« J’avais 16 ans quand je suis entré dans le Jungle Commando. C’était en 1988, la guerre avait commencé depuis deux ans. Le Suriname était un « pays de révolution » : je ne pouvais pas y vivre, à cause de ce que les soldats faisaient : ils tuaient des gens… » (R.J.)
La guerre civile du Suriname appartient au passé proche. Beaucoup d’habitants du Suriname, mais aussi de Guyane, s’en souviennent. Ce conflit a eu d’importantes répercussions pour le département français. Pourtant, peu d’écrits ont été publiés sur le sujet en français. De 1986 à 1992, cette guerre opposa le régime militaire de Desi Bouterse à une rébellion menée par des Marrons, et soutenue par des opposants politiques à la dictature. Si le nombre de combattants est resté limité de part et d’autre, ce conflit a eu des implications politiques de long terme, des deux côtés de la frontière.

Une jeune nation multiethnique

En 1975, le Suriname devient indépendant de la Hollande. Ce processus s’effectue dans l’urgence, dans un contexte politique tendu : le parti créole, le NPS1, dirigé par Henk Arron prend le pouvoir, après de violents affrontements avec des membres du parti Hindustani, le VHP2, au départ défavorable à l’indépendance. Les Surinamais émigrent massivement vers la Hollande. Le 25 février 1980, Desi Bouterse prend le pouvoir par la force : c’est la « révolution des sergents », qui en dépit de son idéal de République socialiste, instaure une dictature militaire. En décembre 1982, quinze opposants au régime sont tués au Fort Zeelandia. Les représentants des différents partis, partisans d’un régime parlementaire, s’exilent en Hollande, et s’unissent désormais contre le régime.
A cette époque, la place des marrons dans la société multiethnique surinamaise connaît de profonds changements. En 1980, ils représentent une minorité marginale dans la nation, soit 10 % de la population du pays. Les différents groupes marrons sont principalement implantés dans des zones rurales, d’une part les territoires en amont des fleuves Suriname et Maroni, où leurs ancêtres s’étaient installés à l’époque du marronnage, et de l’autre la région de la rivière Cottica, autour de Moengo, où les Ndyuka, ont migré depuis le début du XIXe siècle. Néanmoins, les migrants marrons commencent à s’installer durablement à Paramaribo, où beaucoup d’entre eux rachètent à bas prix les biens des Surinamais exilés en Hollande. Par ailleurs, les aides hollandaises au développement financent de nombreux projets sur les fleuves, ce qui engendre une transformation des modes de vie des marrons dans leurs territoires ruraux. Au début des années 1980, les différents groupes marrons accèdent donc progressivement à des positions de plus en plus attractives au sein de la société surinamaise.

Après les massacres de décembre 1982, l’aide hollandaise au développement est suspendue, ce qui bloque l’essor du pays. Le pays s’enfonce dans une période de marasme économique. C’est dans ce contexte de crise que la guerre civile est déclenchée.

Les débuts de la rébellion
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