1) Quelle est la situation globale de la Guyane en terme d’hydroélectricité ?

La Guyane possède un gros potentiel hydroélectrique exploité à seulement 15%. Entre barrages et centrales au fil de l’eau on pourrait produire près de 800 MW. Le problème est que les deux fleuves les plus importants sont frontaliers, et donc plus compliqués politiquement à équiper et gérer. Le potentiel des centrales sans ennoiement, évalué par le SDAGE (schéma directeur pour l’eau) il y a 2 ans, serait de 200MW si tous les sauts (une centaine) étaient exploités. Ils peuvent produire 1 à 2 MW. En réalité, une dizaine de projets au fil de l’eau sont réalisables.
Le potentiel de gros barrage en Guyane, qui, lui, a été évalué par EDF à l’époque de la construction de Petit Saut est d’environ 600MW soit 4 à 6 ouvrages: sur la basse Mana, l’Approuague, le Maroni (le Suriname y a un projet) et l’Oyapock. à l’époque le Sinnamary a été choisi parce qu’il était situé près du CSG et de Cayenne. Mais ce sont des données qui datent des années 70. Et puis, il faut penser à l’acheminement de l’électricité. Sur le petit hydro électrique, la plupart du temps la ligne plombe le projet sur le plan technico-économique. La ligne n’est amortie que par de grosses productions comme un barrage, surtout quand ces productions sont a l’intérieur des terres, et si on ne veut pas que ça coûte plus cher que ce que cela rapporte, et que le réseau soit instable, il faudrait situer les barrages près des lieux de consommation, c’est à dire près du littoral.

2) Sur quelles données peut-on se baser pour prévoir la construction d’un barrage ?

On sait que la consommation de Saint-Laurent va tripler d’ici 2030 et celle de Cayenne doubler. Mais Saint-Laurent ne va pas rattraper Cayenne. Avec le développement des industries, souvent implantées dans les grandes banlieues, les besoins en électricité vont augmenter. Saint-Laurent qui consomme entre 10 et 12MW aujourd’hui arriverait à 30 ou 40MW d’ici 2030. Cayenne devrait passer de 50 à plus de 100MW à la même date. Mais ce sont des prévisions basées uniquement sur la démographie, sans prendre en compte l’accélération de l’économie guyanaise dû au développement éventuel de la filière pétrole.
Il faut compter une dizaine d’années entre la décision et la réalisation d’un barrage. Il y a un très grand nombre d’études à faire. Il faut s’assurer que le terrain soit étanche, la cuvette doit pouvoir supporter 15 à 20m d’eau. Il faut aussi faire des études géologiques. La question est complexe en Guyane puisque, étant sur un plateau, il faut mettre en eau des centaines de km² pour produire moins qu’ailleurs.

3) Un deuxième barrage est donc en projet ?

Pour l’instant, il n’y a pas de projet de deuxième barrage. C’est une idée, elle sera réellement envisagée quand on aura prévu un déficit. L’objectif est d’abord de développer des choses simples. Quand on parle de production d’énergie, il faut aussi compter sur les économies possibles : isolation, chauffe-eau solaire, ampoule basse consommation…
La priorité est aussi de développer les petites EnR : biomasse et petite hydraulique. Ensuite se posera la question du barrage. On pourrait s’attendre à un déficit de 100MW d’ici 2030 si aucun travail n’est fait sur les EnR et l’économie d’énergie. Est-ce que cela va suffire vu la tendance actuelle d’augmentation de consommation et de production ? La construction d’un barrage n’est pas décidée mais si les tendances ne sont pas inversées, si nous n’avons pas une démarche volontariste pour développer les économies d’energie et les ENR, nous allons dans le mur. Le rôle d’EDF est d’alerter sur ces problématiques.

4) Comment expliquer le peu de moyens pour le développement de la filière voltaïque en France et en Guyane ?

L’état a baissé le prix du rachat d’énergie. Le solaire n’est pas encore viable économiquement car l’élément de base des panneaux solaires, le silicium, coute très cher. En Guyane, le coût de l’electricité solaire (kiloWatt-heure) est de 40 centimes, alors qu’EDF vend sont électricité à 11 centimes. Par comparaison, le kWh produit à la centrale à gasoil de Dégrad des Cannes coûte 25 centimes, celle du barrage de Petit Saut 8 centimes, les éoliennes 18 centimes. L’énergie la moins chère reste l’hydraulique, petite ou grosse.

5) La maitrise de l’énergie est aussi un moyen de renverser la tendance, quel est le rôle d’EDF sur cette question ?

La grande question est encore de savoir combien d’énergie nous serons capable d’économiser. Une maison classique peut économiser au moins 40 % d’énergie avec une bonne isolation, un chauffe-eau solaire… L’engagement de la population dépend aussi des aides de l’état pour amortir ces coûts plus rapidement. Je suis très motivé par ça. On a besoin d’une incitation financière même si l’énergie est déjà très subventionnée en Guyane. Le monde industriel se lance aussi dans une réflexion pour faire des économies d’énergie. On essaie de mobiliser les bailleurs sociaux et stimuler l’économie locale pour favoriser la production de chauffe-eau solaires ou d’isolants en Guyane. Cela en réduirait le coût en plus de créer des emplois. On le fait parce que c’est nous qui sommes en relation avec les pouvoirs publics. On essaie de faire baisser le coût pour la collectivité. En France le prix de l’électricité est mutualisé. quelle que soit son coût de production et d’acheminement, il coûte 11 centimes. La Guyane coûte en ce sens 150 millions et n’en rapporte que 50. C’est un bon système mais qui peut exploser le jour où il y a trop d’écart. C’est pourquoi il faut tenter de réduire la dépendance de la Guyane, pour que le modèle de péréquation soit pérenne.

En savoir plus sur le barrage de Petit Saut :

http://www.une-saison-en-guyane.com/article/consultation-libre/petit-saut-18-ans-d%E2%80%99hydroelectricite-au-service-de-la-guyane/