Le troisième plus grand barrage du monde est en construction dans l’état du Pará, sur la rivière Xingú, un affluent de l’Amazone.
Le projet pharaonique révèle les tensions du nouveau modèle de développement brésilien en Amazonie, et ses dommages. Peut-on promouvoir une énergie durable en détruisant la forêt et le mode de vie des populations sylvicoles ?

Novembre 2012, des émeutes viennent stopper les trois chantiers du plus gigantesque ensemble hydroélectrique amazonien, qui devrait aboutir en 2019 au 3ème plus grand barrage au monde. Ce n’est pas la première fois que ce projet très polémique est en panne, mais cette fois ce n’est ni une décision juridique, ni une manifestation indigène, ce sont les travailleurs eux-même qui ont détruit le matériel et certains baraquements. « Le consortium Norte Energia ne respecte pas les clauses de nos contrats de travail, et les syndicats ne nous soutiennent pas dans nos revendications »  explique un des 16 000 travailleurs qui souhaite, on le comprend, garder l’anonymat. Il faut dire que si l’état brésilien vient de débloquer 22 milliards de reals pour la construction du barrage sur la rivière Xingú, les travailleurs, eux, ne perçoivent généralement qu’un salaire de base de 3,1 réals de l’heure, soit 1,5 euro. De plus ils ne sont autorisés à rentrer chez eux qu’après leurs six premiers mois de labeur sur le chantier.
Ainsi donc, après des années de rebondissement, de manœuvres politiques, de duels entre tribunaux, le projet titanesque de barrage sur le Xingú continue de passer en force, et cela malgré la controverse  environnementale -  Début août 2011, la banque européenne d’investissement (BEI) renonça à financer le plus grand barrage d’Afrique, situé en Ethiopie, après les conclusions d’un rapport confirmant le manque de consultation des peuples de la vallée de l’Omo affectés par le chantier, et surtout les craintes qui pesaient sur leur survie alimentaire, les décisions  rendues plusieurs fois par le tribunal d’ Altamira furent en adéquation avec les conclusions de la BEI-  et l’occupation intermittente du site par différents groupes contestataires. Si des soubresauts judiciaires sont encore à attendre, rien ne semble maintenant pouvoir se mettre en travers de la construction de l’ouvrage hydraulique, nouveau pilier de l’essor économique du Brésil.

Des tribunaux en désaccord

Depuis près d’un an, les brésiliens ont pu suivre des joutes juridiques dignes d’un véritable feuilleton télévisé. Tandis que les juges d’Altamira demandaient l’arrêt des travaux afin de consulter les populations locales concernées, la tribune fédérale de Brasilia cassait la décision la semaine suivante. Le tribunal régional du Para s’est donc vu plusieurs fois évincé par l’organe fédéral, sous l’influence d’un gouvernement peu enclin à laisser s’exprimer les consultations requises auprès des milliers de pêcheurs et tribus amérindiennes du bassin du Xingú.

Un chantier pharaonique
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