« Un jour j’écrirai mon livre et il s’appellera : Bonjour Madame, taxi-brouette ! » éclate de rire Omar Cabrera Boca Negra, né il y a 49 ans à Lima, d’une mère originaire de la Cordillère blanche et d’un père de la capitale. L’homme, sans-papiers, vit depuis 2003 en Guyane, et djob* au marché central de Cayenne où il décharge et charge les caisses de fruits et légumes des agriculteurs Hmong. Personnage immanquable d’entre-les-étals qui s’échine, trois jours par semaine, de l’aube au milieu d’après-midi, Omar convergeait — très vite après avoir débarqué clandestinement d’une barque de fortune de passeurs brésiliens — vers ce haut-lieu du commerce de rue cayennais, en proposant ses services muni d’une brouette, comme beaucoup de sans-papiers péruviens et bissaoguinéens.
« Ce Bonjour madame, taxi brouette ! a été la parole magique qui m’a donné beaucoup de joie durant ces quinze années, raconte-t-il en souvenir des heures passées à charrier manioc, aubergines et zabriko. J’avais commencé avec un autre Péruvien à vendre des mangues. On m’avait prêté une bicyclette, j’avais installé une cagette dessus et on vendait huit mangues pour 2 euros. J’ai aussi nettoyé les jardins et puis j’ai cherché du travail au marché. J’avais rencontré un petit vieux qui vivait en Guyane depuis 25 ans et il m’avait proposé de me prêter une brouette. J’ai alors commencé à transporter les caisses des agriculteurs et puis petit à petit, les Hmongs ont vu que je travaillais bien et que j’étais sérieux, alors on m’a demandé d’aller acheter une bouteille d’eau par-ci, de transporter une caisse d’aubergines par-là, et je suis devenu connu. En six mois, on a commencé à me confier plus de boulot ce qui m’a valu des bagarres avec les autres djobeurs. Aujourd’hui je décharge quinze à vingt camions par marché et je suis payé 10 € pour un petit camion, 15 € pour un grand ».
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