A l’image de Villa Brasil ou Ilha Bela sur l’Oyapock, les “ villages frontière ”, véritables bases arrière des orpailleurs clandestins, ne cessent de fleurir sur la rive surinamaise du Haut-Maroni.
Reportage en face de Maripa-Soula, à Antonio do Brinco. Où chaque semaine ou presque, un nouveau commerce voit le jour…

Un dimanche comme un autre sur le Haut-Maroni. Il est onze heures, le soleil tape sournoisement à travers la fine couche de nuages suspendue ce matin-là au-dessus de Maripa-Soula. La plus grande commune de France est plongée dans sa torpeur habituelle, bercée par les chants des églises Évangéliste qui se mêlent aux solos haut perchés de quelques coqs complètement détraqués.
Au bord du débarcadère, les piroguiers sont là, fidèles au poste, à moitié endormis sous leur parapluie reconverti en parasol. Parmi eux, une poignée de piroguiers… chinois ! L’image est assez surprenante. Ils sont pourtant bel et bien propriétaires de ces embarcations maladroitement décorées avec de la mauvaise calligraphie chinoise. Proposent-ils des trips touristiques pour partir à la découverte des monts Tumuc-Humac ? Pas vraiment, non. Tous ces “ boatmen ” qui attendent le chaland effectuent uniquement la traversée du Maroni, pour accoster juste en face. L’un d’eux nous hèle dans un “ taki ” approximatif : « Hey man, you wani taxi ? ». La course est gratos. À condition bien sûr, qu’on aille faire ses courses dans sa boutique. En trente secondes, on a rejoint l’autre côté de la berge. Nous voilà donc au Suriname. Plusieurs dizaines de baraques en bois aux couleurs chatoyantes et construites sur pilotis bordent la rive. Bienvenue à Antonio do Brinco. Ou, c’est selon, Albina 2, ou encore New Albina, comme disent les Maripasouliens. Une référence évidente à Albina, la vraie, située 250 km plus au nord, en face de Saint-Laurent-du-Maroni. La particularité de cet endroit, c’est qu’il y a encore dix ans, il n’existait tout simplement pas ! En une décennie à peine, ce village, qui compte cinq cents à un millier de personnes selon les estimations, a vu le jour, poussant comme un champignon un lendemain d’averse. Bars, restaurants, bordels, commerces… ici, les orpailleurs en transit ne manquent de rien. On recense même un coiffeur et, bien sûr, une petite église qui fait le plein tous les dimanches.

Far west des temps modernes
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