Environnement
Quand le glyphosate ressuscite le chlordécone…
Les Antilles n’en ont pas fini avec le chlordécone, ce pesticide organochloré très toxique utilisé massivement de 1972 à 1993 pour lutter contre le charançon du bananier. Non dégradable, ou très peu, il s’est accumulé dans l’environnement tant en Martinique qu’en Guadeloupe. Près de trente ans après son interdiction, il est toujours présent en grande quantité dans les sols antillais et se retrouve également sur la majeure partie du littoral, justifiant l’interdiction de la pêche.
vers toujours plus de chlordécone
Qui plus est, une étude coordonnée par Pierre Sabatier, du laboratoire Environnement, dynamique et territoires de la montagne (EDYTEM) de l’Université Savoie-Mont-Blanc, publiée en janvier dernier dans Environmental Science & Technology, montre que le chlordécone réapparaît actuellement dans la nature en lien avec l’usage intensif du glyphosate.
« Notre approche est fondée sur la méthode de rétro-observation : nous avons analysé les concentrations de chlordécone et de glyphosate dans deux carottes de sédiments prélevées au large des bassins versants du Pérou, en Guadeloupe, et du Galion, en Martinique, et sur lesquelles poussent des bananeraies. Les sédiments, datés précisément à l’aide de radioéléments (plomb 210 et césium 137), couvrent quelque 100 ans d’histoire sur ces deux îles », explique Pierre Sabatier.
premier constat
La quantité de chlordécone se déversant en mer chaque année augmente considérablement à partir de la fin des années 1990 jusqu’à atteindre des flux 20 à 200 fois supérieurs à ceux observés à l’époque où la molécule était autorisée. Surtout, cette augmentation va de pair avec l’apparition du glyphosate, mais aussi avec un brusque accroissement du flux de sédiments issus des bassins versants et donc de l’érosion. « Le glyphosate, qui détruit le couvert végétal, favorise l’érosion des sols et, in fine, la libération du chlordécone qui y est stocké. Un même processus se produit avec le DTT dans les vignes de métropole. Et l’on peut imaginer qu’il est assez général, puisque le glyphosate est utilisé de façon massive sur nombre de surfaces cultivées », conclut le chercheur.
(P. Sabatier et al., https://dx.doi.org/10.1021/acs.est.0c05207)

Photo de Charles Mottes