Atlantique nord – Année après année, des milliers voire des dizaines de milliers d’oiseaux marins s’échouent sur les côtes nord-américaines et européennes après les tempêtes hivernales qui touchent l’atlantique nord. Mais d’où viennent-ils ? Et quelles sont les causes exactes de cette hécatombe ? C’est pour répondre à ces questions qu’une équipe internationale coordonnée par Manon Clairbaux et David Grémillet, du CNRS, a lancé une vaste étude – la première de cette envergure – sur la migration de cinq espèces d’oiseaux marins vivant sur tout le pourtour de l’Atlantique nord (macareux moine, mergule nain, mouette tridactyle, guillemot de Troïl et guillemot de Brünnich). « Ils viennent se reproduire sur les côtes au printemps puis disparaissent en mer sans que l’on sache vraiment où. Nous avons donc équipé quelque 1 530 oiseaux avec de très petites balises pourvues de capteurs de lumière et de température. Ce qui nous a permis de suivre leurs déplacements et d’identifier les zones où ils aiment passer les mois d’hiver », explique David Grémillet. Et de poursuivre : « En superposant cette répartition aux trajectoires des tempêtes hivernales survenues entre 2000 et 2016, nous avons pu déterminer les zones à risque pour eux : au large de Terre-Neuve, dans le Labrador, autour de l’Islande et en mer de Barents ». Les chercheurs ont également modélisé la dépense énergétique des oiseaux soumis à une tempête. Leur conclusion ? « Contrairement à ce que l’on pensait, les oiseaux ne décèdent pas d’une dépense énergétique accrue en raison de la froidure ou des vents violents, mais parce qu’ils n’arrivent plus à se nourrir lors de ces événements météorologiques. Pris dans une énorme machine à laver, ils n’arrivent plus à plonger pour chasser. Comme leur taille modeste ne leur permet pas d’emmagasiner de grosses réserves de graisse, la privation de nourriture durant plusieurs jours leur est souvent fatale », précise David Grémillet. Et l’avenir s’annonce sombre. Dans son dernier rapport, le Groupe d’experts intergouvernemental sur l’évolution du climat (GIEC) prévoit que les tempêtes hivernales les plus intenses vont devenir encore plus fréquentes et se décaler de plus en plus vers le nord. Ce qui augmentera d’autant la vulnérabilité des oiseaux marins. (M. Clairbaux et al., Current Biology, 13 septembre 2021, 10.1016/j.cub.2021.06.059)