À CROUPETONS DANS LA NUiT  


 
À croupetons dans la nuit aux senteurs mauves
fleurant bon essence de citronnelle arrosées
d’un grand doigt de cœur-de-chauffe en payaca
blason de Grand-Prévot du Tour de l’Ile
que la Lune en son dernier quartier
humait a pleins poumons meurtris
du mâle limbé d’amours brisées
de la Légende amérindienne
la Jarre
Oreille-
Œil-
Mémoire
avait pris de la bouteille
et aussi de la patine
au miroir des temps morts à demi

Elle en avait pris assez
ou par trop
de l’une et de l’autre
pour n’être plus commode et simple et belle
qu’une cible a boulets rouges de glaise
pétris
roulés
cuits
recuits
défournés d’un boucan de feu doux de brindilles
pétillant sec
aux yeux de la marmaille égrillarde
rendu à l’air libre enfin
ouf
et vogue la galère
lors jouant au jeu des jeudis de pensums finis
à tant la ligne et de pages à parfaire
d’une écriture que Naincoulé
le Maitre d’École
à la braguette sans cesse ouverte
avait voulue
gothique et belle
comme cet amour d’imparfait du subjonctif
dont avait
la bouche en cul de poule prête pour la ponte
pleine et réjouie
un dénommé
Mortadelle
Candidat-Député
d’une poussière d’Iles au vent françois
auxquelles
en vérité
en vérité
on vous le dit
seul manque
un fanal rouge
de waggons de queue
sur rails
immobiles
toujours immobiles
pourquoi on se le demande
encore toujours immobiles dans la nuit fauve anxieuse de voir
enfin se lever une aube d’âmes
mises à mort les ombres
eu égard à la Jarre Oreille-Œil-mémoire

( Léon Gontran DAMAS, Mine de riens, inédit 1976-77 )