L’orpaillage nuit à la santé ! Le mercure et le cyanure utilisés pour amalgamer ou extraire le précieux métal sont, on le sait, de puissants toxiques. Mais il est un autre risque qui progresse : l’ulcère de Buruli, une maladie tropicale très invalidante due à une bactérie mangeuse de chairs, Mycobaterium ulcerans, et dont les modes de transmission sont encore mal connus. Les travaux menés ces dernières années par des chercheurs de l’Institut de recherche pour le développement (IRD) dans divers pays ont permis d’établir un lien entre le développement de ces bactéries et l‘exploitation aurifère. « En République démocratique du Congo, au Ghana, en Australie ou encore en Guyane, M. ulcerans prolifère dans les environnements pollués par les métaux lourds (arsenic, mercure) issus de l’extraction de l’or. En particulier dans ce que l’on appelle les ceintures de roches vertes, vieilles de plusieurs milliards d’années, très riches en arsénopyrite, un sulfure de fer et d’arsenic » précise Rodolphe Gozlan, de l’IRD de Guyane. Et d’enchaîner, « entrainés par les eaux de ruissellement, ces métaux s’accumulent dans les plaines inondables des rivières favorisant le développement de biofilms, c’est-à-dire de communautés d’algues microscopiques et de bactéries. Très vite, les eaux s’acidifient, s’appauvrissent en oxygène et la biodiversité aquatique chute, offrant à M.ulcerans un environnement optimal pour croître et se multiplier, puis s’attaquer aux habitants. » En Guyane, l’Opération Harpie destinée à lutter contre l’orpaillage illégal lancée en 2008 par le gouvernement français en Guyane a eu pour conséquence une diminution de l’incidence des cas d’ulcère de Buruli. Selon les chiffres que viennent de publier Rodolphe Gozlan et ses collègues, le nombre de cas est passé de 5,01 pour 10 000 habitants entre 2 000 et 2 008 à 1,39 pour 10 000 habitants entre 2009 et 2017 ! à contrario, le bassin de la rivière Murray près de Victoria, en Australie, a connu une flambée épidémique en 2016. Cette année-là, le nombre d’ulcères de Buruli a bondi de 72% avec 182 nouveaux cas déclarés. En cause, une augmentation de la production d’or dans la mine de Fosterville, l’une des plus grosses du pays. Et le constat est le même en Afrique de l’Ouest où le nombre de cas d’ulcère de Buruli est étroitement corrélé à l’exploitation aurifère. « C’est un élément à prendre en compte au moment de calculer le retour sur investissement de projets miniers tels que la Montagne d’or », conclut le chercheur de l’IRD. (S.Jagadesh et al., EcoHealth, 18 oct.2019)

Illustration Marie Verwaerde