À cause d’une sécheresse majeure qui s’est installée depuis les années 60 au-dessus des Kerguelen, la calotte Cook fond à une vitesse tristement record.

Kerguelen - Complet (© Insularis) NB_BAT_vecto« Les glaciers situés en bordure des régions de climat polaire sont extrêmement sensibles au changement climatique. Au cours des dernières décennies, ils ont détenu les records de perte de masse glaciaire à l’échelle du globe, avec des valeurs particulièrement extrêmes en Patagonie et sur l’archipel des Kerguelen, contribuant de manière significative à l’élévation du niveau de la mer », synthétisait en 2016, le site en ligne de l’Institut polaire français Paul-Emile Victor.

Depuis plus de dix ans, il est établi par les scientifiques français et internationaux que la calotte Cook, située dans l’archipel de Kerguelen recule de manière importante depuis le milieu des années 60. Cette calotte qui se classe comme la zone englacée la plus vaste du territoire national a perdu 20 % de sa surface en quarante ans, publiait une équipe du Laboratoire d’études en géophysique et océanographie spatiales (Legos) de Toulouse et de l’Université de Zurich en juillet 2009. Le recul est deux fois plus rapide depuis 1991, pointait Étienne Berthier du Legos.
Depuis ces conclusions alarmantes, le Cook connaît un regain d’intérêt de la part de la communauté scientifique qui tente de mieux analyser les effets du changement climatique sur la précieuse zone subantarctique, car depuis 1974, année des dernières campagnes de terrain, on en savait peu sur la réponse de Kerguelen au réchauffement global.
« Actuellement, dans la partie basse de la Mer de glace [située dans le massif du Mont-Blanc en Haute-Savoie, la Mer de Glace est une référence en la matière en France pour évoquer la crise de la fonte des glaciers] on perd 2 à 5 mètres de glace par an. Dans une partie équivalente, sur la calotte Cook, il y a 5 à 6 fois plus de perte d’épaisseur chaque année, ce qui est considérable et ce qui constitue l’un des éléments les plus marquants à l’échelle mondiale », rapportait Vincent Favier, physicien à l’Institut des géosciences de l’environnement de Grenoble au cours d’une conférence, en septembre 2018, de l’Observatoire Midi-Pyrénées accessible en ligne.
Le glaciologue et plusieurs autres scientifiques français, espagnols, écossais et nord-américains avaient créé la surprise lors de la restitution de leurs travaux en 2016 puisqu’ils concluaient à une situation record au niveau mondial au cours des dix dernières années.
« Malgré le réchauffement de l’atmosphère au milieu de l’Océan Indien Sud, le retrait glaciaire est principalement conséquent d’une diminution drastique des précipitations au cours des 50 dernières années », avait conclut l’équipe internationale.
Les scientifiques ont découvert que depuis les années 1960, “l’oscillation antarctique” (ou “SAM” pour “mode annulaire austral”), ce gradient entre les hautes et les moyennes altitudes, a très fortement augmenté, à la fois à cause de l’augmentation des gaz à effet de serre et du creusement du trou d’ozone stratosphérique au-dessus de l’Antarctique. Ainsi perturbé, le SAM a engendré un déplacement du rail des dépressions vers l’Antarctique se traduisant par une sécheresse majeure à Kerguelen et donc la disparition progressive des chutes de neige sur la calotte.
« 70 % de la masse perdue est expliquée par une perte de précipitations», explique Vincent Favier. « La machine climatique dans l’Océan Indien est-elle déréglée ? S’agit-il simplement d’un problème d’échelle [localisé] ? La question reste ouverte, mais le recul futur de la calotte Cook, par contre, paraît clair et irréversible », pose le glaciologue.
Selon l’équipe, la calotte devrait continuer à reculer au cours du XXIe siècle, « jusqu’à disparaître au cours des prochains siècles ».
Par leur modélisation et la mise en évidence de la perturbation du régime des pluies dans la zone subantarctique, les scientifiques ont par ailleurs ouvert une réflexion primordiale à l’échelle planétaire, car ils montrent que les « modèles de climat actuellement utilisés pour effectuer les projections d’évolution du climat sous-estiment très largement l’assèchement observé à Kerguelen », rapporte l’Institut Paul Emile Victor. « Les chercheurs estiment que l’avenir des glaciers de la région subantarctique pourrait être plus sombre que prévu. »
Texte de Marion Briswalter, photos de Bruno Marie