine très mal l’avenir… !

5/ CYANURE

Concernant la cyanurisation, le parlement européen a demandé en 2010 à la commission européenne de produire une Directive d’interdiction de l’utilisation de cyanure dans l’exploitation aurifère, qu’en pensez-vous ?

Patrick MONIER :  Il faut consulter notre site qui rend compte de ce que représente une pollution au cyanure et du nombre d’accidents intervenus ces dernières années.

A moyen terme le cyanure sera interdit en Europe, comme l’a été le mercure ; d’autant plus, comme rappelé dans le dossier Cambior/Iamgold à Kaw, la turbidité des eaux guyanaises freine considérablement sa biodégradabilité.

D’autres méthodes existent, beaucoup plus onéreuses qui, nous l’espérons, découragerons les multinationales de venir sur notre sol. Car au-delà des risques d’empoisonnement chimique, il y a le problème du drainage acide minier qui pollue les nappes phréatiques sur le long terme.

6/ BRESIL

Comment expliquez-vous la lenteur du Brésil pour ratifier l’accord binational relatif à la lutte contre l’orpaillage dans les zones protégées ?

Patrick MONIER : Le laxisme de l’Etat est flagrant, qui s’explique sans doute en partie par des transactions en cours sur d’importants contrats de ventes d’armes, mais également par l’intérêt que trouve le Brésil à piller notre sous-sol.

7/ Pensez-vous que la pression grandissante impulsée publiquement par le président de région au cours du 4e trimestre 2011 sur les autorités de l’Amapá pourrait faire avancer la ratification de l’accord binational par le Brésil ?

Patrick MONIER : Nous pensons que cela est positif et que le dialogue doit être étayé par une réelle volonté politique d’aboutir.

8/ L’industrie minière guyanaise passe encore outre les autorisations administratives (autorisation d’ouverture des travaux miniers, législation sur les déchets miniers), qu’en pensez-vous ?

P.M. : Malheureusement le lobby minier est très actif en Guyane et présent depuis peu à des postes clés au niveau politique, économique et administratif. A contrario, les structures de contrôles chargées de l’application des lois sont en sous-nombre et dépourvues de moyens. Maiouri Nature avait fait venir l’ONG de juristes Sherpa en 2007 pour éclaircir la situation. Devant certains risques de conflits d’intérêts que présente la situation actuelle et au vu de l’importance des subventions accordées à ce secteur, il n’est pas impossible que nous fassions à nouveau appel à leurs services.

9/ Allez-vous interpeller les différents candidats aux présidentielles sur ces questions aurifères ? Si oui sous quels aspects ?

Patrick MONIER : Oui, Maiouri Nature Guyane entend leur demander de se positionner sur l’industrie minière dont il ne peuvent ignorer qu’elle est l’une des plus polluantes au monde, avec une très faible incidence sur l’emploi de la jeunesse guyanaise. On ne peut continuer à détruire des pans entiers de l’unique forêt primaire de la riche Europe, dont la biodiversité et la chimiodiversité n’ont même pas encore été inventoriées,… et ce, pour une poignée d’entreprises individuelles. Hélas en Guyane, nos décideurs, par manque d’imagination ou du courage politique nécessaire, mobilisent leur énergie au profit du seul minier …alors que d’autres filières non préjudiciables aux générations futures pourraient être développées.

Marc Laffineur

  • secrétaire d’Etat auprès du ministre de la Défenseet des Anciens combattants

1/ Quel est votre sentiment à l’égard des difficultés à lutter contre l’orpaillage clandestin dues notamment à une difficile coopération sur ce sujet ?

Marc LAFFINEUR : Je vais demain [l’interview a été réalisée le 16 décembre 2011] voir nos militaires, puisqu’on a quand même huit cent militaires, trois cent cinquante gendarmes qui j’allais dire se battent en permanence pour lutte contre l’orpaillage et quelque fois en prenant des risques, il y en a déjà un qui est mort, pour me rendre compte sur place. Je crois que c’est aussi le rôle des membres du gouvernement d’aller voir sur place et c’est ce qu’on essaye de faire, c’est d’avoir la meilleur coopération possible, c’est sûre qu’il faut une coopération, la lutte ne pourra pas se faire nous tous seuls il faut forcement qu’on ait une coopération la plus large possible et c’est l’intérêt de tous les pays.

2/ Sentez-vous la volonté de la France de vouloir faire accélérer la ratification de l’accord binational par le Brésil ?

Marc LAFFINEUR :  Ecoutez la Francea démontré sa détermination dans la lutte contre l’orpaillage clandestin. Les soldats français, les gendarmes français au détriment de leur vie sont arrivés à des résultats. Nous avons une diminution très importante en 2011 de … du … nombre qui travaillent ici en Guyane ( !), nous avons une augmentation des prises d’or donc il y a des résultats. Il faut bien sûr que ces résultats continuent, il faut qu’il y ait la coopération la plus forte possible pour qu’on puisse lutter de façon efficace, c’est sûr qu’on ne peut pas y arriver tous seuls donc il faut forcément … eh bien … mais cela c’est aussi de la diplomatie c’est aussi beaucoup de discussions en tout cas la détermination de la France elle est totale.

3/ Pourrait-on aller jusqu’à accuser le Brésil de violation de frontière, lui qui tolère l’installation de milliers de ses ressortissants, pratiquant un orpaillage sauvage qui met en péril une forêt européenne ?

Marc LAFFINEUR :  Est-ce que vous croyez qu’on peut régler les problèmes diplomatiques et les problèmes de l’orpaillage en s’attaquant les uns les autres ? Certainement pas et j’ai beaucoup trop de respect pour le Brésil qui est un grand pays et je crois que c’est justement par la discussion, la diplomatie entre nous, la détermination qu’on y arrivera. D’ailleurs la meilleure preuve c’est que le premier ministre est au Brésil actuellement et euh que cette question sera certainement abordée [la question de l’orpaillage clandestin ne figurait pas dans le programme officiel du premier ministre Fillon].